Assassin’s Creed IV – Martine chez les pirates

Publié le 13 novembre 2013 par Be-Games @be_games

Au milieu des licences à succès qui dominent le box-office du secteur vidéoludique, Assassin’s Creed est rapidement parvenu à se tailler une noble réputation. Avec un nom à la fois rédempteur et belliqueux, la saga d’Ubisoft « Les principes de l’Assassin » (n.d.l.r. : Traduction libre du titre) nous vend ouvertement un jeu qui se veut plus catholique que le Pape. En effet, là où des GTA déclenchent les griefs des associations pacifiques et puritaines, A.C. a pris l’habitude d’enrober son petit colis dans des contextes historiques et des ronds de jambes pseudo culturels qui font mieux passer la pilule que les kalachnikovs des simulations du « Voleur de voitures » ou autres déclinaisons de l’ »Appel du devoir ». Certes, mais au final, le marketing efficace sous-jacent a bel et bien transformé la série en produit de consommation, hyper comestible et formaté, pour plaire à tout qui le dégustera sans broncher, c.à.d. nonante pourcents des acheteurs potentiels. La couleur annoncée et ma lecture du phénomène ainsi étalée, je peux vous livrer mes impressions après une semaine intensive d’Assassin’s Creed IV – Black Flag.

Vous reprendrez un peu de Pitch ?

En prenant les mêmes mais pas exactement, on recommence la recette du titre édité par Ubisoft : « 1715, alors que les grandes puissances impériales signent des traités de paix dans les Indes occidentales, les pirates règnent sur les Caraïbes et fondent leur propre république où corruption, avarice et cruauté font foi. Edward Kenway, né en 1693, est un jeune gallois épris de liberté et d’aventures. Entraîné par les Assassins, il est le premier disciple doté d’une vraie âme de pirate, ce qui lui servira au sein du conflit millénaire entre ses maîtres et les Templiers ». En gros, le contexte se limite à cela. On peut vous en ajouter des couches et vous laisser croire que vous allez réécrire l’histoire, en interagissant avec le présent, mais il n’en est rien. Vous êtes juste la version agressive de « Martine chez les Pirates ». J’avoue qu’un jeu chez les corsaires peut se révéler emballant mais l’aspect scénaristique aurait mérité une attention particulière. Votre personnage voyage, se bat, mais jamais l’aspect complexe des Templiers, des interactions avec l’époque moderne ou de l’aventure en terre caribéenne ne semble justifié. Au final, la richesse des nombreuses pistes non exploitées transforme l’originalité d’Assassin’s Creed en défaut. Pourquoi surfer sur tellement de vagues, d’époques et de personnages pour nous proposer des missions de secondes zones sans intrigue digne de ce nom ? Comme annoncé dans mon pamphlet introductif, cette saga a bien décoré son petit colis et a promis monts et merveilles, pour se contenter de nous inviter à gambader sur des maps immenses et à nous faire tourner en rond pour des futilités. Le pire étant que les subtilités ont même eu l’honneur d’être classées en missions principales et secondaires. De qui se moque-t-on ? L’ultime atout aurait pu résider dans la complexité ou dans l’évolution du personnage, un peu comme dans un autre titre (réussi lui) d’Ubisoft, Far Cry 3, mais non, le personnage de l’aventure qui nous occupe est aussi lisse qu’une pelure de fruit lancée par le bien connu Donkey Kong.

Beau comme une plage de Punta Cana ?

Outre le pitch faussement opulent, que peut-on alors retirer de ce quatrième opus ? Etant donné qu’on a bien compris que coté scénario, on peut se brosser, il ne nous reste plus qu’à se contenter des vastes étendues tropicales et de l’immersion dans une ère qui, quoi qu’on en dise, se prête drôlement bien à l’exercice du jeu vidéo. De plus, avec le souffle des récents « Pirates de Caraïbes », le moulin est alimenté dans le bon sens depuis assez longtemps pour en resservir une petite portion aux jeunes fans des inepties de Jack Sparrow. Sur ce point, la clé réside notamment dans l’immersion graphique. D’autant plus que cette fois, les mondes à explorer sont totalement ouverts. Cela résulte d’un univers extrêmement ambitieux et inspiré de paysages somptueux. Malheureusement, le moteur du soft souffre sur 360 et bien que la palette esthétique mérite une franche ovation, elle dessert surtout la justesse par les bugs d’affichage qu’elle déclenche. En effet, cet épisode est fouillé et riche visuellement mais cela  impacte tristement l’affichage en déclenchant des scintillements désagréables. Il n’est également pas rare de voir un pirate flotter dans le ciel, à un mètre du mat de son navire. Même si le titre jouira probablement d’une finition plus léchée et minutieuse sur les supports de demain, le sentiment de négligence sur nos consoles actuelles frustre d’autant plus qu’avec un minimum de conscience professionnelle, les programmeurs auraient pu soigner leur copie. Néanmoins, l’œuvre esthétique dans son ensemble tire son épingle du jeu grâce à son volume et ses grands espaces, et on peut dire que sa qualité première réside dans la beauté globale de l’environnement.
Ajoutons à cela les mélodies magnifiques et l’atmosphère sonore rythmée aux chants des pirates et on peut conclure que sans être parfait, et en décevant sur les détails de finition, l’aspect décoratif s’en tire avec les honneurs.

Le Gameplay d’Assassin’s Creed : On n’aime pas ou on le supporte…

Attaquons maintenant le plat de résistance. Le point noir qui ne divise pas concerne la maniabilité du personnage, tout particulièrement dans ses courses. Depuis le premier épisode, le fantôme du magnifique « Prince of Persia » plane au-dessus de l’inertie de l’assassin. Tout le monde avait immédiatement reconnu à l’époque la dégaine flegmatique, un peu lourde mais terriblement agile du hit des années 90. Il va sans dire qu’un projet revendiquant telle inspiration avait emballé la scène vidéoludique. Malheureusement, cette promesse d’un avatar se mouvant, presqu’en volant de toit en toit, a vite été rattrapée par un assistanat horrible, voire incontrôlable. Pour cette quatrième version du clone raté du Prince Perse, le problème n’a pas été résolu. Manette en mains, vous courrez au milieu de cette toile de flibustiers, vous traversez le pont d’un magnifique navire, montez sur un tas de caisses afin de surprendre un matelot distrait par un de vos hommes, et là, sans rien capter, vous vous retrouvez à escalader un mat érigé au milieu du jeu de quilles! Vous jurez, vous tentez de stopper l’escalade de votre fichu personnage mais au lieu d’interrompre son ascension stérile et insensée, il se hisse au zénith du navire. Là, vous décidez de sauter coute que coute sur les objets plus bas afin d’enfin rejoindre les rixes de votre équipage mais encore une fois, la contrariété vous attaque et vous nargue. Votre homme n’a pas compris votre manœuvre et fait un splendide plongeon de l’ange, appelé saut de la foi, dans l’océan, à cinq mètres du bateau. Pour clôturer le tout, c’est à ce moment que l’équipage s’écrie : « Le capitaine est à la mer! ». Cette frustration incarnée fait malheureusement partie du gameplay et presque toutes les accélérations un peu audacieuses accoucheront à un moment ou un autre d’une manipulation mal interprétée par le programme. La plupart du temps, ce n’est pas bien grave car au lieu d’atteindre un toit, vous vous réceptionnerez sur un obstacle bien positionné, mais est-ce pour ressentir ce genre de « non-contrôle »  qu’on pratique le jeu vidéo ? Les courses sont tellement assistées et interprétées par le jeu qu’on n’a jamais l’impression de contrôler son personnage à cent pourcents. Quand de surcroit cela résulte sur un saut dans le vide, vous privant d’une récompense presque acquise au sommet d’une ascension lente et lassante, cela devient énervant.

Dans le même ordre d’idées d’assistanat et de manque d’emprise sur les trajectoires de votre Edward, les défis en tant que tels me posent problème. Où est le challenge ? Jamais dans cette aventure vous n’avez l’impression de vous surpasser, de gérer comme  un roi du pad. Les missions, l’aventure, les personnages, les batailles, tout défile tranquillement sans que jamais on ne se dise « Ah, voilà un boss bien corsé là… comment vais-je pouvoir le désarmer ? ». Que du contraire, chaque épreuve dévoile sa solution au fur et à mesure qu’elle défile. Ajoutez à cela les scènes de QTR quand les combats pourraient devenir intéressants et vous aurez une aventure longue, lassante et passive à souhait. Cette plaie ne gangrène pas que le gameplay du titre qui nous occupe, c’est hélas une nouvelle façon de consommer le jeu vidéo. Mais cela ne me plaît guère, et encore moins quand tout dans l’expérience se repose sur la passivité du joueur. Le meilleur contre-exemple est venu il y a exactement un lustre, en octobre 2007 avec la sortie de Dead Space. Ce titre avait pu remettre l’église au milieu du village en mixant modernité et challenge. 5 ans plus tard, ce Black Flag fait tout l’inverse. A l’heure où beaucoup reprochent aux jeunes d’aujourd’hui de flemmarder et de manquer d’ambition, le jeu vidéo tombe lui-même dans ce travers de facilité. Dommage.

 C’est en faisant de tout, qu’on devient rien du tout : Le Online pour faire comme tout le monde…

Parti d’une vraie bonne idée, Assassin’s Creed est devenu une machine à tout faire. Monde ouvert, action, meurtres à tout va, batailles navales, voyages dans le temps, infiltration, action, combat à mains nues, … et même le mode online a trouvé une place dans ce tutti frutti vidéoludique.  Alors, il est sympa, un peu plus élaboré encore que dans l’épisode précédent et les fans absolus de l’univers y trouveront de quoi prolonger l’expérience. Personnellement, je n’y ai forcément pas déniché d’intérêt puisque comme vous le pressentez, je n’ai pas été séduit par le mode solo. Pour jouer en ligne, d’autres softs font bien mieux car ils ont été pensés dans ce sens. Ici, on surfe sur une vague supplémentaire afin d’élargir encore le public cible, ou éventuellement de gaver le fan inconditionnel, mais pour le gamer lambda, le plaisir online n’est pas du tout assuré.


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En attendant le 5ème élément de la saga et une révolution intrinsèque intégrale : verdict.

Je ne joue pas pour me laisser guider gentiment dans un monde où tout va tout seul, où le défi consiste à suivre un point blanc au milieu de l’écran pour atteindre une zone en attendant qu’un quidam me demande d’en visiter une autre. Sincèrement, je joue pour vibrer, pour suer, pour frissonner quand je perds mais aussi quand je gagne. Le jeu vidéo est né en proposant une espèce de sport cérébrale à des jeunes trop nerveux dans les salles d’arcade ou autres bistrots. Il y a plus de défis et de skill requis dans une partie à 5 francs de Pac-Man que dans ces grands FPS pompeux et dictateurs. Cet Assassin’s Creed IV reste un bon jeu, qui plaira aux fans de la série ou adeptes d’une façon de pratiquer notre passion en dilettante, sans se stresser. Là, il remplit sa feuille de route, malgré quelques errances de maniabilité et de scénario. Pour le reste, même avec une technique parfaitement au poil sur PS4 ou Xbox ONE, cette aventure n’est pas ma guerre mon Colonel.

Assassin’s Creed IV – Martine chez les pirates Vega

Conclusion : Cette quatrième mouture du bel Assassin's Creed reste fidèle aux bonnes et aux mauvaises habitudes de ses prédécesseurs. Il propose une expérience capitonnée dans un contexte historique différent des scènes habituelles, il mélange les genres et il donne l'impression de proposer un contenu plus culturel que les FPS bourrins routiniers. Néanmoins, les énormes problèmes de free-run, l'absence de scénario, les bugs graphiques et le manque de difficulté enveniment le potentiel d'un titre qui aurait pu revendiquer le statut de super jeu de pirates.

2.5

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