Gravity, au plus près des étoiles

Publié le 09 novembre 2013 par Wtfru @romain_wtfru

Un silence assourdissant. C’est par là que commence le dernier opus de Alfonso Cuarón. Matt Kowalsky (George Clooney), astronaute expérimenté, est en mission sur une navette spatiale en compagnie de Ryan Stone (Sandra Bullock). Ce qui devait être une simple opération va tourner en scénario catastrophe. Un nuage de poussières de météorites pulvérise la station et sépare les deux personnages, perdus et seuls en plein vide intersidéral. Un long combat s’engage alors pour Ryan Stone et Matt Kowalsky, qui vont devoir faire face aux contraintes technologiques et naturelles pour survivre…

Les images sont splendides de réalisme ; la 3D agrandit l’écran et nous plonge dans l’immensité des paysages spatiaux. Que ce soit les débris de satellites qui arrivent sur vous lancés comme des frelons, la vitesse des déplacements, le travail du son, ce film crée des sensations haletantes. Le point de vue subjectif avec les caméra embarquées (on est toujours à quelques centimètres des acteurs), nous immerge dans la détresse des personnages, on suffoque et on panique avec eux. La prouesse que représente le tournage de Gravity est remarquable, le tout avec une majorité de plans-séquence, respect. Bien sûr le film n’a pas été réalisé dans l’espace mais en studio, dans un cube lumineux de trois mètres sur trois, comme le relate bien cette interview de L’Express.

Le cube lumineux dans lequel a été tournée la plupart des scènes.

Un projet qui a nécessité quatre ans et demi et un budget de 100 millions de dollars – pour vous donner une idée c’est trois fois le PIB de l’archipel de Tuvalu, c’est aussi l’équivalent des parts que le fondateur du site YouPorn a revendu à sa société –, montant amplement amorti puisque le film en a déjà rapporté 450.

Au niveau de la narration, on pouvait s’attendre à des flashback, ou à un double-cadre avec une grande salle de la NASA remplie d’écrans et d’ingénieurs-geeks communicant avec les protagonistes ; que nenni. Pour le scénario, on reste sur le plancher des vaches. Voire au ras des pâquerettes, pour être exact. Seulement deux acteurs sur une heure et demi de film, et l’histoire, si on considère qu’il y en a une, est racontée de manière on ne peut plus classique et linéaire.

[Instant Spoil] Paradoxalement il y a un suspense qui n’en est pas un : tout le monde sait très bien qu’à la fin Sandra Bullock parviendra à revenir saine et sauve sur terre. Néanmoins on est vraiment tenu en haleine par certains éléments : y aura-t-il assez d’oxygène dans le vaisseau pour survivre ? Va-t-elle arriver à se détacher avant que la navette ne soit pulvérisée ?
D’entrée de jeu, une grosse scène met la pression (atmosphérique), puis le rythme oscille constamment entre moments de calme et d’intense angoisse. George Clooney se permet de draguer sa collègue Sandra Bullock ou d’apprécier le panorama de l’aurore vue du ciel. Tout le temps serein, même avec une réserve d’oxygène critiquement basse ou une panne d’essence en pleine exosphère (comme la stratosphère, mais tout en haut). Sandra Bullock est parfaite dans le rôle de l’astronaute paniquée. Alfonso Cuarón, à qui l’on doit Le Labyrinthe de Pan ou Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, avait hésité au départ entre Scarlett Johansson et Natalie Portman pour finalement offrir le sésame à Bullock.

Je suis George Clooney, et je drague dans l’espace.

Puisque c’est d’actualité, faisons une parenthèse sur le test « Bechdel » initié par quatre cinémas suédois, et nouveau critère féministe s’appliquant au 7ème art. Un peu comme on classe les films en fonction de leurs images de violence ou du contenu inapproprié à un jeune public, ce système propose de répertorier le niveau de machisme. Imaginé par l’auteur de BD américaine Alison Bechdel, ce système approfondit/pervertit l’obsession de l’égalité (rappelons juste qu’égalité n’est pas synonyme de parité) en y ajoutant d’autre critères : il faut au moins deux personnages féminins présents dans l’intrigue, elles doivent se parler entre elles, et aborder d’autres sujets que les hommes. L’absurdité d’un tel système porte un nom : c’est du dirigisme culturel. Malgré l’équilibre parfait du ratio acteur-actrice, Gravity n’est donc pas conforme à cette classification.
Plutôt pauvre niveau scénario mais fort d’une avancée technologique incontestable, ce film est un pari réussi. Chaussez vos lunettes 3D et courrez voir Gravity.