Depuis plusieurs semaines, une nouveauté se préparait dans notre petit centre commercial. Le local d’un ancien commerce fermé depuis longtemps était en chantier, les ouvriers se hâtant de lui redonner une nouvelle vie sans que l’on sache réellement de quoi serait faite cette résurrection.
Puis, sont arrivés les affiches sur la vitrine et un grand panneau publicitaire sur le boulevard, Domino’s Pizza s’implantait chez nous. Ne pensez pas que nous étions privés de cette spécialité italienne, toute la concurrence est déjà dans la région à un jet de mobylette bruyante et non respectueuse du code de la route. Je ne cite pas leurs noms, vous avez les mêmes à la maison !
Mais la grande nouveauté, c’est que le pizzaïolo volant est au pied de nos immeubles. Jusqu’à présent on téléphonait au numéro habituel, le livreur sonnait à la porte, on mangeait notre pizza, sans jamais vraiment savoir d’où elle provenait, dans quelle ville alentour était située la boutique. Désormais, on sait tout. Quand on sort acheter le pain ou le journal, on passe devant l’échoppe et on se laisse affoler les papilles par la bonne odeur de la pâte au four.
Cette ouverture a attiré les curieux, comme charogne les vautours. Les gosses en bande, comptent leurs sous et se tâtent, investir dans une Margherita à la place d’un pain au chocolat, c’est beaucoup plus classe. Les petits vieux à la vue basse s’approchent au plus près, pour vérifier si c’est possible, la qualité des produits, intimidés par l’énergie qui se déploie en boutique à l’heure du coup de feu, téléphone qui sonne, mobylettes pétaradantes, éclats de voix.
Tous repartent avec un prospectus et des offres de réduction valable durant la semaine d’ouverture. D’ailleurs, un mot d’ordre semble circuler dans le secteur, « il faudra qu’on essaie pour voir ! »