[Feuilleton] « Le poème carré : formes et langages » de Jean-René Lassalle, 2/9

Par Florence Trocmé

Optatien  
En 325 de notre ère, un poète romain de l’Empire tardif, probablement né en Afrique, Publilius Optatianus Porphyrius (Optatien), compose un livre de poèmes figurés (carmen figuratum) panégyriques pour retourner en grâce auprès de l’empereur Constantin. Selon des modèles de grilles, dont la plupart sont carrées, les lettres s’alignent dans les cases. Optatien complexifie en laissant apparaître des mots et vers intratextuels par des surlignages géométriques de certaines lettres (bandes, carrés dans le carré, trapèzes, symétries…). Le Carmen VI d’Optatien reproduirait graphiquement l’ordonnancement d’une armée romaine de Constantin. Les deux premières lignes en latin : « Martia gesta modis audax imitata sonoris / Musa per effigiem turmarum carmina texit » donneraient : « Ces faits guerriers elle les mime audacieuse par des moyens sonores, / la Muse, et tisse des poèmes en formes d’escadrons ». Dans les deux petits carrés du haut s’inscrivent à gauche « martia grandia dissona » (grandes dissonances guerrières) et à droite « gaudens gaudens (répété à l’envers) sonoris » : se réjouissant des sons. Peut-être Optatien parle-t’il  de ceux du poème et non de la bataille. 
 
 
Illustration : Optatien ; cliquer sur l'image pour l'agrandir
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