Evoquer le titre d'une chorégraphie de Maurice Béjart au sujet de Romina de Novellis pourrait paraître singulier si l'on ne précisait pas immédiatement que cette artiste a consacré des années de sa jeunesse à la danse. Ceci n'est pas le moins surprenant venant d'une performeuse dont la biographie signale sa qualité de doctorante en anthropologie et sociologie à l'EHESS avec une thèse en anthropologie.
Une fois posés les termes de ce profil particulier, il faut inclure dans la réflexion sur sa démarche tout un faisceau d'indices : rituel, célébration, cérémonial. Dans des temps reculés, on y aurait vraisemblablement ajouté ceux de sorcellerie, diablerie, envoûtement. Heureusement, aujourd'hui, on ne retiendra de l'envoûtement que le charme et la beauté de l'artiste qui se livre à notre regard dans ses performances.
Romina de Novellis Marseille juillet 2013
La mise au premier plan du corps définit le plus souvent la nature des performances artistiques. C'était le cas d'un Michel Journiac, lorsque, travesti en prêtre dans la galerie Daniel Templon à Paris en 1969, il célébrait à sa façon une messe en latin. C'était le cas également d'une Gina Pane exécutant devant un public au premier rang exclusivement féminin une «Azione sentimentale», à Milan en 1973. Là, avec un bouquet de roses rouges, puis un bouquet de roses blanches, elle passait de la station debout à la position fœtale, exécutant un mouvement de va-et-vient avec le bouquet, avant de se griffer le bras avec les épines d'une rose et se mutiler la main avec une lame de rasoir.
Un mémorial sacrificiel
Chez Romina de Novellis, on ne retrouve pas la nature provocante d'un Michel Journiac ni la violence auto-destructrice d'une Gina Pane. Si le simulacre religieux d'un Journiac n'est pas avéré, l'artiste met pourtant en scène nombre de caractéristiques propre à ce cérémonial.
"La veille" Romina de Novellis 2013
Le Baptême, procession d'un baptême d'un corps, en 2011, donnait le ton de ce climat propre au simulacre religieux. " L'APE" , à Marseille en juillet dernier, accentuait encore, par sa mise en scène, cette théatralisation de la procession. Les actions plus récentes ne démentent pas ce positionnement de l'artiste, toujours placée au centre de ce mémorial sacrificiel. Comme dans une messe où ce rituel est associé à la communion, la performance de Romina de Novellis nous place d'emblée, si nous acceptons d'accompagner dans la durée son épuisante action répétitive, dans une attitude de communion avec son acte.
D'une aliénation à l'autre
Avec ses performances les plus récentes, La Veglia, La Pecora ,La Gabbia, (où, enfermée nue dans une cage grillagée au milieu d’un jardin, elle en recouvre peu à peu les parois de roses blanches ) il a été beaucoup souligné combien l'artiste interrogeait ce statut de l'enfermement. Mais comme cet enfermement n'est pas toujours physique mais peut être social, soit parce qu'il touche particulièrement au statut de la femme soit parce qu'il concerne l'être humain en général, c'est davantage encore la notion d'aliénation qui me semble le mieux désigner ces actions. C'est alors l'ensemble des sources d'aliénation, sociales, politiques, culturelles, spirituelles qui peut constituer le champ dans lequel s' exercent par ces simulacres les performances de Romona de Novellis.
Cette dépossession de l'individu au profit d'une autre force (individu, groupe ou société en général) constitue la nature même de cette situation dont l'ultime symptôme pourrait être celui de l'aliénation mentale.
Toute la tâche de Romina de Novellis consisterait donc, d'une performance à une autre, à nous mettre face à ces dangers pour mieux nous aider à briser ces chaines invisibles qu'elle suggère par quelques fils tendus au gré de ses gestes artistiques. Cette messe profane n'est pas dite.
Photos: Galerie Laure Roynette
Romina de Novellis
"Wool and roses"
10 octobre-26 Novembre 2013
Galerie Laure Roynette
20 rue de Torigny
75003 Paris