En voyage d’étude en Normandie dans l’espoir d’apprendre Caen partaitle train pour sept puisque celui de trois avait déclaré forfait, Raymond Devos découvrait avec stupéfaction que les Normands, ces audacieux navigateurs qui avaient jadis si courageusement affronté sur leurs fameux drakkars les terribles tempêtes de la mer du Nord, l’avaient purement et simplement démontée. Rassurez-vous, lui dit le concierge de l’hôtel, il ne leur faudra que six petites heures pour la remonter à son plus haut niveau. Les Bretons sont, eux-aussi, de hardis marins. Seraient-ils capables d’en faire autant ? Selon des sources proches de ceux qui savent, certains seraient actuellement en pleine phase d’apprentissage. Comme s’ils désiraient se faire la main pour le grand soir. Ils sillonneraient à cet effet les routes de leur région coiffés d’un bonnet rouge afin d’être facilement identifiables par les cadreurs de la télévision. Il faut dire en effet que nos intrépides stagiaires ont entrepris de démonter les nouveaux portiques écologiques qui décorent si joliment depuis peu nos belles autoroutes nationales. Tout laisse à penser, en l’état actuel des informations qui agrémentent nos écrans de télévision entre deux publicités, que ces "bonnets rouges" n’ont pas encore pu bénéficier, dans le cadre de leur formation, des modules obligatoires sur les notions d’écologie, d’art et de création artistique. Sinon, ils auraient bien évidemment choisi d’autres cibles pour leurs travaux pratiques. Il faut par ailleurs remarquer que leurs instructeurs ne leur ont pas plus inculqué de réelles notions de démontage. Au vu de l’état pitoyable de ces portiques après leur départ, il est clair que les apprentis se contentent de les immoler par le feu purement et simplement. Ce qui devient alors répréhensible aux yeux de la loi et pourrait, sait-on jamais, déclencher l’ire des autorités responsables. Et leur bonnet rouge pourrait se révéler pour eux un handicap. Car il faut bien garder à l’esprit que les forces de l’ordre, encore maintenues au chaud dans leurs autobus pour leur éviter de s’enrhumer sous les pluies automnales particulièrement fraîches en ces contrées, pourraient un jour en sortir. Elles n’auraient aucun mal à les repérer et à les pourchasser. Nul doute d’ailleurs que nos si efficaces Services de Renseignement, qui viennent de magistralement démontrer leur efficience en terre africaine, ont parfaitement "logé" leurs maîtres de stage. Le bruit court par ailleurs que nos bonnets rouges jouiraient de complicités locales. Complicités de paysans,dont les travaux des champs tournent en ce moment au ralenti, qui fourniraient les balles de paille et complicités de chauffeurs routiers sinon de garagistes eux-mêmes qui apporteraient les pneus qui servent, les unes et les autres, à déclencher et entretenir l’incendie des dits portiques. On voit par là que l’affaire n’est pas mince et pourrait prendre un jour une bien plus grande ampleur. Et ce d’autant plus que l’on s’apercevra vraisemblablement bientôt que le traitement que lui appliquent certains membres du gouvernement, notamment ceux d’origine bretonne, est en complète contradiction avec les travaux de la commission paritaire sur la réforme de la formation professionnelle présentement réunie sous la houlette du Ministère du Travail. Mais n’anticipons pas. Toutefois, il est d’ores et déjà difficile d’imaginer que ces Bretons puissent un jour, à l’instar des Normands, remonter ce qu’ils ont si brutalement démonté. Mais peut-être n’est-ce pas là leur but réel. Ce qui illustre une fois de plus l’idée que notre monde tourmenté a de plus en plus de mal à tourner rond.