Ce même accord figurait comme la première étape vers l'adhésion à l'Union européenne et avait été ratifié par la Pologne et l'ensemble des autres pays de l'Europe satellisés par l'Union soviétique. Il est à noter que la plupart de ces États sont devenus membres de l'UE à la différence de l'Ukraine.
Depuis l'indépendance de l'Ukraine, seize sommets Ukraine – UE se sont déroulés. A chaque fois, l'Ukraine a fait part de son désir de rapprochement avec l'Union européenne aussi bien qu'avec la Russie. La volonté d'adhérer à l'Union européenne fut formulée pour la première fois par le Président de la République Leonid Koutchma en 1998.
En 2003, le statut de candidat a été refusé par l'UE à l'Ukraine. L'arrivée au pouvoir de l'opposant pro-occidental Viktor Iouchtchenko en 2005 n'a pas permis la réalisation d'actes significatifs de rapprochement. Ce n'est qu'en février 2013 que la Commission européenne a donné son feu vert à l'approfondissement de ses rapports avec l'Ukraine.
I. Une conjoncture favorable au rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne
La crise économique 2008 a mis un terme à une décennie de croissance économique pour l'Ukraine, mettant en relief les faiblesses structurelles dont elle souffre.
De même, la ré-émergence de la puissance russe a poussé les dirigeants ukrainiens à revoir leur traditionnelle politique multivectorielle en matière de relations extérieures.
Depuis 2008, la croissance ukrainienne s'est contractée de 15% avant de croître à nouveau pendant deux ans de 5% puis stagner depuis 2012.
Les points forts de l'économie ukrainienne comme l'acier ont vu l'émergence à l'échelle mondiale de concurrents plus compétitifs. Cette industrie motrice pour l’Ukraine est passée de la 8ème place à la 10ème au classement mondial, dans le même temps, le Hryvnia, devise ukrainienne, a perdu près de 40% de sa valeur en 2009. L'économie ukrainienne a donc besoin de s'ouvrir vers de nouveaux horizons qui pourraient lui apporter des investissements directs étrangers, de nouveaux débouchés permettant la réalisation d'économies d'échelle et à plus long terme des fonds structurels européens.
En parallèle, l'Ukraine fait l'objet de convoitise de la part de la Russie qui réaffirme son statut de puissance dominante sur ce qu'elle considère être sa zone d'influence naturelle.
Vladimir Poutine a décidé de créer l'Union eurasienne dans le but de réaffirmer ce statut vis-à-vis de la « zone d'influence naturelle russe », à savoir les membres de la CEI. Il demande aux États invités à adhérer (Biélorussie, Kazakhstan, Arménie, Azerbaïdjan et Ukraine) de renoncer à tout rapprochement avec l'Union européenne dans le même temps, mettant ainsi à mal « la stratégie d’État européen non-aligné », adoptée par l'Ukraine depuis 1991 et confirmée par Viktor Ianoukovitch en 2010. Les États qui ont déjà rejoint cette entité ont observé que la Russie ne jouait pas vraiment le jeu en pratiquant une forme de protectionnisme interne visant à protéger ses entreprises au sein d'une organisation qu'elle écrase de tout son poids. La Russie souhaite, par ce biais, prendre le contrôle des gazoducs ukrainiens qui constituent un enjeu considérable, d'un point de vue géopolitique et économique.
Ainsi les oligarques ukrainiens, figurant dans le premier cercle du Président de la République, œuvrent pour la signature d'un accord permettant de préserver leurs intérêts économiques et de les protéger de la concurrence russe, positionnée sur les mêmes secteurs d'activités … Ils poussent le pouvoir à réformer pour conclure l'accord.
Ce revirement qui peut paraître surprenant au premier abord s'explique par la déception des dirigeants actuels, de la politique menée par la Russie à l'égard de l'Ukraine.
Les accords de Kharkiv, signés en 2010, peu après le retour au pouvoir des « pro-russes » a marqué un changement de stratégie. En effet, l'Ukraine est resté le pays d'Europe payant le plus cher le gaz à la Russie, en dépit de la concession faite (sans contre-partie) avec le renouvellement du bail du port de Sebastopol jusqu'en 2042 au profit de la Marine russe. La dureté de la position russe à propos du prix du gaz handicape Rinat Akhmetov et Dmytro Firtach qui utilisent en grande quantité le gaz dans l'activité de leurs entreprises, ce qui a pour effet de les inciter à regarder vers l'UE.
II. La difficile conclusion d'un accord historique
L'accord d'association et de libre-échange n'est qu'une étape parmi tant d'autres sur le long chemin de l'adhésion à l'Union européenne. Les démocraties populaires et les pays baltes avaient dû attendre dix ans en moyenne pour intégrer l'UE.
Dans la situation actuelle, aucun élément ne permet de dire que l'Ukraine parviendra à rejoindre l'UE dans un délai plus court, premièrement par la nature des obstacles existant et deuxièmement par les schèmes de pensée des dirigeants ukrainiens actuels.
En septembre 2013, le ministre lituanien des affaires étrangères réaffirmait toute sa confiance concernant la signature de l'Accord d'association. Viktor Ianoukovitch a demandé aux députés d’accélérer le vote des réformes demandées avant le sommet de Vilnius pour conclure ce processus. En parallèle, il a nommé en 2012 l'expérimenté Anatololy Hrychtchenko vice-premier ministre. Celui-ci ayant pour seule tâche de mener à bien la conclusion de l'accord avec l'UE.
Toutefois, l'UE exige de l'Ukraine de mettre en place un véritable État de droit respectant le principe de l'égalité de tous devant la loi, une réforme du Code électoral permettant la tenue d'élections dénuées de fraudes ainsi qu'une résolution de l'Affaire Tymochenko.
La concrétisation de ces réformes entre en conflit avec la nature même du régime actuel dans la mesure où celui-ci n'a jamais adhéré aux valeurs de ces réformes. Elles mettent même en danger un système au sein duquel des anciens responsables du PCUS en Ukraine détiennent les richesses du pays. Le régime qui s'est instauré protège leurs positions sociales. Au sein de ce système, les oligarques utilisent le pouvoir politique auquel ils sont intimement liés (Pintchouk est le gendre de Koutchma, Oleksander Ianoukovitch le fils de l'actuel président et Akhmetov une connaissance de longue date) pour promouvoir leurs intérêts économiques. En outre, Viktor Ianoukovitch dépend grandement de leur soutien pour sa réélection en 2015. C'est leur lobbying intensif qui a incité Viktor Ianoukovitch à opter pour ce changement de cap historique. Ils activent également leurs réseaux européens pour forcer la signature de l'accord. Alexandre Kwasniewski, ancien président polonais et membre de la mission d'observation de l'UE en Ukraine pour les affaires concernant les opposants politiques emprisonnés, est également Président de l'ONG fondée par Viktor Pinchouk : « The Yalta European Strategy ».
Pour finir, le Partenariat oriental a été défini à son origine comme un instrument d'intégration d’États qui n'ont pas pour vocation d'intégrer l'Union européenne dans un futur proche. Cependant, ses seuls progrès significatifs se sont produits avec l'Ukraine et dans une moindre mesure la Moldavie et la Géorgie qui ambitionnent d'adhérer à l'Union européenne un jour. Il est intéressant de noter que ces pays ont également fait part, à une époque, de leur souhait de rejoindre l'OTAN, à la différence de ceux qui déclinent tout rapprochement (Azerbaïdjan, Biélorussie et Arménie). Cette stratégie fut employée par les anciennes démocraties populaires, ayant rejoint l'UE en 2004, pour se protéger vis-à-vis de la Russie.
III. Des raisons d'espérer à une adhésion future
Le rapprochement Ukraine – UE n'est pas seulement dû aux efforts ukrainiens. L’Union européenne n'a pas hésité à rechercher des compromis pour parvenir à la signature de cet accord.
Sur la question majeure des détenus politiques, Youri Loutsenko a été gracié en mars et l'Union européenne est prête à un compromis concernant le cas de Ioulia Tymochenko (possibilité de la soigner en Allemagne) afin d'arrimer l'Ukraine à la sphère d'influence de l'Union européenne.
A propos des autres réformes, le Ministre des affaires étrangères lituanien a évoqué la possibilité d'une signature permettant la mise en place de 90% de l'acte en attendant que le reste des réformes soit adopté par la Verkhovna Rada. Tout ceci accrédite fortement l'hypothèse d'une signature au Sommet de Vilnius en novembre. De plus, l'UE a promis d'offrir 45 millions d'euros pour accompagner les entreprises dans leur adaptation aux normes européennes.
Les mesures de rétorsion mises en œuvre par la Russie ont renforcé la volonté des dirigeants ukrainiens de se rapprocher de l'Union européenne et ont accru le soutien de la population à s'émanciper de la Russie, aussi bien à l'est du pays (orthodoxe) qu'à l'ouest (uniate).
Ils privilégient ainsi une ouverture sur un espace économique avec lequel les échanges commerciaux ont constamment augmenté depuis l'indépendance, au détriment de la Russie notamment, et davantage respectueux de la souveraineté ukrainienne. Par ailleurs, le fossé culturel séparant le pays tend à se résorber lorsque l'on analyse l'évolution des statistiques linguistiques (concernant la connaissance de la langue ukrainienne) et le fort attachement à la souveraineté de l'Ukraine. La jeunesse est majoritairement pro-UE dans les sondages
Ce rapprochement permet à Viktor Ianoukovitch de faire endosser à la Russie le rôle du responsable de la crise économique et ainsi à s'attirer un peu plus les faveurs de l'Ouest du pays ainsi que de la jeunesse, partisans de l'intégration européenne en vue de la Présidentielle. Les mesures de rétorsion russes ont contribué à rendre plus populaire la perspective d'une adhésion de la population à l'UE.
La découverte de réserves importantes de gaz de schiste dans les sous-sols européens et en Ukraine, contribue à rendre moins dépendante les deux entités de la Russie sur ce point. En outre, les européens se sont engagés à revendre du gaz à l'Ukraine en cas de rétorsion russe.
Les représailles russes semblent se limiter à des sanctions économiques comme celles concernant Roshen. Le Kremlin dispose en la personne de Viktor Medvedtchuk d'un candidat potentiel pour l'élection de 2015, mais il ne semble pas disposer d'un poids politique suffisant pour être élu.
La possibilité d'une alternance politique à la présidence en 2015 pourrait accélérer la marche de l'Ukraine par un rapprochement politique de la législation ukrainienne avec celle de l'UE.
A l'heure actuelle, l'Ukraine peut compter sur le soutien effectif des pays nordiques mais aussi de ceux issus du Groupe de Visegrád désireux de ne plus constituer la frontière orientale de l'UE. Parmi eux, la Pologne souhaite retrouver le niveau d'échange qu'elle entretenait avec l'Ukraine avant son adhésion à l'espace Schengen. Ces États et leur statut croissant au sein de l'UE sont les meilleurs alliés d'une intégration future de l'Ukraine.
Anthony Pierini
Bibliographie (notée le 14/10/2013) :
- Emmanuelle AMADON, Ukraine : Présidence Ianoukovitch. Retour en arrière ou nouvelle étape de transition ?, 2010
- Susanne NIES, l'Ukraine bleue : Un pays européen non-aligné ?, 2010
- Natalka BOYKO, Religion et identité en Ukraine : Existe-il une identité des confins en Ukraine,2012
- David TEURTRIE, Union européenne ou Russie : le dilemme ukrainien, 2012
- Europa.eu : http://bit.ly/19BBfNG; http://bit.ly/Z9zi9e;
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- Rfi.fr : http://www.rfi.fr/europe/20130924-accord-association-entre-ukraine-ue-centre-debats-yalta
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