Contre un « mauvais accord »
À Genève, la France a empêché la signature d’un accord « au rabais » entre le groupe 5+1 et l’Iran. Mais ce n’est pas fini, les négociations reprendront le 20 septembre. Il est évident que l’Iran manœuvre pour sauvegarder sa marche vers la bombe atomique tout en obtenant un adoucissement des sanctions économiques qui le frappent. Cet accord intérimaire, prévu pour une durée de six mois, visant à installer la confiance entre les parties avant un accord définitif (schéma voulu par Téhéran), aurait permis cela.
Ce projet d’accord intérimaire autorisait l’Iran à continuer à enrichir l’uranium au cours de cet intermède de six mois. L’une des interrogations françaises porte sur le devenir du stock iranien de 186 kg d’uranium enrichi à 20%, soi-disant destiné uniquement au secteur médical. « Comment redescendre ce stock vers 5%, ce qui est beaucoup moins dangereux ? », a déclaré Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères, le 9 novembre dernier. Il conviendrait de démanteler ce stock ou bien de le transférer à l’étranger.
La méfiance des Français au sujet de l’enrichissement de l’uranium se nourrit d’un fâcheux précédent. En novembre 2004, sous la présidence du « réformateur » Mohammad Khatami, l’UE-3 (France, Royaume-Uni, Allemagne) signa avec l’Iran un accord dans lequel il s’engageait à suspendre l’enrichissement de l’uranium jusqu’à ce qu’il ait prouvé qu’il ne cherchait pas à obtenir la bombe atomique. En août 2005, cinq jours après l’élection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence de la République, l’Iran redémarra l’enrichissement dans l’usine d’Ispahan.
La duplicité de Rohani le débonnaire
L’ère Ahmadinejad est révolue et le président Hassan Rohani est l’opposé de son prédécesseur, dira-t-on. En fait, pas tant que ça. Le débonnaire Rohani, qui est un religieux (ayant le rang d’hodjat-ol-islam, directement inférieur à celui d’ayatollah), fut négociateur en chef du dossier nucléaire iranien d’octobre 2003 à août 2005. Il s’est vanté, notamment dans une interview donnée à la télévision d’État le 28 mai 2013, d’avoir berné l’UE-3 en ayant secrètement violé l’accord de 2004 : « Vous savez quand l’UFC [raffinage et conversion de l’uranium] a été lancé ?! Vous savez quand on a fait des yellow cake [concentré d’uranium obtenu à partir du minerai] ?! En hiver 2004. On l’avait suspendu [le programme nucléaire] ?! On l’a complété, oui ! »
Cette duplicité de Rohani s’accorde avec sa carrière dans les plus hautes sphères du régime : il fut pendant 20 ans député du Malis (Parlement), et vice-président de cette institution de 1992 à 2000. Durant la guerre Iran-Irak, il fut membre du Conseil suprême de défense (1982 à 1988) et chef de son Comité exécutif (1986 à 1988). Il occupa le poste de commandant des Forces aériennes iraniennes de 1986 à 1991 et celui de secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale de 1989 à 2005. Il devint membre du Conseil de discernement en 1991 et de l’Assemblée des experts en 2000. Il entretient des liens étroits avec les Gardiens de la révolution (Pasdaran) depuis 1980. Ce n’est pas un innocent sorti de nulle part. Ses hautes fonctions l’ont associé aux exactions commises par la théocratie iranienne sur la scène intérieure et à l’étranger.
L’accès à la bombe par le plutonium
Fabius a soulevé un autre problème : celui du réacteur d’Arak, destiné à fabriquer du plutonium lourd. L’accord intérimaire prévoyait d’interdire aux Iraniens de mettre en marche le réacteur d’Arak au cours des six prochains mois, mais en les autorisant à continuer à travailler sur ce site pendant ce laps de temps. C’était cousue de fil blanc : une fois le réacteur devenu opérationnel, son bombardement serait devenu impossible parce que générateur de retombées radioactives. Et le plutonium est, comme l’uranium, une voie d’accès à la fabrication de la bombe atomique.
Récente découverte d’un nouveau site nucléaire iranien
C’est le Conseil national de la résistance iranienne (CNRI), principale organisation de résistance à la théocratie iranienne, qui, par son réseau d’informateurs de l’Organisation des moudjahidines du peuple (OMPI), a révélé au monde le programme nucléaire iranien en 2002. Par la suite, le CNRI a fait d’autres révélations de grande importance dont, récemment, celle d’un tout nouveau site, au nord de Téhéran.
Selon le CNRI, « le site est un nouveau centre destiné à des activités nucléaires. Le nom de code du projet est « Ma’adane-e Charq » [« la mine de l'Est », du nom d'une mine proche] ou « Projet Kossar ». Ce site est situé dans une série de tunnels sous la montagne dans les environs de la ville de Damavand. La construction de la première phase de ce site a débuté en 2006 et a été récemment achevée. La première phase comprend le creusement des tunnels, quatre entrepôts dans la zone extérieure, les installations du site, la zone du site et la construction de routes pour le site. […] La construction de la deuxième phase de ce site a commencé récemment […]. Il est prévu de construire 30 tunnels et 30 entrepôts dans cette deuxième phase ».
La relative impuissance de l’AIEA
La faible aptitude de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) à découvrir les installations cachées de l’Iran n’est pas rassurante. Le CNRI exhorte l’AIEA à tenter de visiter le nouveau site nucléaire iranien qu’il a découvert. Le CNRI précise : « Il est significatif que la société Iman Gostaran Mohit supervise ce projet et contrôle les sections traitant des aspects nucléaires, biologiques et chimiques. Le directeur général d’Iman Gostaran Mohit est Mohsen Fakhrizadeh, le personnage-clé du programme nucléaire du régime iranien ». L’AIEA cherche en vain à rencontrer Fakhrizadeh, qui est un officier supérieur des Gardiens de la Révolution.
Le 11 novembre, l’AIEA a passé un accord avec l’Iran établissant une feuille de route dont la première phase porte sur une durée de trois mois. Celle-ci prévoit des inspections de l’usine de production d’eau lourde d’Arak, à laquelle l’agence onusienne tente d’accéder depuis 2011, et de la mine d’uranium de Gachin, mais pas du site militaire de Parchin, fortement soupçonné par l’agence onusienne d’avoir abrité des essais de détonateur pour bombe atomique, et en cours de nettoyage. Le chef de l’organisation nucléaire iranienne, Ali Akbar Salehi, a expliqué que cette première phase de trois mois « vise à créer plus de confiance mutuelle. Dans les phases suivantes, nos experts et ceux de l’AIEA discuteront des autres questions (notamment celles) n’ayant pas une nature nucléaire directe ». Là encore, Téhéran cherche à gagner du temps.
Comment empêcher l’Iran d’avoir la bombe
Le CNRI résume parfaitement la situation, par la voix de sa présidente, Maryam Radjavi : « Tout accord entre la communauté internationale et le régime iranien, sans la suspension complète de l’enrichissement d’uranium, l’arrêt de la production et des installations de centrifugeuses, la fermeture complète du site d’eau lourde d’Arak, l’acceptation du protocole additionnel [permettant des visites impromptues] et l’accès libre de l’AEIA à tous les sites et experts du régime donnera encore plus de possibilité au régime de se doter de la bombe atomique. […] Obtenir l’arme nucléaire entre dans la stratégie de survie du régime et il poursuivra son projet aussi longtemps que possible ».