"Dennis, franchement, pourquoi tu penses tout le temps à l'amour, pourquoi il t'importe tant de savoir si quelqu'un t'aime ou ne t'aime pas ? Tu ne lis que des livres sur ça, tu ne parles que de ça.
- Mets tous les affamés du monde dans une pièce, et tu auras beaucoup de conversations sur le rosbif."
Ils sont tous un peu à côté de la plaque les héros des nouvelles de Lorrie Moore, des intellectuels râtés perdus dans un monde brutal et agressif qui ne les comprend pas.
Mary, par exemple, hésite entre deux amants, mais sans doute est-ce simplement d'elle même qu'elle ne sait que faire ? D'autres se font piquer leurs idées, s'arrêtent devant le changement, ou aimeraient aller de l'avant, faire enfin ce qu'ils ressentent comme urgent pour eux, maintenant.
Mais chez Lorrie Moore, la vie est bien cruelle... empreinte d'une profonde solitude, et qui sait si la seconde chance ne partira pas tout simplement, comme souvent, avec l'eau du bain.
"Corrige-moi si j'ai tort, mais je ne pense pas avoir eu cette conversation tout seul." Il ressera son étreinte. "Je me trompe ?"
Vies cruelles est un recueil de nouvelles à l'ambiance assez spéciale, désenchantée, un brin absurde. Autant le dire d'emblée, ce titre ne plaira pas à tout le monde. Cependant, j'ai aimé lire ce Lorrie Moore là aussi (après mon expérience réussie avec le roman La Passerelle). Déjà, ses nouvelles ne chutent pas de manière exagérée, mais dans une ellipse discrète, presque un silence, ce que j'ai vivement apprécié. De plus, l'impression, l'impact de cette lecture reste fortement en tête une fois le livre refermé. Et l'impression de malaise ressentie laisse très vite la place à l'admiration. Il est évident que l'on a affaire là à une auteure de grand talent, dans la droite ligne d'autres auteures telles que Alice Munro ou Rachel Cusk qu'elle va de suite d'ailleurs cotoyer physiquement dans ma bibliothèque... Je vais continuer de la suivre.
Editions Points - 7.30€ - Octobre 2013