Bien que concernant l’un des personnages principaux du livre, chaque lecteur que nous sommes peut s’identifier à ces quelques phrases.
Mamoune , grand-mère de Jade, est sur le point d’aller vivre en maison de repos sur les conseils on ne peut moins intéressés de ses filles. Se refusant à l’idée d’abandonner sa grand-mère au sein d’une structure dénuée de vie, Jade vient chercher Mamoune pour lui proposer de venir vivre avec elle à Paris. Voyant en sa petite fille son sauveur et la solution pour échapper à un destin forcé et non voulu, Mamoune ne se fait pas prier, fait ses valises et part à la conquête de la capitale.
Tout d’abord gênée d’envahir le quotidien de Jade et ayant peur d’être un poids, Mamoune veut tout faire pour se rendre utile et remercier autant que possible cette petite fille bénie venue lui offrir un renouveau auquel n’importe quelle personne de quatre-vingt ans n’oserait rêver, persuadée que leur vie est derrière eux.
Jade, quand à elle, après quelques questionnements et appréhensions quand à sa décision de venir faire vivre sa grand-mère en pleine jungle parisienne, découvre une Mamoune sous un autre jour. Une grand-mère sentant toujours aussi bon la violette et ayant des bras aussi chaleureux que pendant ses années d’enfance, mais aussi une femme, lectrice passionnée depuis des années, contrainte de cacher cette passion aux yeux de tous, la lecture étant à l’époque dans les campagnes un loisir réservé aux riches.
Mamoune propose même son aide à Jade lorsqu’elle apprend que sa petite fille à écrit un roman, malheureusement refusé à la publication par plusieurs maisons d’édition.
De part ses annotations et ses réflexions sur ses attentes de lectrices, Mamoune tente de faire ouvrir les yeux à Jade pour que son écrit devienne le roman qu’elle ne soupçonnait pas émerger.
Les semaines et les mois se suivent ainsi, Jade occupée entre son travail de journaliste, les corrections de son roman et ses nouveaux émois avec Rajiv, indien au sourire ravageur rencontré dans le métro, et Mamoune, qui, se redécouvrant une nouvelle jeunesse, cherche un éditeur pour Jade et tente tant bien que mal d’apprendre à manier l’outil informatique.
Malgré les incompréhensions de certains proches sur son choix de vivre avec une personne de quatre-vingt ans, Jade s’épanouit aux côtés de cette grand-mère adorée. La collocation se passe à merveille et entre la jeunesse de l’une et l’expérience de l’autre, on ne peut que se demander pourquoi nos choix de vies ne nous font pas prendre la même décision que Jade.
Ce livre est une ode à la lecture, à l’écriture et surtout à la vie.
Un roman aussi sur la considération et le respect des personnes âgées, sur leur envie de vivre à l’heure où beaucoup les considèrent pour morts. Ce livre, dont la fin laisse sans voix et fait réfléchir, peut être est un de ces moments importants dans la vie d’un lecteur, un livre sur lequel on peut s’arrêter et se pencher, un livre qui ne peut laisser indifférent de part ses mots justes et poignants et de part l’émotion qui s’en dégage.
« La vie est une salope qu’il faut chérir de toutes ses forces. Vis ma fille, prends le bonheur dans chaque instant et pleure les morts sans les rejoindre si ce n’est pas encore ton heure, c’est la moindre des dignités. »
La Grand-mère de Jade, Frédérique Deghelt. Actes Sud, 2009. Babel, 2012.
Article également publié sur le webzine culturel Café Powell (http://cafe-powell.com/)