Double trainée du « superbolide » qui explosa au-dessus de Tcheliabinsk
Après neuf mois d’enquêtes sur le terrain, plusieurs équipes de scientifiques sont aujourd’hui en mesure de dresser un portrait non exhaustif de la météorite qui explosa dans le ciel de l’Oural, entre 24 et 30 km d’altitude, le matin du 15 février 2013. Il s’agirait du phénomène le plus puissant enregistré depuis celui de Toungouska en 1908. De nouvelles données suggèrent que ce type d’événements se produiraient plus fréquemment que ne l’ont pensé jusqu’à maintenant les chercheurs.
Souvenez-vous, « stupeur et tremblements » le 15 février 2013 en Russie dans la région de la ville de Tcheliabinsk (« impressionnante chute de météorite dans le ciel de Russie« ). C’est une matinée que ses habitants ne sont pas prêts d’oublier : tous secoués par l’explosion d’une météorite dont l’onde de choc fit plus de 1 000 blessés, pour la plupart par les bris de vitres.
Presque neuf mois après l’événement, trois articles rédigés par plusieurs équipes de chercheurs ont été publiés simultanément dans les prestigieuses revues Nature et Science (numéros du 7 novembre). Exposant leurs découvertes nourries de nombreux témoignages (oculaires, vidéosurveillances, caméras embarquées dans les voitures — coutume russe —, images satellites, débris, etc.) recueillis dans toute la région, les scientifiques exposent leur reconstitution de cette chute spectaculaire. Depuis le premier repérage dans l’atmosphère à 97 kilomètres d’altitude jusqu’à la pluie de débris qui s’abattit sur le sol.
D’une taille aujourd’hui estimée à 19 mètres (17 mètres auparavant), l’objet céleste de 12 000 à 13 000 tonnes a fait son entrée dans la haute atmosphère à une vitesse de 72 000 km/h (20 km/s.). Ralenti par les couches d’air, sa surface va fondre puis se briser sous la pression et la température de plus en plus élevée. Peut-être déjà un peu abîmée et fragilisée par de fortuites rencontres interplanétaires, la météorite va ensuite se fracturer en 11 gros morceaux, à une quarantaine de kilomètres d’altitude. La désintégration se poursuit à environ 29 kilomètres d’altitude. C’est probablement à ce moment qu’une puissante explosion retentit, disloquant les principaux blocs en une vingtaine de morceaux de plus petite taille (d’une dizaine de tonnes chacun). L’onde de choc souffla alors les vitres des bâtiments situés plus bas, renversa parfois des murs et alla jusqu’à projeter au sol certains passants des villages alentour. La luminosité fut vraisemblablement, durant cet instant — cela paraît incroyable — 30 fois supérieure à celle du Soleil ! D’ailleurs, les scientifiques ont rencontré des personnes qui furent littéralement brûlées par les émissions de rayons ultraviolets comme s’il s’agissait de « coup de soleil » !
Finalement, l’essentiel de la météorite fut pulvérisé et réduit en poussières dispersées dans l’atmosphère … Seul 0,03 à 0,05 % de sa masse initiale (ce qui représente entre 4.000 et 6.000 kg de matière) se serait échoué sur le « plancher des vaches » alors recouvert de neige. Le fragment de 650 kg repêché au fond du lac Tchebarkul, le 16 octobre dernier, serait le plus gros de tous.
Quant à la chimie des fragments retrouvés, elle révèle que la météorite est une chondrite LL (Low Iron, Low Metals) de faible teneur en fer et métaux. Une caractéristique observée dans 8 à 9 % des roches extraterrestres que les scientifiques rapprochent de l’astéroïde Itokawa, survolé en 2005 par la sonde spatiale Hayabusa (Jaxa, Japon).
Enfin, selon une étude japonaise, les morceaux du « superbolide de Tcheliabinsk » n’auraient été exposés aux rayons cosmiques dans l’espace que durant 1,2 million d’années. Autrement dit, hier à l’échelle cosmique !
En synthétisant les données des deux dernières décennies acquises par les satellites et/ou les observations faites au sol, les objets célestes de 10 à 50 mètres de diamètre seraient plus nombreux qu’escomptés à s’échouer sur notre planète. La plupart échappent à notre surveillance, car il demeure de grandes étendues isolées où nul n’a pu les remarquer. De nouvelles statistiques tablent désormais sur l’occurrence de semblables événements tous les 25 ans en moyenne. C’est parce qu’ils sont relativement petits que la plupart ne sont jamais détectés. La tâche est plus difficile que pour les plus gros. Même si l’impact d’un rocher de cette dimension ne peut provoquer que des débats régionaux, il est importun de connaître leurs trajectoires et points de chute afin de prévenir toute catastrophe.
Crédit photo : M. Ahmetvaleev.
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