Avec la toute récente dégradation de la France par S&P, la situation est maintenant, officiellement, passée de « rose avec des petits soucis » à « légèrement enquiquinante ». En effet, à lire les déclarations des différents intermittents du spectacle qui sévissent au gouvernement, il n’y a pas franchement lieu de s’inquiéter pour l’avenir du pays.
Ainsi, le Ministère de l’Économie, en pleine crise de moscovicidose, nous fait savoir que tout ça, c’est un peu du flan du pipeau : ce sont rien que des jugements « critiques et inexacts », parce qu’en réalité, le gouvernement est en train de mener des « réformes d’envergure pour redresser l’économie du pays, ses finances publiques et sa compétitivité ».
Réformes qui se résument très simplement à tabasser le peuple d’impôts, de taxes, de ponctions, de prélèvements et d’accises aussi inventives que nombreuses et vexantes. Réformes qui se traduisent par une grogne de plus en plus marquée, qui envahit le pays et qui montre surtout que l’Etat est arrivé au bout de sa marge de manœuvre fiscale. Réformes qui, devant le refus et la grogne observés, n’ont aucun impact ni sur le chômage, ni sur la croissance et la compétitivité.
Ce qui veut dire que la capacité de l’État à pressurer ses citoyens est à peu près arrivée à bout ; si vous me passez le néologisme, l’ »effiscacité » du pays vient soudainement de chuter, ce que S&P sanctionne publiquement. Ceci semble totalement échapper au gouvernement (vu les pointures, ce n’est pas vraiment étonnant) et aussi, de façon parfaitement logique, au pauvre président qui, croyant calmer le jeu, n’a rien trouvé de mieux à déclarer qu’il entendait garder son propre cap :
Cette politique qui repose sur des réformes qui ont déjà été engagées, qui se poursuivront, est la seule qui permette d’assurer la crédibilité.
Je résume : on constate une situation économique catastrophique, un nombre de chômeurs, de faillites, d’entreprises en dépôt de bilan, de SDF, de pauvres et de précaires en hausse constante, une grogne de plus en plus vocale de toutes les catégories de travailleurs, ce qui pousse S&P à nous dégrader, et Hollande, devant ce constat, … conserve son cap. Serait-ce de la stupidité, de l’autisme, une dissonance cognitive, un mélange de tout ça ? On ne sait pas, mais c’est manifestement profond.
D’autant que, pendant ce temps, l’évolution de la société française vers le soviétisme le plus délibéré continue.
Par exemple, la propriété privée est attaquée de toute part, avec, on peut le dire, une réaction franchement molle des médias. Combien de journaux se penchent vraiment sur les lubies de la pauvre Duflot qui tente d’imposer à tout prix le contrôle des loyers, contrôle dont pourtant l’écrasante majorité d’économiste est d’accord pour dire qu’il est parfaitement stupide. Comment ne pas voir la spoliation privée qui s’installe dans le pays, de tous côtés, quand, d’une part, les taxes foncières sur les terrains constructibles explosent dans des proportions inouïes (sur la Commune de Toufflers par exemple, pour un hectare de terres à usage agricole classées en zone constructible, la taxe foncière s’élèvera à 13.510€ en 2014 au lieu de … 24€ actuellement), et quand, d’autre part, les systèmes fiscaux actuels entraînent une hausse directe de l’immobilier neuf pour compenser les pertes sèches encourues par les promoteurs sur les logements sociaux qu’on leur impose de bâtir ?
Par exemple, comment ne pas bondir en voyant les efforts répétés, obstinés, acharnés même, de Marisol Touraine pour faire passer en force les clauses de désignation des mutuelles au travers des syndicats habituels ? Certes, on sait depuis un moment que les syndicats sont une véritable mafia, et qu’on touche ici à un pan de leur financement. Mais pourquoi le gouvernement, en la personne de Touraine, s’acharne-t-il à leur assurer un revenu occulte si ce n’est parce que leurs intérêts convergent avec les siens ? Et les intérêts de syndicats collectivistes sont rarement libéraux…
Par exemple, comment ne pas comprendre la tendance générale lorsqu’on apprend que les pouvoirs de l’inspection du travail vont encore être renforcés pour traquer le travail au noir, qui a toujours été l’une des soupapes que développait les classes industrieuses pour se mettre à l’abri des nombreux rackets auxquels ils doivent faire face tous les jours ? Comment ne pas saisir qu’avec l’augmentation surprise du nombre de contrôles URSSAF, l’État et ses organismes n’est plus du tout dans une logique de maximisation du bien être de la population, mais bien dans la mise en place d’un système répressif efficace pour lui assurer sa survie, à lui et ses thuriféraires, avant tout ?
Il faut, véritablement, être aveugle pour ne pas voir et admettre cette tendance à la tranquille et discrète goulaguisation de la France.
Mais la collectivisation française prend actuellement un tour plus sombre encore avec un élément certes plus silencieux mais ô combien stratégique : nos dirigeants ont bien compris l’absolue nécessité de maîtriser parfaitement la façon dont la monnaie en circulation était utilisée. Cette dernière étant, par nature même, la plus difficile à suivre et à taxer, le législateur met rapidement en place tout ce qu’il faut pour s’assurer que le recours au cash est le plus parcimonieux possible.
Ici, comprenez que je ne suis pas en train d’exagérer ; l’État redoute par dessus tout la création d’une véritable économie parallèle, florissante car dépourvue de taxe, en concurrence directe avec l’autre, officielle, dont il se nourrit. L’État ne pourrait pas survivre si les transactions devenaient invisibles. De ce point de vue, l’informatisation bancaire est une autoroute de bonheur pour lui.
Dans ce contexte, le fait que certains entendent supprimer complètement le billet de 500€ au prétexte que, je cite, ce dernier « sert uniquement la criminalité » est parfaitement aligné avec cet objectif de retirer des mains du citoyens le moyen d’amoindrir la pression du Léviathan sur son dos. D’ailleurs, pour Roger Le Loire, juge d’instruction au pôle financier du tribunal de Paris, c’est une évidence :
Je ne vois pas son intérêt pratique pour le citoyen
Pourtant, mon brave Roger, je vais te donner un exemple concret : le citoyen moyen, sentant le chyprage de son compte approcher dangereusement, désire sortir son argent du compte en banque sur lequel il est prétendûment stocké et le placer, en cash, dans un coffre loué pour l’occasion. Il semble assez évident qu’une telle manœuvre, parfaitement légale, est rendue d’autant plus compliquée lorsqu’on multiplie artificiellement le nombre de billets. Mais je crois que toi, Roger, tu ne poursuis les voleurs que lorsqu’ils te sont désignés par l’État, pas si c’est l’État lui-même…
Et pendant que Roger rejoint ceux qui veulent donc supprimer le billet de 500€, on se rappellera que, depuis février dernier, Matignon, de son côté, réfléchit à interdire tous les paiements en espèce de plus de 1000€. Quant aux banques, elles ont depuis longtemps le rôle de traquer vos faits et gestes et s’assurer que vos transferts d’argent rentrent bien dans les clous de ce qui est acceptable ou pas socialement et surtout fiscalement parlant. Depuis le 1er octobre dernier, cependant, les plafonds à partir desquels les opérations sont systématiquement déclarées à TRACFIN ont été considérablement abaissés : sont maintenant déclarées les opérations qui dépassent 1000€, et tous les transferts vers le même client s’ils cumulent plus de 2000€ sur un mois calendaire, à partir du 1er avril 2014.
Oui, les murs de la Prison France se construisent, doucement, tous les jours, de façon aussi discrète que possible, mais il devient difficile de les ignorer. La prochaine étape est laissée à l’imagination du lecteur, mais à voir les récents articles, on renifle déjà quelques pistes.
Du côté du commerce en ligne, il semble que les Sénateurs, toujours aussi affûtés lorsqu’il s’agit de racketer le contribuable, aient repéré que les Français, malins, achetaient de plus en plus directement hors de nos frontières pour s’affranchir de certaines taxes (celle, inique, de copie privée sur les support numérique, doit figurer en bonne place) ; un projet est donc à l’étude, mêlant une nouvelle collecte informatisée d’informations pour les douanes, et une ponction de la TVA à la source. Il ne vous raterons pas. Et comme les contribuables le savent, ils s’organisent. Devant l’overdose fiscale, la fraude grimpe sans arrêt.
Petit à petit se met en place en France la guerre des contribuables contre l’État, des pauvres contre les riches, des classes qui payent contre les classes qui encaissent, des jeunes contre des vieux, de tous contre tous, le soviétisme s’installe. Ceux qui le peuvent fuient. Les autres subissent ; quelques uns se réjouissent, croyant en tirer profit. Bientôt, le mur sera complet et il sera trop tard.
Et comme personne ne semble vouloir le voir, ce pays est foutu.
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