Au cœur de la nuit, un jeune couple et leur gouvernante travestie préparent une orgie. Sont attendus La Chienne, La Star, L’Etalon et L’Adolescent.
Comme l’un des personnages dans le film, Les rencontres d’après minuit a deux vies. La première débute mal mais est doublée par la seconde, intense et magnifique. Les rencontres d’après minuit est un premier film exigeant avec énormément de bonnes intentions qui, après La Fille du 14 juillet et La Bataille de Solferino, prouve que les petits nouveaux du cinéma français ont peu de moyens mais beaucoup d’idées. Résultat : des films hors catégorie, patchwork de pleins de cinéma, rétros et à la fois novateurs qui dynamitent ce cinéma français endormi depuis quelques années déjà.
Tandis que la pluie est battante, une femme hurle le prénom d’un homme. Elle pleure. Elle l’appelle, Matthias, mais il ne vient pas. La moto sur laquelle elle est assise, dans la nuit noire, est prête à partir. Quand Matthias arrive enfin, essoufflé et trempé, la moto démarre, provoquant l’hystérie de la femme assise derrière le motard. On l’arrache à son Matthias. Quelques secondes après, elle enfonce ses doigts dans la bouche du motard, effleure les traits de son visage. Erotisme. Fin de la première séquence et déjà quelque chose est mort. À la gravité de s’abattre sur un film qui ne ressemble à aucun autre mais qui fait appel à des souvenirs de cinéma bien anciens : Breakfust Club, Catherine Jourdan, les premiers travaux du réalisateur…
La première partie du film sonne comme un geste irrévérencieux, une comédie crue et décalée où un travesti propose du poppers à une fille qui se fait appeler chienne. Tandis qu’un homme propose de montrer sa queue, si énorme qu’elle a pris le dessus sur son âme de poète. Situations étranges et dialogues peu catholiques, le spectateur est en droit de se demander à quel drôle de spectacle il assiste. Le huis-clos tourne à vide, les personnages racontant tour à tour leur histoire dans des tableaux qui permettent à Yann Gonzalez de montrer ses talents de mises en scène. Les bonnes idées sont là : chaque personnage peut, grâce à son humeur et un « juke-box sensoriel », invoquer une musique. Indépendamment, chacun a le droit à sa propre histoire qui montre ses failles, sa douloureuse histoire. À la participation de Béatrice Dalle nous préférons l’histoire de la Chienne. A la vulgarité et à la provocation facile nous préférons la psychologie cachée derrière le vernis.
Là où le film prend toute son ampleur, là où le film s’envole, c’est grâce à l’histoire d’Ali et Matthias. Magnifique histoire d’amour, promesse d’un amour éternel qui donne tout son sens à ce film : Les rencontres d’après minuit résulte d’une passion qui s’effrite. Invoquant sans gêne un fantastique bienvenue, il est désormais facile de comprendre les tenants d’un tel récit : sans passion, Matthias mourra. Le film perd d’un coup son côté trash pour gagner en poésie et en profondeur. Comme lorsque ses personnages ferment les yeux et se retrouvent sur une plage, le spectateur est témoin d’un rêve, d’un conte moderne magnifique où l’on invite les archétypes sexuels pour relancer une passion. Mais dans un final poignant sur soleil levant (magnifié par l’excellent travail d’M83), l’un des personnages tente de reconstruire quelque chose avec la passion et veut fonder une famille. Peut être que sur ces rencontres plane la peur de la solitude et de la mort. En ayant utilisé l’onirisme et des acteurs fabuleux (Kate Moran et Nicolas Maury en tête), en assumant ses choix artistiques et le fabuleux sans tomber dans le second degré, Yann Gonzalez nous offre un film qui, sans être forcément apprécié, ne laisse pas de marbre. Et s’il peut agacer, je suis certain qu’il arrivera à rester dans votre tête.
Ce n’est pas un film qui s’explique, c’est un film sensoriel. Comme son juke-box. Son début où une moto séparait deux amants se confronte la fin où un nouveau soleil apparaît avec comme un avenir qui se dessine. Tout le film n’est que question de fin (jeunesse éphémère, perte d’une mère, la mort, passé d’une star…), et pourtant c’est dans les larmes finales que l’optimisme apparaît enfin.
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