Hegel de Kostas Papaïoannou
En 2012, la maison d’édition Les Belles Lettres eut la bonne idée de rééditer le Hegel de Kostas
L’ouvrage de Papaïoannou nous révèle la véritable révolution que fut et qu’est toujours la philosophie du maître allemand. L’humanité a toujours cru que l’Absolu était au principe du Tout ; or pour Hegel, l’Absolu est un résultat. En effet, ce n’est qu’au terme d’un long processus d’actualisation dans l’existence, d’automanifestation dans l’histoire des hommes, que l’Esprit en vient à la connaissance de soi comme Idée vivante, comme essence éternellement libre.
Avant d’en arriver à cette conclusion, Hegel (1770-1831) connut un long et studieux développement philosophique, et, à cet égard, les pages que consacre Papaïoannou aux écrits de jeunesse du philosophe sont fort révélatrices. L’expérience de la réalité humaine comme scission fut déterminante dans les débuts de Hegel. À la belle unité de l’âme grecque, le jeune Hegel opposait les aspects négatifs du judéo-christianisme et de la raison des modernes. « Tout d’abord, la conception judéo-chrétienne a dévalorisé la nature en objet, en une créature, écrit Papaïoannou. La religion de l’au-delà a opposé Dieu et le monde et brisé le lien organique entre l’individu et la cité. Enfin la Raison moderne a généralisé la scission : après avoir successivement opposé l’esprit et la matière, l’âme et le corps, la foi et l’entendement, la liberté et la nécessité, l’être et le néant, le concept et l’être, le fini et l’infini, la raison et la sensibilité, l’intelligence et la nature, la scission a fini par englober toutes les oppositions antérieures dans celle de la “subjectivité absolue” et de “l’objectivité absolue” : le jeune Hegel y verra l’expression “la plus générale” du dualisme chrétien et du “malheur” moderne. »
C’est en affrontant courageusement ces contradictions que Hegel élabora le système qui le rendit célèbre. En fait, le philosophe se fit de la contradiction une alliée dont il tira la dialectique propre au développement de l’Esprit. Les opposés, dans une telle conception, sont autant de moments dans le développement de l’Esprit, chaque étape nouvelle, supérieure, supprimant tout en la conservant l’étape antérieure. Ces étapes sont les grands peuples, ou, pour mieux dire, l’Esprit de chaque peuple qui fait l’Histoire. À la fin cette évolution aboutit « à la réalisation intégrale du Tout, à l’identification du Logos, de la conscience et de la réalité ». Ce but sera atteint quand « le Concept correspondra à l’objet et l’objet au Concept » (Phénoménologie de l’Esprit, extrait traduit et cité par Papaïoannou). Autrement dit, la fin de l’histoire sera atteinte, comme l’écrit Papaïoannou, quand « le Logos sera complètement réalisé dans le monde produit par l’homme. » En effet, c’est dans l’homme, qui est lui-même le Logos, le Concept, que se manifeste l’Esprit.
Enfin, il vaut la peine de mentionner que l’ouvrage de Papaïoannou comprend un riche choix de textes traduits par l’auteur.
Papaïoannou, Kostas, Hegel, Les Belles Lettres, 2012.
Notice biographique