Le 04 novembre avait lieu la projection dans de nombreux cinémas et notamment à la géode de la Villette du live exceptionnel des Rolling Stones. Il ne s’agissait pas d’un concert ordinaire, c’était le retour des enfants prodiges à Hyde Park, en clôture de la tournée qui célébrait leurs 50 ans d’existence, 44 ans après leur dernière performance dans ce lieu mythique.
Start me up est plus qu’approprié pour commencer le show et affronter ce qu’ils appellent eux-mêmes la marée humaine. Pour la satisfaire et faire de ce concert quelque chose d’unique, ils n’ont pas lésiné sur les moyens. Sur leur application officielle, les fans ont eu le droit de voter une chanson à inclure dans leur setlist faite de leurs nombreux tubes incontournables. Gageons que le choix n’a pas été facile. De plus, ils ont invité The Voce Choir et des membres de la chorale de jeunesse de Londres pour introduire You can’t always get what you want, chose presque ironique quand on connaît l’image de mauvais garçons qu’ils ont longtemps traîné en opposition aux gentils Beatles avec leurs sapes bien proprettes et leur fameuse coupe au bol sûrement pleine de Pento, mais pas si surprenante quand on connaît leurs sources d’inspiration. Il est vrai que les deux boys bands anglais les plus célèbres au monde on toujours été diamétralement opposés sur le plan musical et vestimentaire et si Mick Jagger, le leader charismatique n’a pas fini torse nu comme cela pouvait lui arriver à l’époque, il a toujours la même énergie et encore quelques uns de ses moves si particuliers célébrés par les Maroon 5 dans leur chanson Move like Jagger. Il n’a d’ailleurs pas hésité à replonger dans ses vieux placards pour nous ressortir une chemise blanche à col plissé qui lui va à peine plus serré, à croire que les excès conservent!!! En termes d’excentricité, celui qui n’a jamais rien eu à lui envier, Keith Richards, sorte de tonton plutôt barré à qui le public londonien semble tout pardonner, source d’inspiration avouée de Johnny Depp pour son rôle de Jack Sparrow dans la saga Pirate des Caraïbes, rappelle à ceux qui l’aurait oublié qu’en plus d’être un compositeur et un guitariste de folie, il sait aussi chanter, en lead vocal sur You got Silver et Happy. Ron Wood défit les lois de l’âge en affichant toujours une chevelure impeccablement noir corbeau et une silhouette toujours aussi affûtée tandis que Charlie Watts, généralement tiré à quatre épingles, costume trois pièces à la clé s’est juste fendu d’un t-shirt, preuve qu’il a l’intention de transpirer.
Pour ajouter au côté spécial qu’a pour eux cette tournée, était également invité Mick Taylor, figure essentielle du groupe de 1969 à 1974 avant d’être alors remplacé par Ron Wood. Sur Midnight Rambler, il délivre un solo de guitare à vous faire dresser les poils. Il faut dire que ce concert, comme ils l’évoquent en voix off était éprouvant pour eux car il se déroulait deux jours après la mort tragique d’un des membres fondateurs, Brian Jones qui, après de nombreuses dissensions d’ordre professionnel et personnel, avait pourtant déjà quitté le groupe. C’est d’ailleurs à lui que l’on doit l’identité musicale très bluesy du quatuor et leur nom tiré d’une chanson de Muddy Watters, figure du Chicago blues, Rollin’ Stone.Un supplément de dose soul est rajouté sur Gimme Shelter avec le solo de leur Background vocal Lisa Fisher. Elle reprend la partie de Merry Clayton, la chanteuse à l’origine de cette chanson qui est particulièrement connue alors même qu’elle n’est pas sortie en single à l’époque. Une pépite de plus dans l’album Let it bleed de 1969, qui reflétait bien l’ambiance mélancolique de l’époque, la désillusion de la jeunesse face à la guerre. Souvent reprise, par Patti Smith notamment, elle est reliée pour beaucoup à des films comme Les affranchis, Les infiltrés de Martin Scorsese ou encore Le fan de Tony Scott. À noter que ce n’est pas la première fois que les Stones sont eux-mêmes le sujet d’un film, avant il y a eu notamment One+One/ Sympathy for the Devil par Jean-Luc Godard en 1968, Shine a Light par Martin Scorsese en 2006 et 2008 pour des concerts au profit de la Fondation Bill Clinton, ou encore Rolling Stones, La French connection, documentaire présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes en 2010.
Concert d’exception donc qui se termine sur leur plus célèbre chanson (I can’t get no) Satisfaction avec une plongée en crescendo en transe d’un public toutes générations confondues, arborant tous la fameuse langue rouge sortant de lèvres de Mick Jagger, en t-shirt simplement ou dans des tattoos en mode discret ou carrément extravagant. Attention, cette langue est apparue pour la première fois en couverture de l’album Sticky Fingers de 1971 et n’a absolument rien à voir avec celle de petite prétendante morue de Miley Cirus, vilaine et pas inoubliable copieuse.
On sort de la salle en ayant réprimé une forte envie de se lever et danser, de reprendre avec le public le fameux ouhouhouhou de I miss you, ravi par cette réalisation juste immense en termes de moyens de production à laquelle le cadre de la Géode donnait une autre dimension. On aurait vraiment voulu y être et on est presque partagé car si en tant que public cela est extraordinaire, on voudrait aussi, l’espace d’un instant, être face à tous ces gens et sentir tout l’amour qui est donné, toujours intact après tant d’années, à ces pierres qui ont tant roulé.
#Shona