Illustration : Zhou Tao/Shanghai Daily
Les filles de Shanghai intriguent. Moi en premier. J'en avais parlé en décembre 2011 quand j'avais pris conscience que nous avions affaire à une catégorie de Chinoises bien déterminée, reconnue comme telle loin à la ronde. Mes amis (et amies) en visite découvrent aussi la Shanghai Girl et n'hésitent pas à attribuer ce titre à toute jolie demoiselle de moins de... disons... trente ans. Bien sûr, il y a celles qui ressortent du centre commercial en face de chez moi encombrées de sacs Prada et Jimmy Choo, celles qui conduisent à plein gaz dans ma petite rue une Ferrari, celles qui jettent un regard méprisant à toute autre femme n'appartenant pas à leur cercle distinctif, celles que l'on remarque. Et il y a toutes les autres, celles qui passent incognito, mais qui sont fidèles à leur réputation : autoritaires, lucides, prévoyantes, débrouillardes. Particulièrement avec leurs époux.
Une balade typique, c'est lui qui porte
le sac de sa belle
Une vraie femme de Shanghai n'hésite pas une seconde quand on lui demande quel est le montant du salaire de son mari, elle le connaît, elle le gère, car son homme. traditionnellement, lui refile tout son salaire, ne s'attendant à recevoir qu'un peu d'argent de poche en retour. Un proverbe local que les petites filles connaissent bien l’illustre clairement : " Après le mariage, ce qui est mien reste mien et ce qui est tien est aussi mien. " Les mères veillent au grain, après tout un homme sans argent aura moins la tentation d'entretenir une maîtresse !
Quelques hommes de Shanghai...
L'homme de Shanghai fait sourire ceux d'ailleurs en Chine, cultivé et doux, paraît-il, faible et docile, incapable de contredire son épouse quand il s'agit d'argent, une manière de démontrer son affection et respect. " Lorsqu'une femme prend de l'âge, sa beauté s'en va, elle perd confiance en elle et craint que son mari soit attiré par quelqu'un de plus jeune, " commente un Monsieur Zhang. Un mufle lucide, je suppose. Notre héro du jour ne s'arrête pas là, il a trouvé une parade, il met de l'argent de côté, sans en informer Madame, " pour la paix du ménage. "
Qu'on se rassure, il n'est pas le seul, Zhang, à faire des cachotteries à sa femme. Certains mentent sur le montant de leur salaire. D'autres planquent de petites sommes entre deux livres, dans un vase, sous ou dans le matelas, d'autres encore ouvrent un compte secret à la banque. Plus ils gagnent d'argent, plus ils sont tentés de ne pas tout déclarer à leur épouse. Pour de bonnes raisons : faire des cadeaux à son fils né d'un premier mariage, ou à ses parents qui ne sont pas bien considérés par sa femme, prendre un verre ou un repas avec des copains... Les cagnottes sous le matelas ont même un nom : si fang qian ( 私房钱), littéralement argent privé du ménage. C'est plus facile lorsqu'on a un certain salaire, qu'on appartient à cette middle class difficile à définir par ici, heures supplémentaires, notes de frais, bonus...
Un psychologue commente : " Chaque couple est différent. Cette pratique - Madame gère l'argent, Monsieur cache de l'argent - dépend d'elle, si elle est attirée par l'argent. Mieux il la connaît, mieux il saura se débrouiller sans faire de vague. " Parole de sage.
Est-ce que les femmes sont au courant ? Souvent, oui, elles ferment les yeux et restent discrètes sur le sujet. " Quand il revient avec un iPhone ou un attaché-case de marque, je sais mais je ne lui demande rien. C'est un compromis qui nous convient ", Madame Zhu explique. Une autre dame, Xu, a lu attentivement le relevé de carte de crédit de son mari. Le 300 dollars pour un repas pour 2 personnes sur le Bund on eu raison de son mariage.
Et lui, fait-il des heures sup ?
Ce n'est pas la première fois que je constate que Shanghai est un peu le monde à l'envers...
Il va de soi que je n'ai rien inventé, tout cela est le fruit d'une recherche publiée par Horizon Key Research Co.