Créée à Toulouse le mois dernier, "La Bonne Ame du Se-Tchouan" s'installe aux Ateliers Berthier jusqu'au 15 décembre. Jean Bellorini, qui reçut le prix de la mise en scène du Palmarès du Théâtre 2013 pour "Paroles Gelées" (reprise au Rond-Point en mars), donne à voir l'histoire de Shen Te, jeune prostituée faisant le bien autour d'elle, dans un spectacle rigoureux, consciencieux, manquant sans doute d'âpreté et de caractère, au sein duquel évoluent une vingtaine d'artistes maîtrisant joliment leur art. Du Brecht comme nous en avons souvent vu, mais pas vraiment de mal à en dire.
La fable de l'auteur allemand évoque la problématique de l'équation délicate et idéaliste "bonheur individuel = harmonie collective". En quête d'une "bonne âme" qu'ils peinent à trouver sur Terre, les dieux tombent sur la jeune et généreuse Shen Te qu'ils décident d'aider à changer de vie en lui permettant d'ouvrir un modeste commerce. Continuellement tiraillée entre la recherche de son épanouissement personnel et la volonté d'épauler son prochain dans une société déliquescente, celle-ci se verra confrontée à une multitude d'épreuves, de choix complexes difficilement supportables, aussi bien matériels qu'affectifs. Pour aller de l'avant, elle s'inventera un double, un cousin chargé d'accomplir des besognes moins nobles mais essentielles à sa survie.
Neutralisant et universalisant avec pertinence le cadre choisi par Brecht pour l'action (la province chinoise du Se-Tchouan), Baptiste Bellorini fait évoluer les protagonistes, vêtus de manière contemporaine, dans une rue susceptible de se trouver aux quatre coins du globe. En tête de distribution, Karyll Elgrichi est une Shen Te investie, sensible et poignante. Sa composition du cousin se révèle sobre et intelligente. François Deblock campe un marchand d'eau impétueux, plein de fraîcheur. Med Hondo un dieu au charisme certain. Geoffroy Rondeau "une" propriétaire truculente. Tous sont à l'unisson. L'énergie et la justesse émanant de ce travail emportent l'adhésion du public, bien que n'occultant pas les réserves sus-évoquées. C'est un peu lisse. Un peu jeune. Parfois trop esthétisant. Cela pourrait être plus sombre, plus dur, plus violent...
Mais enfin pourquoi pas.
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La Bonne Âme du Se-Tchouan, de Bertolt Brecht... par TheatreOdeon
Photos : Polo Garat - Odessa