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Il n’est pas un jour qui se passe sans que l’on tombe sur une information concernant l’impression 3D. Vous allumez votre téléviseur, ouvrez un journal papier, qu’il soit d’information technique ou économique, lisez votre journal WEB favori, et vous en entendez parler. L’impression 3D se démocratise. Il permet aux designers, aux stylistes, aux gourous de la mode de concevoir des objets qui auraient demandé des mois de travail, alors que dorénavant ils peuvent visualiser de façon palpable leurs projets en quelques heures… et peuvent ainsi remanier de-ci de-lŕ le résultat de leur bouillonnante imagination.
il suffit de quelques heures de programmation.
Mais réalise t’on que cette technologie résulte d’années de travaux d’ingénieurs des industries automobile et aéronautique ? Car la technologie qui aujourd’hui nous paraît si simple résulte du développement de codes de calcul qui remontent au début des années 1950. Une des avancées sans lesquelles tous les développements actuels n’auraient pas eu lieu sont les courbes de Bézier, des courbes polynomiales paramétriques décrites pour la premičre fois en 1962 par l'ingénieur français Pierre Bézier chez Renault qui les utilisait pour concevoir des pičces d'automobiles ŕ l'aide d'ordinateurs. On peut męme dire que ces méthodes découlent des études menées par Leonhard Euler en termes de mathématique et de physique. Le nom d’Euler est associé ŕ de multiples sujets tels que les fonctions trigonométriques, la théorie des nombres en introduisant en 1727 le Ť e ť pour la base du logarithme naturel probablement mieux connu comme le nombre d’Euler, etc.
Comme le rappelle le comité pour l'histoire de l'aéronautique (COMAERO), ŤLe développement spectaculaire de la puissance de calcul des ordinateurs conjugué au développement constant des mathématiques appliquées a pris une place décisive dans l’évolution de l’industrie aéronautique et spatiale. La modélisation mathématique, la possibilité d’effectuer rapidement des calculs complexes et des itérations a modifié le travail des concepteurs permettant l’exploration de plus en plus poussée d’un plus grand nombre de configurations virtuelles de futurs produits ť.
Mais il faut passer du virtuel au concret. Et c’est lŕ que le développement des systčmes de conception assistée par ordinateur (CAO) qui débouchčrent rapidement sur la fabrication assistée par ordinateur (FAO) a joué un rôle important. Il s’est agit tout d’abord de CADAM développé par Lockheed et dont une licence (et ses codes-source) avait été acquise par Dassault en 1975, il fut ŕ l’origine du développement en 1977 de CATIA par Dassault qui a ensuite créé Dassault Systčmes qui connaît un succčs retentissant dépassant largement le seul secteur de l’aviation. A tel point que CATIA a supplanté au fil des années pratiquement tous les systčmes propriétaires développés par d’autres indsutriels (CADD, Euclid, etc.). Toujours est-il qu’ŕ l’époque déjŕ Dassault affirmait que la poursuite du développement de CADAM avait permis Ť de réduire le délai de réalisation des maquettes de soufflerie de 6 mois ŕ 6 semaines. Aprčs adaptation, il a permis de définir les formes d’avions, de concevoir les pičces dérivées de ces formes, d’usiner ces pičces et de les contrôler sur machine ŕ commande numérique ť. Ce qui permettait aussi de fabriquer plus rapidement les maquettes de soufflerie.
Plus récemment est arrivée la stéréolithographie qui permet de réaliser, ŕ partir des données numériques récupérées de la CAO, des objets principalement en résine. C’est la grande époque du prototypage rapide. S’il permet de présenter ŕ un client une pičce de fonderie par exemple, dont le développement est réputé pour ętre trčs long et fort coűteux, ces pičces ne sont pas avionnables car elles sont réalisées en résine en polymérisant couche par couche un liquide contenu dans un bac. On obtient donc un objet en plastique, généralement de l’ABS. C’est lŕ qu’entre la notion de poudre dont la nature a évolué de fines granules de plastique ŕ de fines poudres métalliques qui sont fusionnées par laser. Plusieurs entreprises françaises, telles les PME normande CMA ou toulousaine Estčve-FusiA, se sont lancées dans cette production de pičces par ALM (Additive Layer Manufacturing ou fabrication additive). De son côté l’Agence spatiale européenne (ESA) a présenté le mois dernier les premičres pičces métalliques obtenues grâce ŕ une imprimante 3D. Ces nouvelles pičces, qui peuvent résister ŕ des températures de 3 000 degrés, pourront ętre utilisées par l'industrie aérospatiale, tant dans la conception d'avions que de fusées, mais aussi dans des réacteurs nucléaires. Cette technologie innovante permet de créer des formes complexes qu’il est impossible ŕ obtenir par moulage et d’usinage. Bien sűr il reste des points ŕ améliorer avant que ces pičces soient avionnées (notamment le risque de porosités doit ętre éliminé) mais l’ALM de poudres métallique résout le problčme de perte de métal et le nombre d’opérations de fabrication ce qui réduit les coűts. Ainsi, lŕ oů il aurait fallu mettre en œuvre 20 kg de métal pour obtenir une pičce il n’en suffit que de deux kilos pour la męme pičce obtenue par ALM, explique t-on ŕ l’ESA. Ces développements sont menés dans le cadre du projet Amaze. Bien que des chaînes de production industrielle sont déjŕ en cours de mise en place en France, Allemagne, Italie, Norvčge et Royaume-Uni, elles ne serviront probablement pas encore ŕ produire des avions entiers … si ce n’est dans un premier temps des maquettes pour essais en soufflerie, męme si l’Onera n’utilise pas encore cette technologie. Mais de son côté l’ESA ne perd pas espoir puisqu’elle imagine déjŕ construire par impression 3D un satellite en une seule pičce, sans soudure ni boulon.
Nicole Beauclair - Aeromorning
Nota : références sont faites dans cet article aux ouvrages publiés par le comité pour l’histoire de l’aéronautique (COMAERO), et autres ouvrages publiés sur Internet par Wikipedia en général ainsi que l’histoire en anglais des logiciels de CAO-FAO (CAD software - history of CAD CAM) par Cadazz.