Il est particulièrement difficile d’extraire des textes des livres de Charles Pennequin. Je tente ici de donner un aperçu de son travail en puisant à trois sources, différentes, du premier au dernier livre parus.
Essore vide espace devant
les miroirs ici elles se glissent
les formes il faut travailler
la tension des lessives
et leur verbe il faut
la vaisselle les casseroles faire monter
la soupe un certain degré
de paroles contre le mur
et les rires dont les corps
sont rompus à la forme des vieux
restes de cuisine le graillon dans l’armoire
où sont les filtres et les bassines dans
le fluide traverser les chaleurs
qui sommeillent dans un jet les sons
de l’escalier on raccroche
les ustensiles de cuisine et on repart
à ressasser je ne puis m’obstiner
comme un animal interminablement
penser le paysage noter ce qu’il me
faut un groët une brouette ou du fil
pour aller plus loin
plus profond dans les labeurs
Charles Pennequin, Le Père ce matin et autres textes, repris dans Fusées n° 10, p. 27.
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Je m’occupe. Je m’angoisse. Je voudrais m’occuper. Occuper mon angoisse. Et occuper toutes les autres. Toutes les angoisses. Tout prendre et tout mettre là. Et puis après redistribuer, comme des maillots de foot. Chacun son maillot angoissant. On fait des équipes. On s’angoisse en groupe. On a des chapelles d’angoisses. Et on prie pour que ça dure.
Trouer le temps. Penser les trous. Penser les trouées. Trouer du temps. Avoir des creux. Sentir le creuser. Penser dans les creux. Comme pour respirer. Penser dans le corps. Le corps du temps. Tenter d’être un respirant. C’est-à-dire un qui pense. Qui pense son un dans les trous pensés. Les trous pensés du temps. Avoir un temps. Être un en une respiration. Les trous respirent. Tous les êtres ont des trous. Sont bourrés. Le souffle bourre. Le souffle va bourrer mon esprit. Tous les êtres pensent en soufflant. Le souffle est la pensée de celui qui a son être qui gonfle. Tous les êtres gonflent. Ils sont gonflants de pensées. Ça les poursuit. L’esprit les suit jusque dans la tête. L’esprit pousse la tête à se jeter dans la bouche. La bouche n’a lus qu’à souffler. A faire pendre dehors sa pensée.
Charles Pennequin, La ville est un trou, suivi de Un jour, P.O.L., 2007, p. 105 et 106
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[...] c’est tentant de ne pas désespérer, mais tout est désespérant et il faut le siffler, il faut siffler la désespérance, c’est ça qu’il faut leur dire aux gens qu’on engueule pour la bonne cause, cause toujours, plus tu causes plus je te ferai fermer la gueule face d’oignon, non ? Non tu fermeras pas ta face d’oignon ? Ta face de cul d’oignon prête à peler, toutes les peaux pelées de l’oignon non ? On leur crie ça dans l’oreille, on fait comme des bruits de porte qui grincent dans l’oreille ; on nettoie la cervelle, on crie des chants animaux dans l’oreille des gens, il n’y a plus que ça à faire, il n’y a rien d’autre à faire, ras-le-bol des mots gentils à lire sur des bouts de papier, ras-le-bol de tous vos mots de gens concernés culturellement parlant, maintenant il faut gueuler dans l’oreille, c’est le concept de maintenant, c’est concépété pour maintenant, car maintenant est un temps en vacillement, car maintenant est un temps recouvert de la boue [...]
Charles Pennequin, pas de tombeau pour Mesrine, Al Dante, 2008, p. 9.
bio-bibliographie de Charles Pennequin
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