On connaît Goichi Suda pour l'originalité de ses productions. De Killer 7 à No More Heroes en passant par Shadow of the Damned et Lollipop Chainsaw, l'actuel président de Grasshopper Manufacture allie l'excellent et le médiocre au service d'univers parfois oniriques, souvent déjantés.
Annoncé en avril 2012 pour n'être dévoilé qu'en janvier 2013 par le biais d'une bande annonce aguicheuse, Killer is Dead est présenté par son créateur comme un soft s'inspirant de James Bond et des créations de Ian Fleming. Le jeu maintenant sorti, voyons ensemble le résultat de deux ans et demi de développement et d'inspiration.
Stylé et torturé
Prenant place dans un futur proche aux doux accents steampunk, Killer is Dead nous met aux commandes de Mondo Zappa, tueur à gage de métier et gigolo au grand cœur. Armé de son katana et de son bras gauche cybernétique, cet homme de main à la solde de la Brian Execution Firm traque de dangereux criminels et assassins de par le monde en échange de fortes sommes d'argent.
Si la trame scénaristique ne brille certes pas par son originalité, Killer is Dead risque de laisser plus d'un joueur sur son séant à la découverte du style graphique retenu. S'appuyant sur de forts contrastes d'ombres et de couleurs, cette nouvelle itération mettant en scène les assassins de Suda 51 est clairement basée sur le travail déjà effectué sur la série des No More Heroes, bonifiée cependant par un traitement de l'image qui n'est pas sans rappeler les meilleures œuvres de Frank Miller.
D'ailleurs, un gros travail musical a été effectué. Akira Yamaoka et son équipe ont encore fait des merveilles avec une bande son très à propos, collant parfaitement avec l'action et donnant une certaine profondeur aux paroles des personnages. Une mise en scène et un travail d'ambiance de haute volée, que l'on pourrait applaudir des deux mains s'ils n'avaient été aussi injustement desservis par une écriture sans queue ni tête. Le scénario tient déjà sur un ticket de métro et les principaux protagonistes, bien qu'extrêmement charismatique dans leur chara-design, ne parviennent pas à lui donner une quelconque envergure. Les phrases s’enchaînent, les personnages prenant leurs grands airs de porte-flingues classieux de la mafia alors que les suites de mots ne veulent rien dire ou sont au mieux d'une banalité affligeante. Le joueur peine donc à suivre le déroulement d'une trame qu'il ne comprend pas toujours, ce qui nuit à son implication ainsi qu'à son immersion dans cet univers déjà bien particulier.
Mondo Zappa aurait pu n'être qu'un simple exécutant au service de grandes firmes lutant pour leur suprématie, mais n'oublions pas que le scénario de Killer is Dead est tout droit sorti du cerveau torturé de Goichi « Suda 51 » Suda. Il sera donc plutôt question ici de venir en aide à un pauvre homme soumis aux quatre volontés de sa femme, et donc, d'éliminer ladite épouse. Ou bien encore de partir en voyage pour la face cachée de la Lune afin de libérer une charmante demoiselle de l'emprise de son invincible époux, avec un simple casque d'astronaute sous le bras. Ne cherchez pas la logique, il n'y en a pas toujours, pour ne pas dire jamais.
Une lame recyclée
Tout est plutôt prétexte pour partir à la rencontre d'entités surpuissantes, mi-ange mi-démon protégées par une armée de serviteurs aux techniques et manières plus ou moins médiévales. En cela Killer is Dead est un beat them all tout ce qu'il y a de plus classique. Le héros dispose de deux armes principales, un katana et un bras cybernétique aux facultés diverses et variées servant principalement d'arme de poing. L'usage du premier n'est d'ailleurs pas sans rappeler le maniement du beam katana de Travis Touchdown. On taille, on tranche et l'on cherche à enchaîner les combos face à des ennemis aussi quelconques que recyclés. Coup vertical, horizontal, parade et contre, les bases du combat au sabre sont bien là, d'autant qu'une jauge se remplira tant que les combos s’enchaîneront, augmentant par la là même les dégâts et la célérité de l'arme. Un bonne idée en soi, malheureusement, ces combats pourtant dynamiques sont quelque peu gâchés par une explosion d'effets, comprenez par là des traînées et autre flashs, qui viennent polluer l'écran et occultent l'action au sens propre. C'est une fois dans le cœur de l'action que le parti pris graphique se révèle être le principal obstacle au gameplay, plutôt dérangeant pour un beat them all. Mondo n'étant déjà pas le plus souple des personnages, ses courses et ses coups n'étant pas d'une réactivité et d'une précision exemplaires, il nous est en plus impossible d'anticiper les manœuvres de nos adversaires, qui pour le coup ne sont pas non plus des plus réactifs. La gêne est telle qu'il nous arrive même de ne plus vraiment savoir sur qui on tape, les effets surchargeant l'écran et la caméra faisant également des siennes, notamment dans les nombreux couloirs qui parsèment les niveaux et relient les petites arènes désespérément vides qui composent majoritairement les niveaux. Là encore, l'influence de No More Heroes se fait sentir.
Juste deux doigts
L'autre arme à notre portée est elle bien plus spécifique. Le bras cybernétique de notre play-boy à lunettes sert principalement de canon pour garder les ennemis à bonne distance, mais pas que ! En effet, entre les missions qui composent la trame principale du scénario, Mondo Zappa peut se livrer à une toute autre sorte de jeu. Ce « Gigolo Mode » très mis en avant dans les nombreuses bandes annonces du titre est destiné à réveiller les sens les plus primaires des mâles en manque de sensations. C'est en répondant aux invitations de charmantes et plantureuses jeunes femmes que le héros révélera une autre facette de sa personnalité, certainement la plus humaine. En se rendant à leur rendez-vous, la camera basculera en vue à la première personne pour que le joueur se retrouve directement projeté dans la peau de notre assassin avec pour simple objectif de discrètement (mais pas trop !) reluquer les formes souvent généreuses de nos hôtesses. Une phase de jeu douteuse et de très mauvais goût mettant au passage en exergue la condition de la femme dans sa société japonaise et le regard que les hommes portent sur ces dernières. Parce que si l'échec est toujours possible, une fois que l'on aura suffisamment fait comprendre nos intentions, il faudra systématiquement conclure notre petit manège par une offrande plus ou moins coûteuse en fonction du challenge, ce sésame nous offrant une petite scénette censurée mais assez explicite quant à la suite des événements. Alors, et c'est là que le bât blesse, on commence à comprendre les tenants et les aboutissants d'une telle mascarade lorsque se débloque une amélioration pour Musselbach (le doux nom que porte notre bras mécanisé). Véritable délire ou désir inassouvi du producteur, toujours est-il que ces charmantes jeunes femmes loin d'être farouches semblent être des espèces de vendeuses d'armes au marché noir. On récoltera ainsi de quoi diversifier les usages de notre prothèse en combat comme en dehors, ces upgrades débloquant également certaines zones inaccessibles autrement, qui n'apportent cependant aucune plus-value à l'ensemble du titre.
Des boss épiques
Pour autant, Killer is Dead parvient à convaincre par ses boss pour le moins étranges et originaux, opposants particulièrement retors qui offrent un peu de diversité. Ces combats, largement mis en scène, sont cependant ponctués d'un nombre impressionnant de Quick Time Event, comprenez par là qu'il vous suffira de composer la bonne combinaison de boutons à un instant donné pour pouvoir arriver à bout de ces extravagants aux super-pouvoirs, mais il vous faudra tout de même mener un véritable combat avant d'en arriver là. C'est d’ailleurs dans ces moments où l'on peut admirer toute la classe et la puissance de notre personnage, des instants qui apportent enfin de réels moments de jouissance manette en main et qui tranchent forcément avec le reste du jeu. Enfin sachez que le soft, uniquement jouable en solo, est pourvu d'un système de classement en ligne. Cependant, il y a peu de chance que l'expérience vous pousse à parfaire votre score passée la petite dizaine d'heures qu'il faut pour en faire le tour, et ce, malgré les trois niveaux de difficulté sélectionnables qui rendront nos opposants plus ou moins puissants et résistants sans pour autant modifier leurs capacités mentales.