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Museomix ou laisser le public envahir le musée

Publié le 12 novembre 2013 par Aude Mathey @Culturecomblog

Les 8, 9 et 10 novembre avait lieu Museomix, événement durant lequel les participants co-créent et testent de nouvelles façons d’approcher les expositions. 2013 marque la troisième édition de cet événement. Assez peu convaincue en 2011 car ne comprenant absolument pas le projet, j’ai participé avec près de 200 autres personnes à l’édition de 2013 au musée des civilisations de Québec. Le propos et les objectifs de cette troisième édition se sont affinés avec le temps, ce qui explique son succès grandissant (6 institutions dans 3 pays participaient cette année) et les (très) nombreuses couvertures presse.

Laisser la parole au public

Museomix est avant tout la création d’une fenêtre de 3 jours durant laquelle le public, – pas forcément issu des musées – sélectionné à l’avance via un questionnaire, envahit au sens propre comme au figuré le musée afin de créer et de repenser l’institution et certaines de ses expositions.

Le principe est assez simple. L’institution muséale propose dix terrains de jeux, soient autant de problématiques que le musée souhaite résoudre en faisant appel à notre créativité. Par exemple : rendre l’exposition permanente “La terre des québécois” du musée des civilisations accessible au public mal ou non-voyant ou encore valoriser des oeuvres d’un art splendide et méconnu (l’art inuit) exposées dans le restaurant du musée. C’est d’ailleurs de cette dernière expérience dont je parlerai ici puisque c’est celle à laquelle j’ai participé.

70 participants et 10 membres du musée se regroupent autour de terrains de jeux qui les inspirent. Le choix se fait par le dépôt de flashs et d’idées qui permettent de lancer des discussions plus rapidement sur le projet. Une équipe se constitue avec chaque personne ayant une fonction bien définie au sein de l’équipe (contenu, graphisme, fabrication, programmation-codage, communication et médiation). Elle sera encadrée par un facilitateur, faisant souvent office de médiateur – arbitre mais aussi et surtout, dans notre cas, de membre d’équipe indispensable.

Regroupement autour des projets © Aude MATHEY

Regroupement autour des projets © Aude MATHEY

Il est alors vendredi midi et l’équipe aura pour mission de soumettre un prototype dimanche à 13h qui sera testé avant l’arrivée du public à 15h. Bref, ni plus ni moins de 48h pour proposer quelque chose qui fonctionne, qui crée une expérience au visiteur et qui, dans un monde idéal, puisse être reproductible par le musée.

Les participants, dans le cadre de Museomix, ont accès sans contrainte aux lieux d’expositions, au matériel du musée et au savoir-faire des équipes techniques (audiovisuel, électriciens, muséologie, etc.). Le musée des civilisations de Québec, figure de proue du réseau des six musées des civilisations de Québec, possède un arsenal incroyable. Nous avons donc ainsi pu déplacer des vitrines, installer des projecteurs, un téléviseur, un leap motion, un détecteur de mouvement sans compter faire appel à des outils de numérisation et une imprimante 3D…

Des objectifs ambitieux

Comme je le disais précédemment, les participants, ou museomixeurs, doivent livrer un prototype en état de fonctionnement au bout de 48h (en fait légèrement moins, car comme tout être humain, il nous a fallu dormir, c’est ballot) en s’inspirant des terrains de jeux proposés par le musée ou en s’en émancipant (une équipe “rebelle”a ainsi été créée).

Afin de vous donner un ordre d’idée, voici le descriptif de notre terrain de jeu :

Le Café 47 n’est pas seulement un lieu pour se restaurer. En plus d’y vivre une expérience culinaire qui ravit les papilles, les visiteurs peuvent également poursuivre leur expérience culturelle en admirant la collection de sculptures inuit intégrée dans le décor. Chacune d’elle raconte un pan de la vie inuit, marquée par l’hiver, la nature et des traditions millénaires. A travers elles, comment donner à comprendre les valeurs et les liens sociaux sur lesquels repose la vie inuit ? Une équipe de muséomixeurs du Musée dauphinois de Grenoble travaillera sur les communautés des Alpes. Y-aura-t-il une interaction entre vos deux installations ?

Bref, un beau défi. Nous n’avons pas donné suite à la proposition d’interaction avec le musée grenoblois pour la simple et bonne raison que nos concepts partaient dans deux directions différentes.

C’est ainsi que :

avons créé l’équipe Temataga (c’est fini, en inuit). Autant se donner de bonnes chances dès le départ !

Selon nous, le café n’était pas un lieu d’exposition mais de repos. Nous avons donc créé un dispositif immersif avec projections lumineuses simulant des aurores boréales sur les abat-jours géants – à défaut de pouvoir projeter de vraies images, de la neige sur un mur et des bruits de vent et de craquements de glace.

Installation des aurores boréales sur les abat-jours - DR

Installation des aurores boréales sur les abat-jours – DR

Set de table / napperon - DR

Set de table / napperon – DR

Puis grâce à un jeu déclencheur (le client prend un plateau (ou cabaret pour les québécois) sur lequel il y a un set de table (ou napperon) qui décrit l’art inuit et lui demande de retrouver un morceau de statuette), le client va devant la vitrine de la statuette, la lumière de la vitrine se déclenche illuminant la statue. Dre là, une vidéo commence, expliquant l’histoire de la statue (une aurore boréale décapitant un jeune homme qui avait sifflé la nuit – une légende inuit). Le visiteur est ensuite appelé à manipuler virtuellement en 3D la statuette pour mieux la découvrir et en voir les détails. Et enfin, un url courte et un QR code lui permettent d’accéder à du contenu complémentaire (qu’il peut lire pendant qu’il mange par exemple) et de commencer une collection virtuelle des objets du musée. Pour le jeune public, une statuette est reproduite avec l’imprimante 3D que ses parents peuvent acheter à la boutique pour sa collection. Le tout ne prend pas plus de 5min et donc le client peut manger sans que le plat ait refroidi !

Manipulation 3D de la statuette - DR

Manipulation 3D de la statuette – DR

Bref, une installation audacieuse qui nous aura donné quelques sueurs froides mais surtout beaucoup de plaisir.

Museomix a-t-il vocation à court-cicuiter les fournisseurs habituels des musées ?

Il est vrai qu’avec de tels projets cette question vienne naturellement à l’esprit. Cependant, même si le musée soumet des “terrains de jeux” aux participants, il n’en demeure pas moins que ces derniers ont le droit de s’en émanciper complètement. Seul compte, in fine, l’avis des participants et l’expérience utilisateur. C’est pour cela d’ailleurs qu’aucune des règles habituelles ayant cours dans un musée n’est respectée (notification des déplacements des collections, protection et surveillance du matériel, etc.).

En conclusion, pour moi, cette opération s’apparente à un hackathon de musée. Les participants se font plaisir en faisant découvrir ou redécouvrir le musée aux publics grâce à une opération spéciale. Le musée profite d’une incroyable campagne de communication grâce à l’essor et le développement du bouche-à-oreille sans compter qu’il a désormais un moyen de mobiliser une commuanuté forte tout en la connaissant mieux.

Bref, un grand moment.

Et vous, comment l’avez-vous vécu ?


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