Enfin ! Tel est le premier mot qui est sorti de ma bouche quand j’ai appris la sortie du jeu sur 3DS dans nos contrées. Réalisé à l’origine sur Saturn en 1997 et porté deux ans plus tard sur PlayStation, Shin Megami Tensei : Devil Summoner : Soul Hackers était resté depuis une exclusivité japonaise, inaccessible pour les occidentaux ne maîtrisant pas le japonais à un certain niveau. Cette injustice est désormais réparée grâce à NIS America, voyons ensemble si cette conversion est réussie.
Une ambiance et un scénario captivants
Le leader des Spookies, votre groupe de hackers.
L’histoire se déroule dans la ville fictive d’Amami City, une mégalopole japonaise entièrement connectée par un réseau intranet menant à un monde virtuel, le Paradigm X. Ce dernier est toujours en version bêta et, en tant que hacker, votre premier objectif sera de pirater les résultats du tirage au sort y donnant accès pour pouvoir y entrer. Vous y découvrirez un monde virtuel futuriste tel qu’il était imaginé au milieu des années 1990, avec sa banque, son théâtre, son parc, son casino, etc. Si cela peut faire sourire à l’heure actuelle, c’était vraiment le rêve de l’Internet mondial pour beaucoup de geeks il y a vingt ans.
Les personnages de Paradigm X sont hauts en couleur.
Évidemment, il y a une couille dans le potage que vous ne tarderez pas à découvrir. Ici, cette couille prend la forme d’un ordinateur portable d’aspect plutôt intriguant, qui vous fera découvrir les côtés sombres du monde, le réel comme le virtuel. De simple pirate informatique, vous devrez devenir invocateur de démons pour vous sortir du piège sournois dans lequel vous vous êtes fourré ! On a vu plus simple comme reconversion professionnelle. L’intrigue du titre est captivante du début à la fin et même les quelques twists tardifs plutôt attendus ne ternissent pas son intérêt. L’ambiance futuriste cyberpunk-démoniaque vous fera oublier le monde qui vous entoure, au point même de vous faire rater votre arrêt et de vous retrouver à Gand alors que vous deviez aller à Bruxelles…
Encore bien conservé pour son âge
Les démons sont plutôt bien modélisés.
Graphiquement, on sent que le jeu est sorti il y a plus de quinze ans. Les environnements 3D sont plutôt vides et peu détaillés, les différentes maps sont surtout schématiques et les décors fixes sont jolis mais pas ce que l’on a vu de plus beau sur 3DS. Les retouches sont peu nombreuses par rapport à l’opus original, très agréable visuellement à son époque, ce qui contribue à accentuer l’ancrage rétro du soft sans le dénaturer. On en a vu des titres « remis au goût du jour » dont le rajeunissement s’est avéré plus foireux qu’autre chose au final… Un remake de jeu vidéo, c’est un peu comme une femme de 35 ans, il vaut mieux qu’elle en paraisse 30 au naturel que de se ridiculiser en retouches et artifices pour essayer d’en paraître 20…
Les attaques spéciales sont assez réussies.
Les scènes cinématiques sont rares, ce qui n’est pas pour me déplaire vu mon aversion profonde pour les longs films interactifs faits de blabla sans intérêt, et quand il y en a une c’est toujours à bon escient et pour faire progresser le scénario. La plupart du temps, il faudra vous contenter de dialogues en anglais, avec sous-titres dans la même langue. À moins d’être complètement hermétique à la langue de Shakespeare, ce n’est pas du tout gênant, le doublage étant de très grande qualité. La bande-son contribue également à immerger le joueur, je vous conseille vivement d’y jouer avec un bon casque pour en profiter à fond, mais pas assis sur le bord d’un quai de gare évidemment, je ne voudrais pas que vous soyez victime de la sélection naturelle à cause de moi…
Un gameplay à l’ancienne
La 3D donne un effet de profondeur aux couloirs.
Pour parler en termes techniques, Shin Megami Tensei : Devil Summoner : Soul Hackers est un dungeon-crawling turn-by-turn breeding-RPG. Derrière ce nom à rallonge que quasiment personne n’utilisera jamais se cache un jeu de rôle (RPG) dans lequel on rencontre, recrute, dresse et optimise des créatures pour en faire des alliés (breeding), dont l’exploration se fait dans des donjons que l’on parcourt en vue à la première personne (dungeon-crawling) et les phases de combat se déroulent au tour par tour (turn-by-turn). En bref, un jeu comme on n’en fait malheureusement plus aujourd’hui.
Le monde du jeu est divisé en zones de petite taille, dans lesquelles se trouvent un ou plusieurs endroits à visiter : magasins, donjons, demeures de PNJ, etc. On y croise également quelques citoyens ordinaires qui nous racontent leur vie, donnant parfois des informations importantes presqu’à l’insu de leur plein gré
Les démons vous poseront parfois des questions surprenantes.
Les lieux où vous passerez le plus de temps sont les donjons, parcourus à la première personne comme à la bonne vieille époque des premiers jeux Ultima ou Donjons & Dragons. Ce système apparaît clairement très rigide aujourd’hui, alors que les mondes ouverts deviennent de plus en plus la norme, mais c’est tellement plaisant de retrouver des sensations d’antan sur la portable de Nintendo que l’on en oublie vite la limitation de mouvement. Lorsque vous explorez un donjon, la map se dessine au fur et à mesure sur l’écran du bas, ce qui s’avère bien utile tellement certains sont de véritables labyrinthes à plusieurs niveaux. On se déplace à la croix, le stick directionnel ne servant qu’à déplacer la vue sur la carte du niveau quand elle déborde de l’écran inférieur.
De temps à autre, on rencontre des PNJ perdus qui nous orientent ou nous en apprennent plus sur les événements. Mais ce que l’on croise le plus souvent dans ces donjons, ce sont des démons, qui surviennent de manière totalement aléatoire. Vous pouvez décider de les attaquer de front comme un bourrin ou tenter de taper la discute pour les faire abandonner le combat ou éventuellement vous en faire des alliés. Je vous préviens tout de suite, ça ne marche pas systématiquement et la réussite est influencée par différents facteurs, le plus important étant l’avancement du cycle lunaire : inutile d’espérer convaincre un monstre d’être sympa avec vous un jour de pleine lune… Une fois un démon recruté, vous pouvez l’invoquer et le faire combattre à vos côtés. Il ne peut pas gagner d’expérience et monter de niveau mais vous devez tout de même entretenir sa loyauté à votre égard par différents moyens : cadeau, liberté d’action, ordres clairs, rôle dans l’équipe, etc. Chaque catégorie de créatures a sa préférence en fonction de son alignement (bon, neutre ou mauvais) et de son « état d’esprit » (loyal, neutre ou chaotique). Enfin, si vous manquez de place dans votre inventaire, vous pouvez fusionner les démons recrutés pour en créer de plus puissants.
Plus vous avancez, plus les démons sont imposants.
Les combats se déroulent au tour par tour par ordre d’initiative. Vous pouvez aligner jusqu’à six personnages, humains et démons alliés, sur deux rangs. Positionner le bon individu au bon endroit est crucial, ceux placés au second rang sont mieux protégés des attaques ennemies mais ils ne peuvent attaquer au corps-à-corps. N’imaginez pas non plus pouvoir frapper comme un sauvage et vous sortir des combats sans une égratignure. Il est vraiment très rare de terminer un combat sans avoir encaissé de dégâts, avoir un healer dans son équipe, qui ne fait que soigner les blessés à chaque tour, est une priorité absolue pour avancer dans le jeu. Sans cela, vous en serez vite réduit à combattre avec le héros et sa principale alliée, un duo un peu juste face à des monstres plus coriaces.
Pas pour les petits joueurs
Cet étrange personnage sera un allié précieux.
La série des Shin Megami Tensei est réputée pour sa difficulté sans pardon et cet épisode ne fait pas exception à la règle. Le jeu est difficile dès les premiers donjons et absolument impitoyable. L’IA particulièrement retorse profitera du moindre petit écart, de la moindre petite erreur d’organisation pour en tirer profit et vous infliger de sérieux dégâts. Chaque imprudence se paie cash et l’addition devient rapidement très salée. Je suis un habitué de ces RPG à l’ancienne, je connais les mécaniques récurrentes de ce type de jeu et j’ai rapidement compris les subtilités apportées dans Soul Hackers, cela ne m’a pas empêché de chier des cactus recouverts de fil barbelé rouillé pour avancer après moins de dix heures de jeu. Et plus on progresse, plus l’opposition devient violente et sans merci. Ce n’est clairement pas un jeu à mettre entre toutes les mains, les petits joueurs et les kékés ne jurant que par fifa et « côlof » n’en verront pas grand-chose avant d’être découragés.
Jusqu’à un certain moment dans le jeu, les sauvegardes ne se font qu’à certains endroits précis sur les maps générales ou dans les donjons. Le jeu permet quand même de sauver sa progression exacte lorsque l’on éteint sa console mais cette sauvegarde n’est que temporaire et s’efface une fois la partie reprise. N’imaginez donc pas pouvoir tenter le « try & reload » à outrance, c’est juste impossible dans ce titre. En plus d’une difficulté relevée, Soul Hackers est plutôt long, comptez au minimum cinquante heures pour en voir le bout, à condition de ne pas trop traîner en route.
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LordSuprachris
Shin Megami Tensei : Devil Summoner : Soul Hackers LordSuprachrisEvaluation
Conclusion : À une époque où les RPG se simplifient à outrance et où le joueur est perpétuellement assisté, Shin Megami Tensei : Devil Summoner : Soul Hackers fait figure de voyageur temporel venu de la (pas si) lointaine époque du « c’était mieux avant ». Un gameplay fait d’interfaces et de menus, un système de jeu complexe, une IA sans merci et une durée de vie longue, voilà un très bon jeu qui plaira aux gamers plus âgés et/ou à la recherche d’un bon challenge. Si vous n’aimez que les jeux qui vous prennent par la main et se torchent en 10/15 heures, passez votre chemin mais vous ratez quelque chose.