On savait que l'immigration rapporte davantage à la France qu'elle ne lui coûte. Quelques temps avant la dernière campagne présidentielle, un rapport parlementaire avait ainsi tordu le cou à quelques fausses idées propagées à l'extrême droite de notre échiquier politique.
En juin dernier, l'OCDE insistait sur les "vertus fiscales de l'immigration": "les immigrés, en général, contribuent plus en impôts et en cotisations sociales qu'ils ne reçoivent de prestations individuelles".
Ces résultats, factuels, n'empêchent nullement les polémiques les pires ou les plus stupides se développer. Ces derniers jours, nous eûmes donc les énièmes sondages sur la remise en cause du droit du sol, comme si le "sang français" était plus noble que d'autres.
Manuel Valls, si fustigé à gauche pour sa pratique de l'expulsion de sans-papiers et ses propos à l'encontre des Roms, venait de concéder que le nombre de régularisations de sans-papier allait grimper de 10.000 personnes cette année, grâce aux circulaires de l'été 2012. On pouvait reconnaître qu'il y avait donc assouplissement, sans avoir besoin de bondir dans d'obscures comparaisons sur le nombre de régularisations avec Nicolas Sarkozy.
Moins connu, dans cette affaire migratoire qui divertit donc les foules de gauche à droite, est le "commerce de visas Schenghen". Car il s'agit bien d'un commerce. Jugez plutôt.
Depuis une décennie environ, différents pays européens ont ainsi créé un dispositif d'accueil de riches immigrés. La Grande Crise a accéléré le processus. On cherche l'investisseur, qu'il soit Chinois ou Russe. Du Portugal à la Lettonie, en passant par la France, les dispositifs répondent à la même logique: contre un investissement assez conséquent dans le pays d'accueil, l'immigré obtient pour lui et ses proches un visa de séjour.
Depuis juillet 2010, la Lettonie propose aux investisseurs l’acquisition d’un titre de
séjour européen pour une durée de cinq ans, valable dans l'espace Schenghen, contre 300 000 euros de dépôt minimum sur un compte à terme, ou 150 000 euros d'investissement mobilier ou immobilier.
Au Portugal, les autorités ont récolté 185 millions d'euros d'investissements étrangers en échange de permis de séjour, en quelque 13 mois à peine. Ces permis de séjour pour activité d'investissement, à "toute personne qui entre légalement sur le territoire portugais (titulaire de visas Schengen valables ou bénéficiant d'une exemption de visas), au pour transferts de capitaux, création d'emploi ou achat de biens immobiliers." Concrètement, ces étrangers doivent avoir opéré un transfert de capitaux de 1 million d'euros
minimum, acheté des biens immobiliers d'une valeur d'au moins 500.000
euros ou créé au moins 10 postes de travail, pendant au moins 5 ans.
En avril dernier, la Grèce a annoncé qu'elle accorderait des permis de séjour valides 5 ans et renouvelable, aux ressortissants étrangers achetant ou louant de l'immobilier pour plus de 250 000 euros. Particularité locale, ce visa ne permettra pas de travailler mais simplement de voyager jusqu'à 3 mois dans l'espace Schenghen.
En France, cette immigration professionnelle d'un genre spécial existe sous différente forme. Le statut "VIP" est la "Carte résident - contribution économique exceptionnelle". Il s'adresse aux ressortissants étrangers "qui s'engagent à effectuer sur le
territoire français un investissement d’au moins 10 millions d’euros et
à créer ou sauvegarder au moins 50 emplois. Ils obtiennent en
contrepartie une carte de résident d'une durée de 10 ans." Le statut de base abaisse à 300.000 euros le niveau d'investissement "fortement conseillé" pour obtenir un visa de résidence.
Des fonds se sont même créés pour collecter cette manne potentielle auprès d'investisseurs étrangers. Puis les replacer sous forme de prises de participations dans des entreprises. On arguera, comme hier avec les fameux fonds de pension américains, que tout cela contribue donc à l'emploi.
Au Portugal, d'après les Echos, ces 185 millions ont été recueillis auprès de 294 étrangers, dont ... 228 Chinois. L'un de ces fonds, Swiss Impulse, un groupe suisse de conseil et
d'investissement, explique: "Nous avons détecté de l'intérêt pour le visa Gold chez nos clients
asiatiques, car il leur permettrait de circuler et travailler librement
au sein de l'Union européenne. Pour eux, le visa Gold est un plus ".
Ces résultats sont à peine surprenants. Ils témoignent d'une situation de crise qui poussent à des commerces parfois improbables. Celui-ci, des visas Schenghen pour riches fortunés Chinois et leur famille, a quelque chose de surprenant quand on connait le sort des pauvres que l'on expulse par ailleurs.
A bon entendeur...