Le 23 octobre dernier, L'Oréal annonçait ses engagements en matière de développement durable à horizon 2020, organisant dans la foulée son Forum "Réenchanter la consommation durable", réunissant ONG partenaires et entreprises pour partager leurs expériences.
Invitée à assister au débat, je craignais un bel exercice de com enrobée de greenwashing green icing. En même temps, j'avais en mémoire la récente enquête Global Green Brands sur le décalage entre la crédibilité des allégations vertes des 100 plus grandes marques mondiales et leurs performances réelles en la matière, avec une perception souvent faussée des consommateurs, aussi bien positivement que négativement. Or, L'Oréal s'avère une des marques les plus pénalisées, aux performances bien supérieures à ce que croient les consommateurs.
Trois éléments majeurs à retenir de ces engagements d'ici 7 ans
- L'ensemble des produits du groupe auront un impact environnemental ou social positif, avec un effort notamment sur des formulations moins impactantes (ressources renouvelables, moins d'eau utilisée, chimie verte...) et/ou un packaging mieux pensé.
- Empreinte environnementale réduite de 60% (60% de CO2 provenant des usines et centrales de distribution en moins par rapport à 2005, 20% de CO2 en moins pour le transport de produit par rapport à 2011, 60% de consommation d’eau et de production de déchet en moins par unité de produit fini par rapport à 2005, zéro déchet en décharge).
- Le profil environnemental et sociétal de tous les nouveaux produits seront rendus accessibles aux consommateurs, qui pourront participer à un comité consultatif de consommateurs pour influencer sur les actions développement durable du groupe.
Est-ce suffisant pour un groupe avec une telle force de frappe ?
Certes, le consommateur lambda (aussi bien chinois, russe ou français) se soucie bien plus du logo sur son produit cosmétique que ses ingrédients qu'il est de toutes les façons incapables de décrypter. Il est alors tentant pour un groupe où l'aura de la marque fait sa renommée en assurant ses ventes de ne pas imposer de choix trop radicaux. Mais tout de même. Je regrette l'absence de labels, avec des années références trop récentes (tel 2011 pour les transports!!!) et des aspects quantitatifs relatifs aux formulations et packaging bien vagues. Mention spéciale aussi aux infographies du site de L'Oréal totalement biaisées (et dans ce genre de contexte, ce n'est jamais un hasard, d'où la critique acerbe): l'échelle des abscisses n'est pas respectée, masquant en fait un net affaiblissement des courbes (et donc, des efforts) - la question de savoir si finalement, les objectifs 2020 ne sont pas presque atteints et auraient donc pus être poussés plus loin se pose.
Mais je veux rester positive car, finalement, le meilleur signe de ces engagements est peut-être la volonté du groupe de s'ouvrir aux parties prenantes, comme à l'occasion de ce Forum où j'ai pu ensuite poser quelques questions à la directrice RSE du groupe.
Entretien avec Alexandra Palt, Directrice Responsabilité Sociétale et Environnementale du Groupe L'Oréal
1. Qu'est ce qui a motivé la démarche de proposer une telle conférence? Quels en étaient les résultats/effets attendus?Comme vous le savez, nous avons annoncé le matin de la conférence nos engagements en matière de développement durable à horizon 2020. La consommation durable est au cœur de ces engagements, puisque nous voulons en 2020, donner à tous les consommateurs de produits L’Oréal la possibilité de faire des choix de consommation durables. C’est un engagement très ambitieux, qui répond à une problématique à laquelle l’ensemble des industries de consommation vont être confrontées dans l’avenir. Mais c’est un sujet complexe, sur lequel nous ne prétendons pas avoir toutes les solutions. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu rassembler les experts les plus pointus de ces questions au niveau mondial actuellement, nos cinq partenaires BSR, Futerra, Forum for the Future, Sustainable Brands et WBCSD, pour faire avancer en Europe et en France la réflexion collective sur le sujet, en invitant des experts RSE, des pouvoirs publics, des ONG, et s’inspirer ensemble en partageant des beaux exemples .
2. Tout au long de cette conférence, des entreprises, des ONG se sont exprimées, sauf L'Oréal (hors intro/conclusion): pourquoi un tel effacement de soi?
C’est un choix, l’idée n’était pas de nous mettre en avant, mais de partager un certain nombre d’exemples inspirants. Nous avons introduit et conclu, donc nous n’étions pas complètement en retrait non plus.
3. Parmi les entreprises qui sont intervenues, quelques-unes n'ont pu s'empêcher de vraiment s'auto promouvoir (notamment BMW qui a été jusqu'à passer sa publicité). Dans un contexte où même L'Oréal s'est mis en retrait, cela paraît maladroit. Aviez-vous établi un cadre d'intervention ou aviez-vous laissé au contraire une grande liberté sur le choix des sujets?
Nous avons voulu laisser la parole libre bien sûr, et l’idée était de partager ensemble des best practices, que nous avions identifiées comme telles, avec nos partenaires, sur le sujet. Donc je ne pense pas que cela était maladroit, nous voulions que chaque entreprise choisie présente ce qu’elle a fait de manière complète. Le cas BMW i est intéressant de la conception jusqu’à la communication au consommateur par le biais de la publicité.
4. Que retenez-vous de cette expérience?
Une expérience formidable, de voir des intervenants venus du monde entier apporter leur expertise et leur passion sur le sujet. Je suis pour ma part très heureuse d’encourager ces échanges, qui nous permettent de nous inspirer les uns les autres, par-delà les secteurs.
5. Si c'était à refaire, changeriez-vous d'emblée quelque chose à cette formule et quels nouveaux objectifs aimeriez-vous atteindre?
Nous ne changerions pas grand-chose. Nous avons atteint notre objectif de rassembler des experts RSE, des entreprises, des ONG, des représentants des pouvoirs publics, pour partager ensemble des solutions innovantes en matière de consommation durable.
6. L'expérience sera-t-elle réitérée?
Oui sans doute, nous aimerions poursuivre la réflexion, en prenant en compte les contextes culturels régionaux, par exemple en organisant des échanges en France.
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En mentionnant la possibilité d'organiser des échanges en France (dernière phrase), voilà peut-être le début de la véritable évolution du groupe. Instaurer un dialogue accroit considérablement les chances de se rendre compte à quel point le monde et les mentalités évoluent et attendent du changement : c'est souvent l'élément déclencheur le plus efficace pour opérer un changement de cap. Espérons.
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Site officiel des engagements DD du groupe: http://lorealcsr2020.com