Magazine Cinéma
Pique-nique en pyjama est une jolie comédie musicale de Stanley Donen et George Abbott sortie en 1958, l'année de La Belle de Moscou. En passant sur ce qui sépare évidemment ce film de celui de Rouben Mamoulian (avec Doris Day on est loin de Fred Astaire / Cyd Charisse), il est amusant de pointer quelques ressemblances qui tiennent probablement à l'époque et à l'évolution du genre. Le premier point, c'est l'introduction du gadget dans les numéros musicaux. Une chanson de La Belle de Moscou avait pour thème le technicolor et le son stéréo; dans Pique-nique en pyjama c'est le personnage masculin qui se lance, grâce à son dictaphone, dans un duo avec sa propre voix, ou une séquence musicale qui se termine en accéléré. Second point : le sujet explicitement politique des deux films, au-delà de leur insouciance apparente. Dans celui de Mamoulian, la rencontre d'une soviétique avec la culture hollywoodienne était racontée à travers le prisme de la possession (posséder et être possédé). Dans celui de Donen, l'histoire d'amour entre un patron et une syndicaliste met en péril la chorégraphie sociale génialement conçue par Bob Fosse. Pour les couturières de la fabrique de pyjamas, l'enjeu est de concilier l'ordre et le désordre (la foule du pique-nique), le tempo rapide et le tempo lent (le numéro intitulé Hurry hup et sa version ralentie, c'est-à-dire sabotée), pour arriver à l'inévitable happy end sentimental et politique.