La difficulté de résumer s’amène avec la pluralité des situations et des lieux. Une terre au Québec vers les années 1910, un vieillard acariâtre et ses deux fils, dont un, fuit très jeune l’ambiance morose pour aboutir trapéziste au réputé cirque The Barnum and Bailey. En 1912, Joseph, l’aîné enterre son père avec un soupir de soulagement, enfin, c’est lui le maître. Peu de temps après le décès, la découverte de papiers bouleverse ses plans ; il n’est pas l’héritier, c’est son jeune frère qui l’est. L’injustice apparait flagrante pour lui qui a soigné, et le père et la terre jusqu’à la dernière minute. Enragé, il quitte son ancrage et part en France, sans l'adresse en poche, pour retrouver son frère. Il compte lui réclamer son dû, la ferme familiale.
Commencent alors des trépidantes aventures qui dévoileront à Joseph des traits insoupçonnés de sa personne. Un être placé dans des situations extrêmes, l’amour précaire, les situations dangereuses, sa survie, une vie de saltimbanque pour le paysan qu’il est, et comme si ce n’était pas suffisant : la guerre. Tout le contraire de la stabilité et la paix de sa vie d’auparavant. Joseph désire retourner à ses racines ; la vie l’en empêchera-il, ou lui-même ?
C’est une histoire qui déborde de rebondissements. Un lieu sert de trampoline pour bondir en un autre. L’endroit mis le plus souvent à l’avant est, malgré tout, le monde du cirque, ses détails prosaïques, ses coulisses et sa scène, et vers la fin, le contexte de la guerre.
Joseph fera classe à part, la seule chose à laquelle il semble réellement attaché est une boîte à musique représentant un trapéziste, confectionné par un maître artisan, cadeau de son jeune frère à son père, le jour de son agonie.
C’est un roman mettant en relief certains contrastes : la stabilité versus la sédentarité, l’enracinement, l’errance. L’amusement ou le sens du devoir. L’idéalisation de l’être aimé. Être soi pour soi, ou pour répondre à ce que l’autre attend de soi. Le pouvoir des racines dans une quête d’identité. Et finalement, ce thème si cher à plus d’un auteur, le jeu des apparences.
Le mystère, matière précieuse de ce roman, me permettra quand même d’avancer ce constat : deux frères, deux inversions. À travers leur individualité est polarisée la dualité de la vie.
Pour les amateurs de roman identitaire qui aiment le rebondissement, les déplacements (à la road novel) et les fins surprenantes. Un bonus appréciable, un personnage principal dépassé par lui-même.