Tout est parti d’un crâne, volé par un ouvrier nigérien sur le chantier d’une catacombe à Tanger. S’en est suivie une succession de drames, parfois ponctués de sang et… de larmes, bien sûr. « Goodbye Morocco », réalisé en 2012 par Nadir Moknèche, a été projeté ce mardi 5 novembre au cinéma Paris de l’Institut français de Berlin. C’est l’occasion de revenir sur ce film complexe aux éléments de tournage parfois maladroits, le tout offrant au spectateur un concentré du Maroc tel qu’il est aujourd’hui.
Passion, ambition et corruption s’entremêlent dans le dernier film de Nadir Moknèche, revenu sur le devant de la scène cinq ans après « Délice Paloma ». Au casting, des noms célèbres dans le monde du 7ème art ; parmi eux la belle Lubna Azabal, Radivoje Bukvic ou encore Faouzi Besnaïdi. L’intrigue de « Goodbye Morocco » se déroule en automne sur un chantier de la ville de Tanger. Gabriel, ouvrier sans papier tout droit arrivé du Nigéria découvre des catacombes chrétiennes ensevelies sous la terre marocaine. Commencent alors de nombreuses négociations entre des archéologues et les propriétaires du chantier, y voyant l’occasion rêvée de faire fortune. Cela sans compter la disparition de Gabriel, le jeune homme qui a découvert le sésame d’ordre historique s’étant brusquement éclipsé de la surface de la terre. Plus pour très longtemps…
« Goodbye Morocco ! »
Tout porte à penser que les gens veulent fuir Tanger, bruineuse et blafarde, débordante de problèmes de société… Cette ville feignant d’être aveugle; fermant les yeux sur ce qu’elle souhaiterait mais ne peut pas enterrer : la corruption, le racisme, les relations intrareligieuses, le travail au noir, l’exploitation sociale ou encore l’homosexualité. « Tout cela n’existe pas chez nous », prétend un agent de police parlant des rapports sexuels entre personnes de même sexe, niant la réalité dans laquelle il vit. Dounia, propriétaire du chantier, souhaite s’échapper de cette ville qui la sépare de son fils tandis que Gabriel rêve de rejoindre l’Espagne… « Goodbye Morocco ! » a d’ailleurs été la première réaction du jeune ouvrier en pénétrant dans les catacombes abritant une fresque chrétienne du IVème siècle… Le désir de dire « au revoir » à cette ville regorgeant de clichés et de morales édictées se fait de plus en plus pressant à mesure que le film se découvre. Le vol d’un crâne par Gabriel peu avant sa disparition puis la découverte de son corps sur les bords de mers ; sa liaison avec Femsen le propriétaire du cinéma projetant régulièrement des films d’Almodovar ou encore les tendances manipulatrices de Doumia, héroïne cherchant à garder le contrôle sur les proches qui l’entourent… Nadir Moknèche déterre peu à peu les éléments qui permettent de comprendre le récit assombrissant de ce long-métrage décousu aux flash-backs récurrents.
Un scénario brinquebalant et des scènes au tempo varié
Caméra à l’épaule, le réalisateur filme des images étirées et teintées de couleurs grisâtres, faisant ressortir le côté dramatique de l’intrigue proche du film noir. Belle fresque du Maroc actuel, on pourrait toutefois reprocher à « Goodbye Morocco » son scénario brinquebalant et la lenteur inutile de certaines scènes. Mal rythmées, peut-être que celles-ci permettent de se focaliser davantage sur les personnages. Immobiles, voire immobilisés par un présent paralysant qu’ils subissent à contre-cœur, les héros de l’intrigue sont tous avides de lendemains meilleurs. À coups de notes aux accents Hitchcockiens, la musique anime toutefois ce film soumis à des freins et des accélérations soudaines. Des instruments à cordes s’accordent aux moments les plus inattendus pour accentuer le côté dramatique du moment.
Malgré la horde d’éléments qui nuisent au démarrage de la trame, cette dernière vaut la peine d’être connue du spectateur. Ceux n’ayant pas encore vu « Goodbye Morocco » auront l’occasion de se plonger dans un film dramatique tirant son originalité du réalisme avec lequel il est filmé : le silence est ponctué de mélodies immédiatement étouffées par les bruits de la ville. Filmé avec simplicité, le quotidien des personnages est dépourvu d’artifices, certains gestes se comprenant sans paroles. La succession de drames qui nous est révélée montre la cruauté de l’homme, qu’il soit meurtrier ou simple complice de ces faits accomplis. Le silence ou l’absence de larmes ne sont-ils pas également une marque de férocité ?