Dans le cadre du séminaire vingtiémiste de Master 2 de madame le professeur Renée Ventresque, je présentais le 2 mai un exposé consacré au roman de Patrick Modiano Un pedigree.
Dont acte.
Au début du mois de janvier 2005 paraît Un pedigree de Patrick Modiano, livre où l’auteur raconte sa vie de sa naissance en juillet 1945 jusqu’au printemps de 1967 puis la publication de son premier livre, d’inspiration célinienne, La place de l’étoile en 1968. Il s’agit donc de l’évocation des vingt premières années de sa vie, les années de l’enfance et de l’adolescence, celles de la formation pour tout être.
La critique a souvent évoqué Simenon à propos de l’univers de Modiano. Et le titre de ce livre est à l’évidence une allusion explicite, et aussi un clin d’œil, à Georges Simenon, dont l’autobiographie était titrée : Pedigree. Mais “un” pedigree implique l’idée d’une mise à distance, le pronom indéfini banalise le titre, c’est d’un pedigree parmi tant d’autres qu’il s’agit. Ecrivain de la Collaboration, cette période qui intéresse tant Modiano, Drieu La Rochelle avait lui intitulé ses souvenirs d’enfance : Etat civil plus en rapport avec l’identité de l’être humain alors que “pedigree” renvoie à la gent animale.
L’emploi de ce terme induit l’existence d’ascendants, issus d’une race que l’on suppose pure, mais avec une connotation qui peut suggérer aussi une forme de connivence : « N’oubliez pas de me faire passer votre pedigree » pourrait dire avec familiarité, à la fin d’un premier entretien, un employeur potentiel à une personne à la recherche d’un emploi.
On sait que Modiano avait déjà livré quelques éléments de son autobiographie, genre qu’il déteste (comme les confessions), dans un livre au titre beaucoup plus administratif Livret de famille, paru en 1977. Dans l’une des nouvelles de ce recueil, il écrivait fort justement au sujet d’un ancien collabo : « Je connaissais son pedigree » ; là le terme, on s’en doute, est peu laudatif. C’est une litote.
Nonobstant, peut-on parler d’autobiographie dans le cas de Modiano? Montrer que l’on se rapproche plutôt ici du genre littéraire connu sous le nom d’autofiction sera l’une des pistes de cet exposé. Mais n’est-ce pas la période trouble de l’Occupation avec la figure centrale du père qui est revisitée à travers le prisme de l’autofiction? Des événements imaginaires ou fantasmés sont venus se mélanger à des événements qui ont pu se dérouler réellement. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est imaginaire dans ce récit?
Seules la connaissance de l’œuvre de l’auteur, la lecture de ses interviews dans la presse, peuvent permettre de démêler le vrai du faux, même si l’autofiction, pareille en cela aux sonnets de Nerval, perdrait de son charme à être expliquée entièrement.
A suivre …