Magazine Côté Femmes

Une critique féministe du porno.

Publié le 12 novembre 2013 par Juval @valerieCG

Je ne m'étais pas intéressée au porno de près depuis très longtemps ; 5 ou 6 ans ce qui au niveau de web constitue un temps extrêmement long. J'en étais restée à un truc certes marketé, avec des segments définis selon les fantasmes des uns et des autres mais rien de plus. En gros tu avais une dizaine de catégories qui allaient de "Sodomie", à "extrême" en pensant par "à plusieurs" et cela s'arrêtait là.
(pour précision, une partie des liens que je donne est pornographique :) )

Première constatation, désormais quel que soit ton fantasme tu peux le trouver sur le net. En clair si ton kiff est de voir couler du sperme sur le gros orteil tu trouveras des dizaines de videos sur le sujet et mieux, un mot aura été créé pour qualifier ton fantasme.
Cela me donne l'impression que la sexualité devient avant tout une activité masturbatoire et un peu solitaire. cela semble nous dire que tout doit être réalisé, tout doit être accompli sinon il y aura une frustration (laquelle on ne sait pas bien). Il y a peu de chance si vous avez des fantasmes extrêmement précis, que votre/vos partenaire-s les aient au même moment et pendant le même temps ; la sexualité est, me semble-t-il, un échange (durable ou non là n'est pas la question) où on fait plaisir à l'autre qui nous fait plaisir. Il me semble qu'on cherche ici avant tout à se faire plaisir. J'avoue que je ne sais pas bien qu'en penser.

Deuxième chose, on ne s'emmerde plus à regarder des films, mais une saynète de quelques minutes. Bon pourquoi pas, c'est dans la lignée du gonzo sauf que ca semble nous dire que le sexe est une activité totalement à part du reste. Dans la vraie vie, on bosse, puis on baise, puis on sort boire un verre (par exemple

:)
). Dans le porno mainstream, il n'y a pas d'avant, ni d'après et à peine un pendant.

Venons au coeur du sujet qui m'a été inspiré par l'excellent billet de daria.
Je ne considère pas, comme certaines féministes, que le porno est en soi un problème. (je suis pire :p )
Je considère que la sexualité en patriarcat est de base tellement problématique, tellement traversée par des rapports de domination sociales, raciales, sexistes etc etc que le porno qui n'en est que le reflet, est forcément problématique sauf evidemment s'il est fait par des féministes.

Dans l'immense majorité des pornos mainstream (comme dans la sexualité on est d'accord), l'excitation et la jouissance passent par la salissure de l'autre et spécialement des femmes.
Ainsi dans le site Jacquie et Michel cité par Daria (mais vous retrouverez ceci partout ailleurs), salir les femmes et les considérer comme dégradées (et se considérer comme telle) est un passage obligé.
Il faut comprendre une chose ; il y a encore cette forte dichotomie mère/putain qui persiste même en 2013.
Une femme qu'on représente dans le porno comme aimant sucer, change donc de statut. De femme lambda, elle devient "cette grosse chienne" "cette salope" qui est le statut acceptable et tolérable pour une femme aimant le sexe.
Enfin admettons, que les femmes sont un peu comme du PQ, elels se dégradent très vite.
Un mec peut bien baiser 50 femmes, en sodomiser 3 et en lécher 15, il reste un homme. J'entends par là qu'un homme n'est pas souillé ou dégradé par ce qu'il peut faire. A peine une femme a approché un index d'un pénis, qu'elle est à demie souillée (et croyez moi ca n'est pas TRES pratique). Les femmes semblent être très facilement salies dans le patriarcat (en revanche celui qui les salit ne l'est jamais miraculeusement).
Le porno - et la sexualité en général - m'ont donc toujours semblé très puritains dans la mesure où le sexe est très souvent considéré comme sale, comme une activité comme à part.

Abordons ensuite la question qui fâche ; la question des pratiques.
Sur la majorité des sites mainstream, vous aurez des femmes pénétrées. très peu d'hommes qui le seront.
Vous aurez des femmes avec 5 mecs dessus, des femmes sur qui on urine, des femmes qu'on fiste, des femmes qu'on attache, des femmes à qui on enfonce des bites dans la bouche à en vomir etc.
peut-on encore questionner cela sans se voir traité de puritaine ? J'en doute très fortement.
Il est bien clair que nos fantasmes n'ont rien d'individuel et se créent toujours par rapport à une norme sexiste, raciste etc. Quand il y a une rubrique "black" sur un site, ca n'est pas anodin et cela renvoie clairement à l'animalité supposée des noir-e-s. Donc passer par l'humiliation des femmes, pour jouir (tant du côté masculin que féminin) n'est pas très surprenant.
Je me pose néanmoins la question de ce que cela renvoie au moment où le porno devient un loisir comme un autre (et pourquoi pas là n'est pas le problème) ; qu'est ce que cela ancre dans nos têtes ? Est ce qu'on doit aussi réformer notre sexualité et nos fantasmes (et donc potentiellement s'emmerder au lit ? Vous me direz que c'est déjà le cas de beaucoup de femmes).

Cette scène-là me semble particulièrement intéressante. Je ne sais si elle est caractéristique du porno queer mais elle montre des gens qui ont l'air contents d'être ensemble, contents de faire du sexe, contents de partager quelque chose. L'essentiel du porno ne me semble pas répondre à cela : vous y verrez beaucoup de gens qui semblent se masturber dans le corps de l'autre, beaucoup de gens qui semblent furieux d'être là, beaucoup de gens dont la capote a poussé comme par magie sur la queue.

La sexualité est très peu souvent, dans le porno ou ailleurs, présenté comme quelque chose de cool et de joyeux. Peut-elle l'être quand elle est, comme je le disais, toute entière traversée par de forts rapports de pouvoir ? Je n'en sais rien mais il conviendrait peut-être de penser un porno qui irait davantage dans ce sens.  Mais comme le porno n'est que le reflet de notre société, de nos fantasmes, il ne pourra semble-t-il évoluer massivement qu'avec des changements sociaux importants.


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