Clauses de désignation des mutuelles : Marisol Touraine revient à l’assaut
Publié Par Contrepoints, le 9 novembre 2013 dans Santé, Travail & emploiMalgré l’opposition du Conseil constitutionnel, Marisol Touraine tente de faire tourner la pompe à finances des syndicats avec les clauses de désignation des mutuelles.
Par Philippe Mondin, fondateur d’Expremes.fr
Lors de sa transposition dans la loi de sécurisation de l’emploi, le Gouvernement a passé outre en tentant de réintroduire les clauses de désignation refusant de prendre en compte les résultats de la négociation collective (et niant donc ses principes), l’opposition du Sénat et l’avis de l’Autorité de la concurrence.
Le Gouvernement a échoué : ces dispositions ont été jugées contraires à la constitution.
Non seulement celles concernant la loi de sécurisation de l’emploi et la généralisation des complémentaires santé, mais le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, l’article L.912-1 du code de la Sécurité sociale qui permettait ces clauses de désignation pour toutes les garanties de prévoyance.
À l’occasion de la LFSS pour 2014, Marisol Touraine suggère de taxer les entreprises qui ne se tourneront pas vers l’organisme recommandé par leur branche en augmentant le montant du forfait social sur les contributions des employeurs de 8 à 20 %.
Les entreprises qui préféreront privilégier l’intérêt de leurs salariés en faisant jouer la concurrence pour leur offrir les meilleures garanties au moindre coût seront taxées de 12 % du montant de leurs contributions. Même si ce choix est opéré en concertation et avec l’accord de leurs salariés et de leurs représentants.
Seules échapperont à cette nouvelle taxe, les entreprises qui accepteront de souscrire un contrat de moindre qualité auprès d’un organisme de protection sociale géré par les syndicats nationaux.
Quelle mouche a piqué le Gouvernement ? Les clauses de désignation font partie du système de financement occulte des syndicats français dont personne n’est capable de déterminer l’origine de leurs ressources financières sans aucun rapport avec le montant des cotisations versées par leurs adhérents.
Au même titre que la formation professionnelle continue, le détournement du financement des comités d’entreprise. Ces sources étant de plus en plus remises en cause, il convient de sauvegarder à tout prix la pompe à finances que représentent les clauses de désignation.
C’est-à-dire préserver à tout prix le monopole des organismes de protection sociale en matière de prévoyance dans lesquels sont employés de très nombreux syndicalistes (les clauses de désignation n’ont jamais joué en faveur des mutuelles ou des compagnies d’assurances pourtant fortement présentes sur le marché de l’assurance collective quand la libre concurrence peut jouer).
Mais les désignations supposent la conclusion d’accords de branche. La loi de sécurisation de l’emploi prévoit la négociation d’accords de branche pour la généralisation des complémentaires santé.
Faute de quoi, à compter du 1er janvier 2016, les employeurs devront mettre en place les garanties prévues par la loi par décision unilatérale, mais alors ils retrouveront avec leurs salariés l’entière liberté du choix de leur assureur.
Le silence des organisations patronales Medef et CGPME sur ces remises en cause de l’ANI du 11 janvier 2013 (comme la fiscalisation des contributions des employeurs) est proprement… assourdissant.
Même si le Gouvernement ne les écoute pas, elles ont un moyen très efficace de s’opposer à ces dérives : refuser d’entrer en négociation pour les accords de branche frais de santé prévus par la loi de sécurisation de l’emploi et, plus généralement, refuser de signer le moindre accord de branche ou avenant de convention collective comportant une clause de désignation ou de recommandation d’un assureur.
Il serait incompréhensible que Medef et CGPME adoptent une autre position alors qu’elles prônent sans cesse la libre concurrence, la liberté d’entreprendre donc la liberté pour toute entreprise de choisir librement ses fournisseurs et rejettent tout interventionnisme de l’État.
Ou alors nous devrons conclure que les choses sont peut-être moins simples qu’il n’y paraît.
Que les syndicats patronaux comme les syndicats de salariés profitent aussi de ce mode de financement occulte (la gestion des organismes de protection sociale est paritaire).
Que tous sont d’accord et font pression ensemble sur le Gouvernement pour préserver ces situations de monopole contraires à l’intérêt des entreprises et des salariés.
Comment sinon expliquer que Marisol Touraine prenne le risque d’un tel « bras d’honneur » au Conseil constitutionnel ?
Mais les choses sont peut-être moins simples qu’il n’y paraît… comme le démontre l’affaire de l’UIMM !
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