Dégradation de la note de la France : les requins se rapprochent
Publié Par Bernard Martoïa, le 10 novembre 2013 dans FiscalitéNul besoin pour les requins de se casser les dents, il suffit d’attendre que le Titanic surchargé de dettes coule. Il n’y en a plus pour longtemps.
Par Bernard Martoïa.
L’agence de notation Standard & Poor’s vient de dégrader la note de la France de AA+ à AA. Retenons que sa décision intervient la veille du vingt-quatrième anniversaire de la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989. Paris n’a pas toujours compris la portée universelle de cet événement qui signifiait la fin de l’utopie socialiste.Le gouvernement a réagi, à sa façon, en niant le cinglant désaveu de sa politique budgétaire par l’une des deux plus grandes agences de notation au monde et en assurant « vouloir maintenir le cap qu’il s’est fixé » pour revenir sous la barre mythique de 3% du déficit budgétaire à coup de matraquage fiscal. Précisons qu’à l’ENA où est formée notre élite politico-administrative, un économiste libéral comme Arthur Laffer n’est pas en odeur de sainteté comme le sont encore John Maynard Keynes voire Karl Marx. La contribution majeure à la science économique de Laffer est sa courbe de rendement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui est en forme de parabole. Le rendement de l’impôt est maximum lorsque le taux est faible (10%) et appliqué à tous les ménages (flat tax) mais il diminue avec la forte progressivité de l’impôt. A 100% d’impôt, le rendement est égal à zéro.
Le gouvernement a fait le pari insensé que les Français continueraient à travailler plus et à payer plus d’impôt en faisant appel à leur fibre patriotique. Comme je l’ai écris en début d’année, le 5 janvier, dans un article intitulé « deux choix radicalement opposés pour sortir la France de la récession économique », l’élite technocratique de la nation ne connaît que la macro-économie à travers des agrégats anonymes. Elle n’a pas été formée aux comportements des individus qui sont analysés dans la micro-économie. Sans risque de me tromper, je disais : « L’impôt et la redistribution éperdue des richesses ont tué la croissance dans ce pays. Pour la retrouver, il faut remotiver les gens les plus entreprenants. Que fait le gouvernement socialiste ? Il punit davantage ceux qui réussissent à travers la progressivité des impôts et des taxes. Il fustige les riches qui s’exilent et ne jouent pas le jeu de la « solidarité. » Que va-t-il se passer ? Les ménages les plus riches vont fuir en masse notre enfer fiscal, et ceux qui ne peuvent pas s’exiler vont couper net leur effort pour payer moins d’impôt ou vont recourir au travail au noir pour échapper au fisc. Résultat : la France va enregistrer une croissance négative en 2013. »
Dix mois plus tard, les statistiques économiques me donnent raison. Le chômage augmente, la production industrielle recule alors que celle de nos voisins repart mollement, une usine ferme pratiquement tous les jours, et la dette continue d’augmenter. Au cours d’une semaine fort riche d’enseignement, la Commission européenne a déclaré que la France ne pourra pas revenir sous le seuil de 3% de déficit budgétaire en 2014 comme s’y est engagé, avec bravache, le ministre de l’économie.
Si le capitaine du Titanic ne s’interroge jamais sur le cap qu’il entend maintenir contre vents et marées, je le fais toujours pour vérifier que mes prédictions sont justes. Pas plus tard que la semaine dernière, le 28 octobre, je m’interrogeai, dans un article intitulé « un nouveau 10 mai 1940 se profile à l’horizon », en disant : «Pour une raison qui m’échappe, les marchés financiers n’ont pas encore attaqué la France alors que sa vulnérabilité empire de jour en jour.» Un lecteur anonyme sur Contrepoints répondit en disant : «Peut-être assez simplement, parce que la vulnérabilité relative de la France selon les marchés n’est pas si importante que cela : les marchés arbitrent en tentant compte du fait bien compris, que la France engrange efficacement l’impôt, bien mieux que la plupart des autres pays, et ceci depuis fort longtemps. Ne vous en déplaise, une pression fiscale forte, mais acceptée sans trop de rechignes, peut avoir parfois des avantages.» L’analyse de ce lecteur semble en tout point correspondre à celle du gouvernement socialiste : on pourrait tondre le mouton autant de fois que possible. Mea Culpa !
Mais la fronde bretonne est venue mettre un grain de sel dans la machine jacobine. Le ras-le-bol fiscal menace de coaguler dans toute la France sans compter la double attaque extérieure et non concertée de la Commission européenne et de l’agence de notation Standard & Poor’s.
Les déclarations de la porte-parole du gouvernement font penser à celles de Mohammed Said-al-Sahhaf, le ministre de la propagande de Saddam Hussein, quand il clamait, en mars 2003, que l’armée irakienne allait battre la coalition américaine. C’est le marché et non pas la guerre qui va forcer le gouvernement à réduire l’Etat providence à travers l’envolée des taux d’intérêt à court terme et à long terme des obligations levées par le Trésor. Le 2 août 2012, Mario Draghi, le gouverneur de la Banque Centrale Européenne, déclara qu’il ferait tout pour sauver la monnaie unique. Après une longue vacance, les requins se rapprochent tranquillement des côtes françaises. Les cabinets ministériels et les élus de la nation qu’il ne faut pas oublier dans cette tragédie font tout pour abaisser la ligne de flottaison du Titanic. Nul besoin pour les requins de se casser les dents, il suffit d’attendre que le Titanic surchargé de dettes coule. Il n’y en a plus pour longtemps.
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