Dans une allocution prononcée à Saint-Etienne dans l'enceinte de la Cité du design (4 novembre 2013), le premier ministre a fustigé « les discours déclinistes que nous entendons trop souvent ». Le terme, qui oscille entre le sens porté par l’usage de défaitiste et celui de pessimiste, revient périodiquement dans les discours des premiers ministres. Décliniste est un faux mot nouveau. Un autre premier ministre, Dominique de Villepin, a tenté d’imposer la déclinologie et son avatar néo-scientifique déclinologue. Ce néologisme à tendance barbarisme aurait pu signifier que le déclinologue était un expert en déclin à la manière d’un sinologue ou d’un futurologue. L’usage qu’en proposa en 2006 D. de Villepin ne prit pas cette direction.
Décliniste serait en toute logique l’adjectif qui se rapporte à la doctrine du déclinisme. Le suffixe « isme » décrit une opinion, un courant de pensée, un système et fait référence à un engagement. Dans cette approche, les déclinistes se reconnaissent dans les orientations de la doctrine du déclinisme comme les marinistes sont en pâmoison à l’évocation du dernier bon mot de leur cheftaine. Ceci est un exemple emprunté à l’actualité. La fin des « ismes » annoncée dans les charrois de la postmodernité revient comme un refoulé nauséeux. Les « ismes » d’aujourd’hui jouent petit bras. Ce qui pourrait accréditer leur déclin.
Toutefois, si l’on se réfère à la modalité de construction des mots qui arrivent sur le marché sémantique, ce qui n’est en rien ridicule, les déclinistes devraient être tenus pour les chantres du déclin, des militants satisfaits et volontaires pour imposer leur doctrine puisant leurs ressources dans les livres d’Alain Minc. En réalité, la notion de déclin est lourdement chargée d’arrières pensées de peur et d’appréhension. Le déclinisme est un argument de disqualification surtout quand la droite n’est pas au pouvoir. C’est toujours prendre un risque que d’employer des mots qui ont été forgés par d’autres dans des circonstances oubliées. Le premier ministre enfourche-t-il le canasson du sentiment décliniste que ses adversaires portent à sa politique ? On comprend que l’arrière-cour de Matignon bruisse des ambitions pétaradantes des prétendants qui se voient tout en ascension
Lorsqu’il s’apprêtera à quitter Matignon, le premier ministre sera invité à décliner ses réalisations et les succès de sa politique. Celui (ou celle) qui sera pressenti(e) pour lui succéder peut de toute façon décliner la proposition de promotion. Quelle que soit la décision retenue, elle ne manquera d’être perçue comme des clins d’œil à l’avenir.