Quand noir, c’est noir, quand il n’y a plus d’espoir, lorsqu’un imbécile a cramé la lumière au bout du couloir, c’est à ce moment, précis, où l’orphelin se demande s’il ne va pas trucider la veuve pour pouvoir hériter, à cet instant tragique où les Athéniens s’atteignirent et où les Perses se percèrent qu’intervient Arnaud Montebourg, le ministre du Dressement Reproductif, pour faire d’une situation désespérée une catastrophe fumante mais rigolote.
Et il faut bien avouer qu’actuellement, la situation du gouvernement est tout de même fort mal en point, avec ses deux bras coupés, ses deux jambes pétés, ses yeux fermés et ses oreilles bouchées. Il était plus que temps de faire intervenir un peu d’huile du Nono pour graisser des rouages médiatiques grippés par la valse d’affaires ridicules enfilées par Hollande dans un rythme de stakhanoviste qui mériterait clairement un contrôle anti-dopage.
Heureusement, le Montebourg, il a toujours un petit plan dans la manche, et parfois même pas quinquennal ! Cette fois-ci, il a donc choisi d’utiliser un « plan de résistance ». C’est bien, cela fait solide, entendu au loin, on pense immédiatement cote de bœuf, cassoulet ou saucisse toulousaine, un truc qui tient au corps. Et c’est donc ce qu’il nous offre au détour du conseil des ministres.
Il était temps. Sa Grande Frétillance l’explique d’ailleurs sans détours :
Nous avons une nouvelle vague de plans sociaux qui arrive. Cette vague concerne principalement des PME et des ETI , qui peuvent être rentables mais qui connaissent des difficultés temporaires de trésorerie, du fait de la défaillance des banques. Il n’est pas question de les laisser tomber !
Bien évidemment, la presse s’empressera de titrer non pas sur le fait qu’une nouvelle vague de plan sociaux arrive, mais que justement, Arnaud a dégoté avec un plan. On se l’imagine sans mal, son petit casque de chantier vissé sur son abondante chevelure de sémillant quinquagénaire badigeonné de Rexona sous les bras, le plan en question roulé sous l’aisselle pendant qu’il trottine, d’un pas altier, vers la foule qui l’attend, tel un sauveur, pour redresser encore une fois ce pays qui n’en peut plus d’être tout pas dressé, tout pas dur, tout pas vif et frétillant comme lui.
C’est vrai, c’est une bonne chose, un plan d’Arnaud. Et puis, c’est mieux que rien, au moins marginalement. Certes, ce n’est pas comme si les palettes de plans précédents avaient eu des résultats particulièrement fulgurants. Un petit graphique pour illustrer l’action d’Arnaud :
Mais bon. Là, cette fois-ci, des choses nouvelles vont être tentées.
Car Montebourg, finalement, se rend compte que certaines entreprises ont des problèmes de trésorerie. C’est bien, Nono, tu viens de faire un petit pas, modeste, mais indéniable, dans la compréhension de ce concept un peu flou, un peu mou et un peu difficile à appréhender pour toi que celui d’Entreprise. Eh oui, ce truc bizarre a parfois besoin d’un fonds de roulement, et pour fonctionner sereinement, ne peut pas toujours payer rubis sur l’ongle – au hasard – les administrations diverses et variées qui ont, elles, toute latitude pour les emmerder à longueur de journée parce que, précisément, elles n’ont que ça à faire, elles (et en plus, elles le font avec le pognon de ces entreprises, ce qui est encore plus succulent lorsqu’on y réfléchit deux secondes).
Eh oui : comme le dit si bien Nono, « pas question de les laisser tomber ! » Et ne t’inquiète pas, Nono, les URSSAF, le RSI, la myriade d’administrations diverses et variées qui sont accrochées aux tétons sucrés des entreprises ne les laisseront pas tomber, je te l’assure. Un petit délai de paiement de leur part ? Non mais et puis quoi encore ? Une étude approfondie du dossier pour étaler les cotisations ? Ouais, tu as vu jouer ça dans quel film, Nono ? Un état des lieux et un échéancier pour les prochaines ponctions, taxes, impôts, et appels de cotisations ? Et puis quoi encore, un Twix et une turlute, aussi, tant qu’on y est ?
Rassurez-vous, Nono sait que cette partie du problème ne pourra pas être traitée. Les administrations, pour lui, c’est tendu. On va plutôt jouer du côté des banques. Veules et serviles comme elles l’ont toujours été en France, il est bien plus facile de leur serrer le bras en clé dans le dos, et de les forcer, pas toujours gentiment, à faire ce qu’on leur demande. D’ailleurs, il le dit clairement : les trous de tréso, c’est « du fait de la défaillance des banques » ; eh oui : comme, finalement, tout le monde a un « credit-rating » franchement pourri (les banques en savent quelque chose, elles sont aux premières loges des établissements les plus instables), elles hésitent franchement à se mouiller.
Alors le gouvernement va adopter six mesures d’urgence (notez le mot « urgence » : en effet, il y a un an, ou six mois, on était dans l’embarras, l’ennui, la gêne, la délicatesse économique ; à présent, c’est l’urgence. Au moins, on peut se rassurer, lorsque la crise va vraiment cogner, au moins, le gouvernement sera prêt).
Et l’une des solutions est limpide, claire, évidente : puisque les banques ont un peu de mal à cracher des thunes, on va demander à celui qui a le plus d’argent, qui est le plus sujet à distribuer de la maille comme un rappeur de Miami juste avant une soirée coke, celui qui a une trésorerie de nabab qatari, celui qui est blindé comme Fort Knox, on va demander… à l’État français, pardi ! Ben oui : 2000 milliards d’euros de dette et presque pas une dent en moins, il peut bien distribuer un peu aux copains dans le besoin, non ?
Mais attention, ça ne se fera pas n’importe comment.
Il ne faudrait surtout pas que l’État fasse comme d’habitude n’importe comment et distribue bêtement de l’argent à des gens dont la rentabilité est, disons, douteuse. Parce que certains l’ont fait, des fois, et les résultats n’ont pas été exactement probants. Ce ne sera donc pas une occasion pour la Puissance Publique de rentrer au capital de ces entreprises nécessiteuses, que nenni.
On respire. Les soluces d’Arnaud, ça sent le bien pensé, le réfléchi, le jamais tenté avant et l’assurance millimétrée d’une réussite précise, calibrée de longue date. Que l’État devienne prêteur aux entreprises, voilà qui s’annonce lumineux et qui donnera une image rassurante aux investisseurs étrangers et aux agences de notation qui pouvaient, bêtement, redouter que l’État se retrouve lui-même un peu court pour ses fins de mois.
Et puis, il est vrai que l’argent ne manquera pas. D’ailleurs, presque en même temps qu’Arnaud indiquait que les sprinklers à pognon seraient ouverts en grand pour les entreprises demandeuses (et correctement acoquinées avec les bons rouages gouvernementaux, bien sûr), on apprenait que le gouvernement allait offrir de nouvelles facilités de crédit… aux Collectivités territoriales.
Oui, vous avez bien lu : pendant que le pays croule sous les taxes à en faire crever de plus en plus d’entreprises, les élections s’approchant, Bercy ouvre en grand ses grosses vannes pour les collectivités et calmer leur soif de pognon des autres.
Mais là encore, rassurez-vous. On parle ici de ces municipalités, de ces collectivités qui n’ont jamais couiné parce que mouillées dans des prêts toxiques, qui ont toujours eu le souci de gérer le denier public au plus près, de faire, littéralement, de la dentelle ou du point de croix en matière de comptabilité publique, bref, de gérer l’argent des autres avec la finesse d’un épépineur de groseilles et la précision d’un horloger !
Quand noir, c’est noir, quand il n’y a plus d’espoir, lorsqu’un imbécile a cramé la lumière au bout du couloir, c’est à ce moment précis que toutes les vannes à pognon s’ouvrent et où Nono, à poil dans une piscine de billets, s’écrie « Soirée Mousse » en jetant son verre de champagne par dessus son épaule.
Ce pays est foutu.
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