Au Rond-Point, Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Etienne, propose au cours d'une seule et même soirée trois pièces de l'italien Stefano Massini relatant depuis ses origines l'histoire de cette banque dont la chute déclencha en 2008 la terrible crise des subprimes, déroulant ainsi près de deux siècles de capitalisme. 3h50 durant (surtout ne prenez pas peur !), le spectateur assiste passionné à un formidable feuilleton théâtral, à une saga familiale haletante, merveilleusement montée, ainsi qu'à une sorte de leçon d'économie pour les nuls limpide et captivante. En dépit de son sujet a priori peu glamour et de sa durée conséquente, "Chapitres de la Chute" est bien l'un des meilleurs spectacles de cette première partie de saison. A ne pas manquer.
L'action démarre au milieu du 19ème siècle, quand Henry Lheman, jeune juif bavarois, débarque en Alabama pour ouvrir une minuscule boutique de tissu. Ses deux frères, Emmanuel et Mayer, le rejoignent peu après. Au fil des ans, de leurs divers investissements, des évènements historiques (Guerre de Sécession, arrivée du chemin de fer, création des premières bourses, de celle de Wall Street, krach de 1929...), ces trois tempéraments complémentaires ("une tête, un bras, une patate") puis leur descendance bâtiront un empire qui deviendra la quatrième banque des Etats-Unis. Elle ne quittera le giron familial qu'en 1984, avant de connaître le destin que l'on sait.
Sur le plateau, six comédiens s'emparent avec virtuosité d'un texte empli d'humanité, solide, malin, enlevé, truffé d'anecdotes, dépeignant avec minutie personnages et situations. Se font tour à tour narrateurs ou protagonistes. Multiplient les rôles. Sont les instruments d'une enivrante symphonie, à l'exceptionnelle fluidité, au lyrisme saisissant. Citons-les : Jean-Charles Clichet, Philippe Durand, Martin Kipfer, Serge Maggiani, Stéphane Piveteau et René Turquois.
Sur le fond comme sur la forme, l'ouvrage se révèle presque sans défaut. Intelligent, accessible, drôle, subtil, raffiné. Jusqu'à la très élégante scénographie évolutive de Marc Lainé, grise et blanche, ponctuellement parée des vidéos inspirées de Pierre Nouvel.
Jusqu'au 30 novembre seulement.
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Photo : Jean-Louis Fernandez