Même si je n'ai pas eu l'occasion de voir "Soul Kitchen", la dernière fiction à ce jour de Fatih Akin, j'avais énormément aimé les deux autres longs métrages du réalisateur, à savoir Head On, la poignante radiographie d'une relation autodestructrice ou De l'autre côté, deux films vraiment bouleversants et aux mises en scènes exceptionnelles, prouvant l'intelligence et la justesse de regard de ce cinéaste allemand, d'origine turc.
C'est d'ailleurs pendant le tournage d'un de ces deux films à savoir, "De L'autre coté",en 2006 que Fatih Akin entend parler pour la première fois d’une catastrophe écologique qui menace le village de Caburnu , situé à quelques kilomètres du littoral de la Mer Noire, au Nord-est de la Turquie.
Caburnu n'est pas n'importe quel lieu pour le cinéaste puisque c'est le village de ses grands parents, et également celui où il tournait la magnifique scène finale de son film choral.
Et la catastrophe dont il a entendu parler à cette occasion, trouvait en fait sa source dans un projet de décharge construit dans un mépris total de l’environnement et contre lequel s’élèvaient à la fois le maire et les habitants.
Et du coup, Fatih Akin, révolté par cette situation, a décidé de faire ce qu'il sait faire le mieux, afin d'alerter l'opinion publique sur cette menace: réaliser un film, et plus exactement un documentaire, qu'il a jugé plus fort qu'une fiction, un documentaire forcément subjectif et militant.
Ce documentaire, Polluting Paradise, présenté en séance spéciale au festival de Cannes 2012, est sorti en DVD le 15 octobre dernier, distribué par Pyramide films.
Grâce à Cinétrafic, et son opération "un DVD contre une chronique", j'ai pu voir ce film, qui rejoint le rang des nombreux et récents autres documentaires sur l'écologie , comme "une Vérité qui dérange" avec Al Gore, "Home" de Yann Arthus Bertrand, ou bien encore "le syndrôme du Titanic", de Nicolas Hulot.
Polluting Paradise est le fruit d'un long travail, puisqu'il a été filmé de façon discontinue pendant 5 ans, depuis les premières manifestations pour empêcher la création de la décharge à ciel ouvert, jusqu’aux conséquences écologiques désastreuses qui font de la région cette terre dévastée qu'elle est au moment de la fin du tournage.
Fatih Akin signe un documentaire à charge qui compte dénoncer une décision administrative abusive et arbitraire, ainsi que plus généralement, les dysfonctionnements de la démocratie turque. En effet, le film nous montre parfaitement bien l'absurdité kafkaïenne de cette situation, et notamment comment le maire, qui est pourtant intrinséquement contre le projet, ne peut absolument rien faire pour s'opposer à la création de cette décharge.
Le film a donc les qualités de ses défauts (ou le contraire), et m'a fait penser, plus au niveau du résultat plus que du sujet évidemment à un autre documentaire vu avec Cinétrafic (je crois que les seuls fois de l'année où je vois des docs, c'est grâce à Cinétrafic), à savoir les Nouveaux chiens de garde, un autre documentaire très à charge, concernant le lien ambigu entre les médias et les politiques.
On voit que le projet tenait énormément à coeur du réalisateur allemand, on peut d'ailleurs tout à fait le ressentir à la vision de son film, même s'il sait se faire discret dans sa mise en scène plutot en retrait, à quel point il est personnellement lié à ce village. Ainsi, le film nous montre bien l’inépuisable énergie des villageois, qui n’ont jamais renoncé à dénoncer et demander réparation. Polluting Paradise démontre bien cette Turquie rurale qu'évidemment en France on connait mal, et qui, sait se mobiliser autour d'une injustice, en nous montrant que la démocratie peut fonctionner, malgré les rates administratives.
Polluting Paradise est donc un vrai film militant, un de ceux qui prend tout à fait partie pour un des camps en présence, au risque de ne jamais donner la parole aux représentants de l'autre coté du manche.
Du coup, forcément, le film manque par trop d'objectivité, et la partie informative pure peut frustrer. Akin, trop impliqué personnellement dans le film, manque du coup de distance avec son sujet, et a tendance à trop verser dans le démonstratif, et se perdre un peu dans des longues scènes inutiles (de longues scènes de fêtes de villages un peu ennuyeuses) qui viennent ainsi réduire l'impact de son discours initial.
Bref, ce Polluting Paradise est un film à ranger du coté des autres bons films sur l'écologie, mais qui aurait pu et du, sans ces réserves, que je viens d'évoquer être cette vraie référence du genre qu'il n'est pas vraiment.
Personnellement, je préfère largement le Fatih Akin réalisateur de fictions, mais peut-être moi aussi (clairement plus passionné par la fiction) qui manque aussi d'un peu d'objectivité :o)
Polluting Paradise Bande annonce du film
Pas de bonus sur le DVD mais un beau livret de 16 pages dans lequel le réalisateur revient sur la génèse du projet, et sur ses intentions.