L'étape qui vient de s'achever à Pont Saint Martin, une ville tout au sud du Val d'Aoste (et qui en marque la frontière), restera sans doute comme une des plus agréables et des plus amicales de mon parcours. J'avais déjà goûté à l'hospitalité valdotaine à l'occasion notamment du Tor des géants et de mon reportage sur la Alta via de cet été, mais j'ai encore été surpris par tant de gentillesse et d'enthousiasme pour mon projet sur cette Via Francigena. Il faut dire que Stefano assure un travail formidable pour la promotion de notre passage et fait passer le mot auprès de la communauté des coureurs italiens et de ses amis.
Aujourd’hui, j'ai eu souvent l'impression de faire un aimable entraînement avec des amis.
Je pars encore assez tôt, en compagnie de Stefano, qui me suit à vélo sur la majeure partie du parcours ce matin, depuis notre hôtel de Saint Vincent. première côte nous attends tout de suite, qui monte au termes de la ville. Les chemins valdotains, même ceux qui ne montent pas complètement vers les cimes, sont loin d'être plats. Mais cette Via Francigena à travers la vallée offre une tout autre découverte de la région que celles des Hautes routes. Celle des villages, des vignes, de l'intimité de la vie au creux des montagnes. Cela complète bien ce que j'avais déjà découvert de cette riche province et me plaît bien.
En plus, les sentiers et les petites routes "toboggans" de ce matin se prêtent bien à la course. Comme les jambes, certes un peu marquées par le dénivelé d'hier, vont bien, je trottine à bonne allure en savourant les lieux, les belles couleurs d'automne sous un soleil qui a eu la bonne idée de revenir aujourd'hui. Il fait presque chaud.
Nous atteignons en quelques foulées le château de Mont Jovet, qui domine la vallée. C'était un des points stratégiques du Val d'Aoste car à cet endroit les rives de la rivière, qui décrit un virage, se resserrent. Le site est majestueux. Quelques clichés plus tard je dévale vers le petit village en contre bas. Les kilomètres s'enchaînent vite et l'étape est courte. Comme le Val d'Aoste s'est bien impliqué dans l'accueil, Stefano a prévu des étapes courtes qui nous permettent quelques visites. Les 35 kilomètres du jour seront donc également touristiques.
Ces journées un peu allégées en terme de temps de marche me permettent aussi de profiter autrement et de récupérer un peu. Un peu plus loin, je rencontre Roberto, un coureur de Pont Saint Martin qui a connu mon parcours grâce à la revue Spirito Trail et m a ensuite contacté. Nous repartons donc ensemble sur les petits sentiers ancestraux. Ça grimpe, ça redescend, en livrant de belles vues sur les montagnes enneigées au sommet.
Roberto est un heureux chef d'entreprise qui emploie 160 personnes à Pont Saint Martin dont une bonne équipe de coureurs qui organisent également un trail au départ de la ville. Actuellement, il se prépare pour une course de 160 kilomètres au Cap Vert. C'est assez impressionnant comme une activité apparue il y a si peu de temps, à peine dix ans, içi, a pu se développer. Je m'en réjouis car le trail, surtout ainsi dans son courant basé davantage sur la découverte, le défi personnel et le partage, des valeurs humaines et naturelles fortes, est vraiment porteur d'un bon message. Celui d'un monde amical qui court et marche les chemins, pour se retrouver.
Nous rejoignons sur un bon rythme le chateau de Isognes que nous prenons le temps de visiter. Les fresques qui y sont conservées, bien que de qualité inégales sont très intéressantes. Certaines présentent des scènes de la vie courante plutôt rares, comme la fabrication du fromage ou d'autres artisanats. Je remarque aussi de nombreux graffitis et inscriptions sur ces murs. Ces dégradations, avec le temps qui passe, sont devenus de touchant témoignages du passage, fugace, sur cette terre de leurs auteurs. Qui était le personnage qui signe de son nom en 1590? Plus personne ne le sait sans doute, mais il a bel et bien vécu, respirer, et même graver son nom, volontairement et naïvement, içi. Nous ne sommes que de passage.
En tous cas, mon passage içi sur la Via francigena est agréable et se poursuit au restaurant bar du coin où nous a rejoint Carmella, une très émérite traileuse d'Ivrea où je me rendrai demain, et Alberto, qui m'a déjà accompagné avant hier dans la descente du col.
C'est donc presque un petit peloton qui se déplace en ce début d'après midi sur le chemin qui longe maintenant au plus près la rivière. Bien que mes jambes, il va falloir que j'en prenne garde, se ressentent un peu du dénivelé et du rythme bien plus élevé de mon déplacement ces trois derniers jours, je me sens bien. J'ai vraiment l'impression de faire un aimable footing entre amis.
Nous arrivons assez tôt au pied de l'impressionnant fort de Bard, que Napoléon, encore lui, avait assiégé et détruit en partie dans sa conquête guerrière de l'Europe. Aujourd'hui, le bâtiment militaire, construit dans le roc, abrite plus paisiblement plusieurs musée et reçois des manifestations culturelles.
Nous y montons par un funiculaire d'où l'on peut admirer la vallée et les toits de la vieille ville.
Nous sommes reçu par un responsable de l'institution qui m'offre très aimablement un TShirt et nous fait ensuite à tous découvrir le musée des Alpes, une installation bien pensée qui présente les différents aspects de la chaîne, sur tous les plans, de la géologie (Paolo, un ami d'université de Stefano, qui nous a rejoint, est un spécialiste) à la société.
Après cette belle visite, nous redescendons tous ensemble (Gian Carlo, un très bon coureur valdotain, est également là! ), à pied, pour retrouver le chemin là où nous l'avons laissé. Il reste assez peu de distance avant Pont Saint Martin, et comme je me sens un peu moins motivé pour trottiner, nous marchons assez tranquillement à travers les vignes, sur un sentier commun à celui du fameux Tor des géants, pour rejoindre l'étape et l'hôtel Crabun où après un verre de l'amitié j'entame une nouvelle soirée de récupération. Demain je quitte le Vaal d'Aoste pour poursuivre ma route à travers le Piémont.
J'espère que l'ambiance restera aussi amicale. J'aime la solitude du pèlerin et du coureur de fond mais toute cette compagnie est vraiment agréable et rend le chemin plus facile. Je suis aussi touché que ma démarche puisse intéresser et que de nouveaux amis souhaitent ainsi partager un bout de chemin avec moi. Toute l'énergie que je dépense pour mener à bien ces projets sert peut être à créer ces bons moments et je suis touché qu'on puisse ainsi s'intéresser à mon chemin, moi qui ait si souvent lutter avec une image de moi-même pas toujours simple et dont la vie personnelle n'a pas non plus toujours apporté une grande estime de soi. Le chemin apporte vraiment beaucoup d'humanité, et dans ses meilleurs aspects.