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Festival scopitone│live report enjoué

Publié le 13 novembre 2013 par Acrossthedays @AcrossTheDays

« Mieux vaut tard que jamais » est un proverbe qui date du XVe siècle et dont la SNCF est friande (ce qui n’a pas de rapport). Nous le mettons donc en œuvre avec ce live report du beau festival nantais Scopitone, qui a eu lieu il y a un peu moins de deux mois. Il aurait sans doute été dommage de vous priver de cet avis aussi tranchant qu’enamouré.

Capture d’écran 2013 11 12 à 23.16.22 FESTIVAL SCOPITONE│LIVE REPORT ENJOUÉ
Dans nos cinq commandements pour le Festival Scopitone que nous écrivions doctement l’année passée, nous disions deux fois d’arriver à l’heure (soit 40% de nos conseils). Ce que nous n’avons pas fait, puisque nous ne sommes arrivés à Nantes que le mercredi soir pour Still Corners, ratant ainsi la première soirée, et un artiste dont la musique consistait notamment à mettre des chips dans un bocal et en distordre le son qui en résultait.
Still Corners, donc, eux, sont plus sobres. Tous vêtus de blanc, c’est chic, et le son suit. On regrette tout de suite l’omniprésence des samples de batterie alors qu’un batteur est sur scène… Hé, Still Corners, si vous pensiez qu’on avait pas remarqué, c’est raté. Au delà de l’anecdote, il faut reconnaître une chose aux anglais, c’est qu’ils savent développer leur son de manière aussi classe que leur belles fringues. Certains titres emportent, d’autres fatiguent un peu, mais l’ensemble est plaisant. Ce qui est moins le cas de Thomas Azier, vendu partout comme « le petit protégé de Woodkid » (en quoi est-ce gage de qualité ?). Lui nous fatigue de la première à la dernière seconde, se sentant pousser une âme de Bono alors qu’il a le charisme d’un mauvais sosie de Mick Jagger octogénaire coincé dans son rocking chair d’Alabama. Quelque chose ne colle pas dès le départ, mais entre les stadium anthems à deux sous et les ballades chiantes, la suite n’est que pire. Nous voilà donc de bien mauvaise humeur.
Mais bien heureusement pour nos nerfs, c’est la venue des Rennais de Juveniles qu’on attend. Pour eux, la scène est une énorme biscotte (ceci est une métaphore foireuse) (glisser ici un LOLtoshop où on a mis une biscotte à la place de la scène). Il faut parfois marcher dessus à pas de loups pour ne pas la casser, et cela donne Washed Away, quand il faut parfois au contraire s’en servir comme dans un vestiaire de footeux (rappelez-vous du jeu de la biscotte), et cela donne l’orgasme Fantasy, cette grande montée jouissive. Parfois branleurs (on reste dans le thème), parfois appliqués, toujours est-il que le vrai problème ce soir-là fut le public. Alors qu’on a toujours eu l’habitude de les voir jouer devant un public qui, à défaut d’être conquis d’avance, se révèle toujours ouvert et finit séduit, on a ici l’impression qu’une certaine rancune habite le public, qu’on met sur le compte de la haine du voisin breton (attisée par une interview dans So Foot…ah, ces footix). Le groupe n’est pas vraiment à son aise, un gobelet fuse… Qu’importe, on ne boude pas notre plaisir. Après tout, gagner au jeu de la biscotte, c’est bien avoir du plaisir personnel qu’on partage avec des gens qui n’arrivent pas à s’en procurer.

 

scopitone FESTIVAL SCOPITONE│LIVE REPORT ENJOUÉ

Après une furtive pause rennaise, retour à Nantes le vendredi pour la première des deux soirées phares du festival : début de soirée sous les Nefs (célèbres pour l’éléphant mécanique qui y parade la journée) avant de continuer dans Stereolux et ses deux salles, à trois pas et demi de là.

On ne verra que la fin de Superpoze, qu’on découvre toujours aussi extatique devant son public, qui le lui rend bien. Il en sera de même pour Vitalic, sans trop qu’on comprenne pourquoi : jamais la musique électronique n’aura semblé aussi mauvaise à mes oreilles, le show visuel ne faisant que souligner la vacuité de l’entreprise…

Vitalic VTLZR  2  Vincent Arbelet   M FESTIVAL SCOPITONE│LIVE REPORT ENJOUÉ

« Tu les sens mes gros beats ? » – Vitalic ©Vincent Arbelet

Rien à voir, ni à entendre, qu’on ne connaîtrait déjà. De La mort sur le dancefloor à ses plus anciens titres, tout passe à la moulinette du rouleau compresseur Vitalic, qui aplatit tout et ne nous laisse qu’avec des miettes violentées. On souffre.

On s’eclipse avant la fin pour se faufiler à Stereolux dans sa salle micro (400 places) découvrir la musique « expérimentale » de Moritz Simon Geist, accompagné de sa fidèle MR-808 : une batterie « automatisée », où chaque instrument composant une batterie est enfermé dans un caisson lumineux et déclenchée de manière mécanique (si ce n’est pas clair, c’est normal, le concept est impossible à pitcher correctement, mais cette vidéo vous éclairera sans doute). Derrière le premier aspect ludique, on découvre une musique qui va au-delà de l’exercice de style, où les bruits de la machinerie se mêle à ceux qui sont « humains », et on reste plantés là, fascinés par ces flashs qui se déclenchent en même temps que les sons. On évite cependant de rester plantés devant Troumaca, groupe dont on ignore la réelle raison de sa venue dans un festival consacré aux musique électroniques. Ici, on peine à voir l’électronique, mais on trouvera, pêle-mêle : un sosie babos de Keen’V, une musique qu’on qualifierait volontiers de dub-tropical-ska-funk-pop (un truc de kermesse, en somme), des vieux qui dodelinent de la tête et une bouteille de vodka cachée dans un coin. L’enfer sur terre.
Retour dans mon havre de paix : la salle micro, dont les murs sont désormais martyrisés par Emptyset & Joannie Lemercier : techno abrupte qui penche vers la drone, concentrés sur leur table, le duo (qui ne l’est qu’en de rares occasions) met nos tympans à rude épreuve. Difficile d’accès, leur son possède pourtant en de nombreux moments une grâce qu’on trouve très peu ailleurs. Dans l’autre salle, c’est Disclosure qui monte sur scène. Des petits clubs londoniens aux plus grandes scènes en un an, c’est un exploit signé par les frères Lawrence (bien aidés par leur bonne copine Aluna et les flopées de remixes qu’ont connu leurs tubes). C’est déjà la quatrième fois qu’on les voit en un an, sans réellement qu’on ne leur coure après, et l’overdose commence à pointer le bout de son nez. Un mois après La Route du Rock, on retrouve le même set, les mêmes visuels…mais aussi le même entrain, autant sur scène que dans la fosse. Alors on se laisse avoir une fois de plus par les hymnes house de la tête d’affiche électro de l’année.

Les Stepkids se démènent à quelques mètres de là, devant un public clairsemé (attention, ceci est un euphémisme), pour faire croire à la pertinence de leur musique. J’étais trop interloqué par leur style et leurs coupes de cheveux pour y faire attention, tant pis.

Un murmure se fait de plus en plus fort dans Nantes : « Pachangaaaaaa… Pachangaaaaa… Pachangaaaaa… », résonnent les murs. Rebelledo et Superpitcher revêtent ensemble leurs habits de Pachanga Boys, sélectionnent leurs morceaux avec amour, et nous font danser le sourire aux lèvres. Leur hippie dance s’empare de nos pieds, nos esprits s’entrechoquent et dansent au dessus de nos têtes (non je vous jure j’ai pas pris de drogue). Parfaite introduction à la doucereuse techno de Jon Hopkins, ni vraiment douce ni vraiment heureuse, elle nous prend aux tripes, au fin fond de l’âme, et nous emporte ailleurs. Il a chez lui quelque chose qui touche au sublime, on cherche encore quoi et comment en se remémorant chaque instant passé en sa compagnie, comme on tenterait de se rappeler des souvenirs évanescents de la première fois qu’on a vu son amoureuse. En tout cas, ce dont on se souvient : ça s’est passé, et c’était beau.

Avant de rentrer sous la couette, on passe voir Louisahhh!!! et Maelstrom nous faire danser sans réfléchir. En évitant certains écueils, ils séduisent et tapent dans le mille.

1620 jonhopkins FESTIVAL SCOPITONE│LIVE REPORT ENJOUÉ

De retour le lendemain sous les Nefs pour voir comment ont grandi les Carbon Airways, dont on avait croisé la route aux Transmusicales il y a deux ans (ils étaient tellement jeunes à l’époque que leur préfet avait menacé de les interdire de jouer). Ils ont finalement très peu mûri, on retrouve toujours la même rage sur scène, et leur set est à peine moins brouillon qu’à l’époque.
On préfère également voir La Femme dans des petites salles où ils se sentent plus libres que sur ce genre de scène où ils ont l’air écrasés, mais ils arrivent une fois de plus à créer une ambiance, une atmosphère propre à eux et si enivrante. On se perd dans la brume des machines à fumée pour s’en faire sortir de force par Sexy Sushi, criards et indélicats. Quand Rebeka Warrior slamme au bout de littéralement vingt secondes, on se force à rester, au cas où il se passerait autre chose que des vannes sur la Vendée, mais non.
Direction Aoki Takamasa, au chaud dans Stereolux. Et c’est la plus belle surprise du week-end : une techno directe, sans détour, et ô combien jouissive. On y aurait passé la nuit si on avait pu. Mais le live de Diamond Version nous appelle : visuel éblouissant autant qu’intriguant, musique expérimentant. La première claque de la soirée nous vient tout droit d’un espace-temps inconnu, situé quelque part entre Matrix et Aphex Twin. C’est vous dire l’état de nos neurones. On hallucinera moins devant le live plus convenu de Chateau Marmont ; loin d’être déplaisant mais manquant cruellement d’idées pour faire décoller l’ensemble. Le contraire d’Aufgang, donc. Leur habile mélange entre classique et électro est bien loin des harmonies de mauvais goût de SALM, mais préfère expérimenter sans cesse, provoquant des rencontres inattendues et stupéfiantes.
Au tour de Gramme de nous stupéfier : entre les riffs funk à souhait, on ne sait plus trop où l’on est. Ce que l’on sait, c’est qu’on danse, sans trop se poser de questions. Mieux vaut éviter de trop réfléchir, à l’heure ou Jackson & His Computerband entre en scène pour réduire nos moindres pensées en bouillie. Sans être un rouleau compresseur, il tente, essaie, change, modifie, chacune des notes qui parviennent à nos oreilles. Une fois encore, on se réjouit, et on observe le maître à l’oeuvre. Oublié, l’album mal foutu : le live est incroyable de maîtrise, du premier kick au dernier beat.

The Juan McLean, lui aussi, maîtrise ses beats. Avec sa sélection acérée dont on cherche encore les plus belles des perles techno, on danse, danse, danse, en attendant de s’abandonner tout entiers à Electric Rescue & The Driver. A cette heure-ci, nos pieds glissent sur le sol sans qu’on les contrôle. Et on n’arrivera pas à les arrêter.

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Après une clôture plus tranquille mais tout aussi réjouissante le dimanche en compagnie de Born Ruffians, on peut le dire : ce festival Scopitone était celui de la maturité. Une maturité acquise après des années où la programmation piochait un peu trop chez Ed Banger et pas assez chez Infiné. Dans un lieu plus intimiste que les friches Alstom, on se plaît à imaginer que cette solution de transition (avant de trouver de nouveau un lieu adapté aux larges foules) finisse par persister. Après tout, qui refuserait un Scopitone aussi intime, quand ça signifie que son public est plus joyeux et plus agréable ?
On atteint impatiemment l’édition 2014 et ses lieux, mais on saura se souvenir que l’édition 2013 a marqué l’histoire du festival bien plus qu’on aurait pu le croire.


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