Voici, à titre de contribution à cet effort de commémoration, une copie du « Code paysan » juré par les quatorze paroisses bigoudènes à la chapelle du Tréminou au début du mois de juillet 1675.
Chacun en tirera les conclusions qu’il voudra sur les changements qu’apportent, ou non, les siècles. On pourra, par exemple, médier l'aphorisme qui veut que, quand l'Histoire joue deux fois la même pièce, la première version soit une tragédie et la seconde une comédie. Pour ma part je me contente de constater, pour m'en réjouir, qu’en trois siècles les mœurs se sont singulièrement adoucies : les insurgés modernes se contentent de fracasser les portes de la sous-préfecture de Quimper plutôt que la tête des Quimpérois.
Règlement fait par les nobles habitants des quatorze paroisses du Pais Armorique
Situé depuis Douarnenez jusqu'à Concarneau pour Estre observé inviolablement entre eux jusqu'à la feste de s. tMichel prochaine ».
Art. Ier : Que les dittes quatorze paroisses unies ensemble pour La Liberté de la province députeront six des plus nobles de leur paroisse aux États prochains pour y déduire les raisons de leur soulèvement, lesquels seront défrayer aux dépans de leurs communautés, qui leur fournira à chacun un bonnet et camizole rouge, un haut de chausse bleuf,avec le reste de l'équipage convenable à leur qualité.
Art. 2e : Qu'ils mettront les armes bas, et cesseront tous actes d'hostilité jusqu'audit tems par une grâce spéciale qu'ils font aux gentilshommes qui seront sommés de se rendre dans leurs maisons de campagne au plutost faute de quoy ils seront déchus de la ditte grâce.
Art. 3e : Que deffences seront faites de sonner le toquesin et défaire des assemblées d'hommes armes, sans le consentement universel de la ditte union à peine aux délinquants d'estre pendus au clocher, et aux séditieux ensemble d'estre passés par les armes.
Art. 4e : Que le droit de champar et de corvée prétendu par les gentilshommes sera aboly comme une tyrannie enemie de la liberté Armorique.
Art. 5e: Que pour affermir la paix et la concorde entre les dits gentilshommes et nobles habitants des dittes paroisses il se fera des mariages entre eux à condition que les filles de noble extraction choisiront leurs marys de condition commune ; qu'elles anobliront leur postérité qui partagera également entre elles lesdits biens de leurs successions.
Art. 6e : II est deffendu à peine d'estre passé par la fourche de donner retraite à la gabelle et ses enfants, ny de leur fournir à boire, ny à manger, ny aucune commodité, mais au contraire qu'il est enjoint sur les mêmes peines de tirer sur elle comme sur un chien enragé.
Art. 7e : Qu'il ne se lèvera pour tout droit que 5. Lfivres)par barrique de vin et trois livres pour celle du cru de la province, à condition que les hostes et cabaretiers ne pourront vendre que cinq sols, et trois sols la pinte du crû du pals.
Art. 8e : Que {'argent des fouages anciens sera employé pour achepter du tabac qui sera distribué avec le pain béni aux messes paroissiales pour la satisfaction des paroissiens.
Art. 9e : Que les recteurs curés et prestresseront payés pour le service de leur paroisse sans qu'ils puissent prétendre aucun droit de Dixmes,noualle,ou autre salaire pour toutes les fonctions curiales.
Art. 10e : Que la justice sera exercée par gens capables, choisis parmy les nobles habitants qui seront gagés avec leur greffier, sans qu'ils puissent rien prétendre pour leurs vacations, des dittes parties sur peine de punition corporelle et le papier tymbré sera en exécration à eux et leur postérité, que pour cela tous les actes passés sur iceluy seront transportés sur d"autre papier et seront par après bruslé pour en effacer entièrement la mémoire.
Art. 11e : Que la chasse ne sera deffendue à qui que ce soit depuis le premier octobre, jusques au premier de mars, et que les fuyes et colombiers seront rasés, et permis de tirer sur les pigeons de campagne.
Art. 12e : II sera loisible d'alleraux moulins que l'on voudra, et que les meuniers seront contraints de rendre autant de farine au poids du bled.
Art. 13e : Que la ville de Quimperet autres adjacentes seront contraintes par la force des armes, d'aprouver et ratifier le présent règlement, a peine d'estre déclarés énemis de la liberté armorique,et leurs habitants punis ou ils seront rencontrés et deffences de leur porter aucune denrée ny marchandise jusqu'à ce qu'ils ayent satisfait, à peine de Torreben,qui est à dire Casseteste.
Art. 14e : Que le présent règlement sera lu et publié aux prosnes des grandes messes et par tous les carrefours des paroisses, et affiché aux croix qui seront proche ».
Torreben et les habitants.
CHAMBOLLE