MACHINEDRUM
Vapor City
Ninja Tune (2013)
L’américain Travis Stewart aka Machinedrum est un dompteur de sequencers, de boîtes à rythmes, de samplers, de claviers et autres merveilles technologiques, démocratisées jadis par les prophètes de l’air électronique Kraftwerk. Basé à Berlin et tout juste entré dans l’escarcelle du prestigieux label anglais Ninja Tune, il impose sa nouvelle touche jungle post dubstep versatile et mélancolique.
Ayant grandi en Caroline du Nord, il commence sa carrière musicale comme batteur dans la fanfare de son école et percussionniste dans un ensemble africain. Plus tard, des études d’ingénieur du son le mènent à exercer son savoir-faire de beatmaker à New York, pour d’autres artistes. Son premier disque « Now You Know » paraît en 2001 chez Merck Records, âgé de seulement 19 ans il expose alors son goût pour le hip-hop (façon abstract de Prefuse73), l’electronica (telle qu’elle est pensée par ses mentors Aphex Twin et Autechre du label Warp) et les expérimentations sonores (à grands renforts de glitchs et de Fx). Influencé par les sonorités urbaines, il s’éprend plus tard de la frénésie des courants électro musclés (fortement dotés en bpm) comme la juke de Chicago (vision accélérée de la ghetto house), la ghettotech de Détroit et autre footwork. Revisitant les 90’s et leurs lots de hardcore, de jungle et de rave, Travis enregistre en 2011 son septième disque « Room(s) », ce dernier marque alors un tournant décisif dans sa carrière musicale l’élevant d’ailleurs au statut de star de la scène électro underground. Au lieu de s’orienter vers un style qui le séduit, il préfère rester immerger dans son melting-pot d’influences et produire des morceaux composites, alliant des phases down-tempo nappées de synthés hypnotiques et mélodiques à des moments up-tempo effrénés, percussifs et dynamiques.
« Vapor City » s’inscrit par bien des aspects dans la continuité de ses 10 années de syncrétisme stylistique, mais il exprime pourtant une évolution notable. Stewart y introduit en effet davantage de complexité dans les enchaînements de ses différentes textures. C’est ainsi que les touches contemplatives d’ambient (soufflées, paraît-il, par le duo écossais « warpien » Boards Of Canada) saupoudrées de samples vocaux quasi omniprésents, de quelques accents jazzy, ragga et R&B, ornent les cendres encore brûlantes d’une drum & bass classique et racée. Loin de la musique expérimentale cherchant à innover au-delà de toutes considérations esthétiques, le beau « Vapor City » sonne comme un revival d’une époque sous acide révolue, mais regrettée. Plein de nostalgie donc, mais pas seulement… L’expert signe une galette emplie de magie, de retournements, de surprises et de clairvoyance. C’est un projet fertile en devenir annonçant une suite malgré ses tonalités mélancoliques, et non pas le constat flamboyant d’une culture musicale passée à la trappe d’une industrie du disque parfois amnésique.
Machinedrum prolonge l’expérience de son album-concept par un site interactif et participatif, mis en ligne à l’adresse suivante : www.machinedrum.net et représentant le plan d’une ville numérique (Vapor City) qu’il bâti dans ses rêves depuis déjà plusieurs années. Les 10 titres forment la bande-son de ces quartiers utopiques.
Hybride, complexe, vibrant et addictif !
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