11 novembre 2013
Un titre énigmatique, non ?
La surprise, c’est d’abord ce lieu étrange : un hôtel particulier entre la rue de la Paix et le boulevard des Capucines, au cœur de ce que fut le Paris du baron Haussmann, tout près de l’Opéra.
Un lieu investi par un frère et une sœur, les Fiat, lui plasticien et elle danseuse, dédié à la danse et aux arts.
Pourquoi ce nom bizarre ? En référence à l’éléphant gigantesque dans lequel se réfugiait Gavroche ….c'est la seule hose dont je ne sois pas convaincue.
Cette demeure fut d’abord celle d’un ambassadeur de Russie en France, Alexis Soltykoff, qui donna des fêtes sous ces lambris rococo de pur style Napoléon III. Ensuite, elle devînt un banque et je suppose que c’est pour abriter les guichets que fut réalisée l’extraordinaire coupole toute en pavés de verre qui s’étend sur près de 250 m² sans aucune armature, au-dessus de la cour et des écuries. Un lieu ouvert au public depuis un an à peine, destiné à accueillir des événements artistiques, des expositions, comme, justement, celle consacrée à Giuseppe Verdi, dans le cadre du centenaire de sa naissance.
Une exposition très bien mise en scène – c’est le moins qu’on puisse faire – avec beaucoup d’explications sur la longue et prolifique carrière du « Cygne de Busseto » (1813 – 1901), ce fils d'aubergiste devenu l'une des personnalités les plus célèbres de son temps. Voici des costumes, des documents inédits comme des partitions, et, encore plus émouvant, l’acte de naissance du maître, rédigé en français puisqu’à cette époque Busseto, qui se trouve près de Parme, est situé dans le département d’Au-delà des Alpes.
De la musique aussi, que l’on peut écouter avec des casques, et un très intéressant documentaire d’Alain Duaultur les pas de Verdi". Passionnant pour les passionnés de Verdi, comme moi, et qui ne désespère pas de convertir Claude, plutôt adepte des opéras de Mozart. Mais très didactique aussi poour ceux qui lui sont moins familiers.
On reste confondu devant l’extraordinaire productivité de ce musicien et homme de spectacle universel. Il écrit simultanément plusieurs opéras et non des moindres, se bat pour faire accepter les livrets par la censure autrichienne. Toutes les maisons d’opéra d’Europe et d’Amérique le réclament, il fait face à l’administration vétilleuse de l’Opéra de Paris et déjà, à des grèves du « Service public » …
Il est aussi le symbole de la lutte pour l’unité italienne et le Risorgimento, au même titre que Cavour et Garibaldi. Sur les murs on lit partout « Viva V.E.R.D.I » dont la signification est Vive Victorio Emmanuelle Re d’Italia. Et, plus intime, ses malheurs familiaux. Il a épousé très jeune la fille de son premier mécène, mais leurs deux enfants meurent en bas âge, puis sa femme elle aussi, terrassée par le chagrin. Il rencontre alors Guiseppina Strepponi, cantatrice (soprano) qui l’aide à s’imposer à la Scala de Milan. Une femme intelligente, cultivée et très indépendante : elle a presque son âge, non mariée, elle a pourtant trois enfants, c’est le scandale, on leur ferme les portes. Ainsi naîtra la trame de La Traviata, dont le thème est l’exclusion sociale.
Mise en abyme de la vie personnelle de l’artiste et de son œuvre … Le couple finit par se marier, car Verdi devient député. Il continue cependant à produire, faisant de ses librettistes (Piave, Boïto …) des amis. Il est généreux et fonde une maison de retraite pour artistes lyriques, dans la chapelle de laquelle il se fait inhumer avec son épouse. Cette maison continue à fonctionner avec ses droits d’auteur.
Un des plus grands musiciens du XIXème siècle romantique, dont les derniers opus « Falsfaff » et « Othello » marquent une évolution de style extraordinaire chez un homme aussi âgé, mais toujours aussi créatif, et tellement attaché à sa terre qu’il possédait plus de mille hectares et ne se plaisait qu’à sa campagne de Sant’Agata...
Bref, de quoi se remettre à écouter les plus grands oeuvres comme Nabocco, Macbeth, Luisa Miller, Don Carlos, Aïda, Rigoletto, le Trouvère, la Force du Destin, Simon Boccanegra, un bal masqué, le Requiem ….
Costumes, accessoires, maquettes, affiches, partitions, témoignages de l’omniprésence de ce dramaturge à multiples facettes qui parcourut le monde de Milan à Rimini, Florence à Venise, Paris, Saint-Petersbourg, Le Caire, Rio de Janeiro ...
Verdi à l’Eléphant Paname, exposition jusqu’au 5 janvier (après ce sera sur Jean Marais, ce que je ne manquerai surtout pas !), de 11h. à 19 h. 9€, fermé le lundi. 10 rue Volney, 75002 Paris.