Benny's Video

Publié le 11 novembre 2013 par Olivier Walmacq
Genre : Drame

Année : 1992

Durée : 1H25 (Interdit aux moins de 16 ans)

L’histoire : Benny est un jeune adolescent fasciné par l’univers de l’audiovisuel. Il passe ses journées dans sa chambre devant un écran à mater des vidéos violentes. Benny travaille également à ses propres films avec son matériel. Un jour il invite une amie dans sa chambre, un drame se prépare….  

La Critique de Vince12 :

Avant d’être le grand chouchou de Cannes et de la critique, Michael Haneke était un réalisateur qui se situait plutôt en marge du système. Cet ancien critique de cinéma se lance dans la réalisation à la fin des années 80. En 1992 il réalise l’un de ses premiers longs métrages. Benny’s Video, un film choc qui passera cependant plutôt inaperçu.

Pour autant Benny’s Video est un film qu’il est intéressant de redécouvrir aujourd’hui car il définit déjà le style et les obsessions du réalisateur autrichien.

Attention SPOILERS !

Benny est un jeune adolescent passionné d’audio visuel. Enfermé seul dans sa chambre, il visionne sur son écran des films ultraviolents ou ses propres créations faites à l’aide de son matériel audio visuel (comme la mort détaillé d’un cochon). Cependant les rapports sont tendus entre Benny et ses parents qui sont des gens droits et assez stricts qui ne comprennent pas leur fils.

Benny fréquente souvent un vidéo club où il rencontre une jeune fille elle aussi passionnée de vidéos. Séduit Benny l’amène dans sa chambre pour lui montrer ses création audiovisuelles sans préciser à sa nouvelle amie qu’elle va également faire l’objet d’un petit snuff movie. Benny commet l’irréparable….

  Benny’s Video comme c’est souvent le cas chez Haneke nous place donc dans un contexte familial. Ici l’histoire d’un jeune ado vivant dans un milieu plutôt aisé qui va soudain ressentir un besoin de sensation extrême.

Tout d’abord évoquons la réalisation. Benny’s Video est le second film de Haneke. Le réalisateur montre déjà un certain talent pour poser son ambiance dés les premières images. Tout au long du film il règne un climat assez pesant. Certes on est encore assez loin du travail que le cinéaste effectuera par la suite mais il faut reconnaître que Benny’s Video reste un film bien foutu.

Tout au long du film le réalisateur fait ressortir la froideur des écrans de télévision et c’est avec cette même froideur qu’il filme le quotidien de son personnage  principal.  Benny’s Video est donc un film choc qui contient par ailleurs certaines séquences assez violentes. Pour ce qui est de la violence, elle est presque toujours hors champ et totalement suggérée. Paradoxalement c’est ce choix de ne rien montrer qui crée un véritable malaise. A tel point que ce procédé va plus ou moins devenir la marque de fabrique du réalisateur qui le poussera à son paroxysme dans son Funny Games en 1997.

Haneke se sert donc très bien de la mise en scène pour appuyer le fond de l’œuvre.

Une fois encore Benny’s Video reflète les obsessions premières du réalisateur à savoir la présentation de la violence au cinéma et de façon plus générale dans les médias. Ce n’est un secret pour personne mais Haneke a toujours été prompt à dénoncer une violence stylisée et ludique au cinéma. Il a par ailleurs fait certains reproches à des réalisateurs tels que Quentin Tarantino ou John Woo sur ce sujet là, accusant leur cinéma d’être « irresponsable » car pour Haneke ces films banalisent la violence et la rendent « consommables ». Le réalisateur a toujours évoqué un éventuel danger face à cette violence dite « trop consommable ». C’est ce qui ressort de ses films et notamment de Benny’s Video. Le personnage de l’adolescent devenant accro à ces images au point de les banaliser et de perdre sa perception de la réalité. A aucun moment Benny ne semble réaliser les conséquences ou la gravité de son acte. 

Pour être honnête je n’adhère clairement à ce débat, que je juge simpliste et faux, qui consiste à établir une relation de cause à effet entre le cinéma violent et la violence dans la réalité. En ce sens je ne suis pas un partisan de Haneke et c’est ce qui m’a longtemps découragé pour voir ce film. Pourtant Benny’s video va plus loin dans sa dénonciation des médias et ne se contente pas du débat type sur l’incitation à la violence. En réalité Benny’s Video critique plus les medias que le cinéma et dénonce surtout la manipulation de ses medias. Haneke pose vraiment des questions pertinentes sur notre rapport avec les journaux télévisés. On peut croire plein de choses en voyant une vidéo. Une vidéo peut contenir des images réelles mais ne pas refléter la réalité pour autant. Avec de vraies images on peut aussi manipuler les gens et les opinions.

C’est également là l’une de thèses principales de Benny’s Video.  Et ce débat est surtout appuyé par la fin du film que je ne raconterai pas mais qui rend compte du pouvoir que peuvent avoir les images et comment elles peuvent déformer les faits.  Cette thèse sera poussée encore davantage avec Funny Games en 1997.

Ensuite Benny’s Video peut également se voir comme une chronique familiale. Benny est né dans un milieu aisé mais ne semble pas vraiment attirer l’attention de parents stricts mais également (et cela peut paraître paradoxal) peu autoritaire. Ces parents qui vont, en apprenant la vérité tout faire pour que leur fils échappe à la justice. Pour autant on a plus l’impression qu’ils agissent dans l’optique de garder une image propre que par amour pour leur fils.

Benny’s Video contient donc des thématiques intéressantes. Le film peut également s’appuyer sur de très bons acteurs. Ulrich Mühe dans le rôle du père livre une très bonne prestation. D’ailleurs L’acteur reprendra le rôle d’un père de famille dans le très éprouvant Funny Games.

Quant au personnage de Benny il est interprété par le jeune Arno Frisch. Un acteur au visage incroyable qui évoque à la fois l’enfant sage et le psychopathe, la gentillesse et la méchanceté, le calme et la folie. C’est rare de trouver cela sur le visage d’un acteur. En fait j’irai même jusqu’à dire que quand on voit Arno Frisch dans un film il y’a d’emblée quelque chose qui vous dérange chez lui sans que vous puissiez expliquer ce que c’est. Et en ce sens Arno Frisch est vraiment un acteur flippant qui laisse présager le psychopathe de tous les jours en l’occurrence celui qu’on ne peut pas reconnaître au premier coup d’œil. A l’instar d’Ulrich Mühe on le retrouvera également 5 ans plus tard dans Funny Games dans un rôle encore plus terrifiant.

Benny’s Video est donc un film passionnant et réussi. Certes Haneke malgré quelques ingéniosités visuelles n’a pas encore le talent de metteur qu’on lui connaît pour autant il réussi plus ou moins son pari.

Un bon film, choc et à découvrir

Note : 14,5/20

Benny's Video ( bande annonce VO )