En Allemagne, le SPD s'apprête donc à gouverner avec Angela Merkel. Gouvernement de coalition, comme en 2005. La négociation du programme de gouvernement est une gageure, mais finalement, les deux partis semblent y être parvenus. Il y a notamment ce détail, qui compte beaucoup pour les sociaux-démocrates allemands, cette fameuse taxe sur les transactions financières internationales (TTF).
Angela Merkel et la CDU/CSU victorieuse n'y sont pas favorables.
Mais ce n'est pas tout.
En France, le gouvernement Hollande a introduit sa propre taxe en août 2012, mais son ampleur est encore modeste.
A Bruxelles, on négocie ferme entre la Commission et 11 Etats-membres pour un projet plus large. L'idée est de taxer à hauteur de 0,1% les échanges d’actions et d’obligations, et de 0,01% ceux sur les produits dérivés.
On accuse la Banque centrale française d'agir contre le projet. C'est évident. Les milieux bancaires détestent le projet, la banque centrale est, parfois, leur porte-parole. Fin octobre, Christian Noyer est allé se plaindre publiquement dans les colonnes du Financial Times. On rappellera qu'il est (malheureusement) indépendant du pouvoir politique, Traité de Maastricht oblige. Le projet de loi, qui vise à taxer les transactions financières dans 11
pays de la zone euro, constitue "un risque énorme en termes de
réduction de la production là où la taxe s'appliquera, de hausse du coût
du capital pour les Etats et les entreprises." Le 29 octobre, les Echos livraient un éditorial similaire. Et de citer l'exemple suédois où le gouvernement avait taxé les transactions sur les actions en 1985, puis celles sur
les obligations. "La fuite des capitaux vers Londres fut telle qu'il fut
mis fin à cette initiative au bout de six ans."
Un bel exemple de TINA-politics (*).
On accuse aussi le gouvernement français d'être timide. Noyer a d'ailleurs "mouillé" Pierre Moscovici en déclarant: "Je ne pense pas qu’il ait jamais été dans l’intention du gouvernement
français de faire quelque chose qui entraînerait la destruction de pans
entiers de l’industrie de la finance française, une externalisation
massive des emplois et, du même coup, endommagerait l’économie dans son
ensemble. " En juillet, Pierre Moscovici avait récusé les soupçons qui portent sur lui de vouloir détricoter la TTF.
On l'avait pourtant surpris lâcher les propos suivants devant un parterre de banquiers: "Pour parvenir à cette taxe, il faut être pragmatique et réaliste et je
veux dire ici que la proposition de la Commission m’apparaît excessive
et risque d’aboutir au résultat inverse. La taxe sur les transactions
financières suscite des inquiétudes quant à l’avenir industriel de la
place de Paris et quant au financement de l’économie française. Le
travail que je veux mener, c’est un travail d’amélioration de la
proposition de la Commission pour mettre en œuvre une taxe qui ne nuise
pas au financement de l’économie." Ce ministre de l'économie et des finances, critiqué par son propre ministre du Budget Bernard Cazeneuve, n'est visiblement pas prudent.
Quelques semaines plus tard, fin septembre, les services de Bercy annoncent que le rendement de la TTF version Hollande d'août 2012, qui ne portait que sur les valeurs de capitalisation boursière supérieure à 1 milliard d'euros, est finalement inférieur de moitié que prévu: environ 700 millions d'euros, contre 1,5 milliard
dans la loi de Finances initiale pour 2013. Et un conseiller du ministère d'expliquer: "Il y a sans doute un effet lié à la baisse des volumes sur les actions, même si nous n'imputons pas ce recul des volumes à cette seule taxe." En son temps, Nicolas Sarkozy avait déjà amusé la galerie en tentant de faire croire que le rétablissement de l'impôt de Bourse, qu'il avait lui-même supprimé en 2007, était en fait déjà une taxe Tobin...
Le 22 octobre, les députés refusent de durcir la TTF française, lors de l'examen du projet de loi de finances 2014. C'était pourtant l'objet d'un amendement de Christian Eckert (PS), que d'étendre la taxe sur les transactions financières aux opérations « intraday » . Un projet retiré à la demande du ministre Cazeneuve.
Quelques jours plus tard, donc, le gouverneur de la banque de France lance son offensive contre le projet bruxellois, plus dur encore que la TTF française.
Nous voici donc face à Moscovici.
Et nos voisins allemands, déçus de ce peu d'enthousiasme.
(*) There Is No Alternative - Il n'y a pas d'alternative, criait Margaret Thatcher.