Pour tous les opposants de cette inégalitaire¹ réforme (rose) des retraites, qui fait-elle même suite seulement trois ans après à la même en bleu sous le règne sarkozyste, et dont on nous avait déja dit qu’elle serait la dernière (donc jusqu’à la prochaine… en pire, pour la plus grande rancoeur des générations sacrifiées sur l’autel de l’austérité), le fait que le Sénat ait rejeté ce texte si déséquilibré peut ressembler à une victoire. Je rappelle cependant qu’elle n’est que bien faiblement symbolique , malgré les chants d’allègresse des uns et des autres ², dans la mesure où comme chacun sait (du moins ceux qui connaissent le circuit des lois), ce sera l’Assemblée Nationale qui aura le dernier mot. Aussi, je trouve particulièrement opportun d’attirer l’attention de tout un chacun sur la lettre aux députés abstentionnsites publiée par Médiapart hier, dont voici l’intégralité, et que je vous invite à partager le plus largemnt possible de manière à contaminer utilement la toile de nos idées et de notre beau combat :
Mesdames, Messieurs les Député-e-s
Le 15 octobre, vous avez été parmi les 47 députés de gauche à s’abstenir lors du premier passage à l’Assemblée nationale de la réforme du système de retraites. Grâce à votre vote, et aux votes contre de vos collègues du Front de Gauche, la réforme n’a pas obtenu la majorité absolue.
Depuis, le Sénat s’est unanimement opposé à cette réforme. Lorsqu’elle reviendra à l’Assemblée, vous aurez donc le pouvoir de la mettre en échec pour de bon. C’est dire si votre vote sera d’importance. Nous savons en effet que sur le fond votre abstention signifie un désaccord avec cette réforme.
Nous n’avons donc pas besoin dans cette lettre de vous dire à quel point cette réforme constituera une régression sociale.
Nous reviendrons cependant sur quelques points que ceux de vos collègues socialistes qui ont voté favorablement seraient bien avisés de se rappeler également avant leur vote. Il n’est pas interdit de changer d’avis surtout quand la cause est juste et correspond aux valeurs de la gauche.
Si cette réforme passe, elle entérine du coup la réforme Fillon qui mettait fin à la retraite à 60 ans. Or, si Nicolas Sarkozy a décidé de faire voter cette réforme coûte que coûte malgré une mobilisation populaire inédite, nous ne doutons pas que cela a contribué à sa défaite et donc à l’élection de François Hollande et de nombre de députés de gauche. Voter cette loi, c’est donc en quelque sorte donner une victoire a posteriori à Nicolas Sarkozy et causer une nouvelle défaite à la majorité qui s’est exprimée le 6 mai 2012.
Si cette réforme passe, vous feriez partie de la première majorité gouvernementale à faire reculer l’âge de la retraite. Une triste première. S’il fallait se convaincre que l’allongement de la durée de cotisation vaut en effet recul effectif de l’âge de départ à la retraite, il suffit de se reporter aux écrits de François Hollande lui-même. Dans le document qui retrace la «stratégie de politique économique de la France» envoyé le 1er octobre à Bruxelles, le président de la République reconnaît en effet que l’âge de départ à la retraite va faire un bond suite à l’allongement à 43 annuités de la durée de cotisation en 2035 : « A terme, un assuré qui débute sa carrière à 23 ans (c’est la moyenne en France) ne pourra partir à la retraite au taux plein qu’à partir de 66 ans. Ainsi, l’âge légal de départ est maintenu à 62 ans, mais l’âge effectif de départ à la retraite, qui constitue le critère déterminant au regard de la soutenabilité des finances publiques, devrait augmenter mécaniquement » écrit-il. Il est vrai qu’il convient de rassurer la Commission européenne qui avait fait de ce recul une des conditions pour assouplir pendant deux ans la règle d’or budgétaire. Mais au moins chacun, à commencer par vous, est ainsi prévenu de l‘objectif réel de cette réforme.
Enfin, si cette réforme passe, votre majorité gouvernementale aura, comme celle qui a permis les réformes Balladur puis Fillon, contribué à augmenter le chômage, à aggraver les conditions de vie et de santé des travailleurs, à baisser le pouvoir d’achat des retraités sans assurer la sauvegarde de notre système puisqu’elle refuse de toucher au coût du capital et à la politique d’austérité largement à l’origine des déficits des comptes sociaux. Elle aura également contribué à pénaliser plus lourdement les femmes, alors que les inégalités de pension entre les sexes sont déjà très importantes et que le gouvernement affirmait vouloir les réduire. En effet, tout allongement de la durée de cotisation a des effets disproportionnés sur les femmes et entraine une baisse plus forte du montant de leur pension, comme le reconnaît la Commission européenne elle-même dans un rapport récent sur les inégalités de pension entre les sexes.
Monsieur le Député, Madame la Députée, le gouvernement que vous appuyez recule beaucoup depuis quelques mois : devant les « pigeons », les lobbies agro-industriels en Bretagne, le Medef. Il ne serait pas déshonorant, au contraire, de tenir compte de ceux et celles qui lui ont permis d’être là et aussi les milliers de salariés-es, retraités-es, qui se sont mobilisés à l’appel d’organisations syndicales pour que l’ensemble des salariés-es ne subisse pas cette nouvelle contre réforme. Non seulement c’est à eux que vous devez votre mandat mais c’est aussi les revendications de ceux et celles qui luttent que vous devez entendre. Elles épousent l’intérêt général bien plus sûrement que la politique libérale malheureusement toujours en cours. C’est pourquoi nous vous demandons d’envoyer un signal fort en allant jusqu’au bout de vos idées.
Transformez votre abstention en vote contre et cette réforme ne passera pas. Cela vous permettra non seulement d’être fidèle aux aspirations majoritaires de nos concitoyens en mai et juin 2012, mais aussi de produire un électrochoc qui ne pourra être qu’utile pour la gauche et l’engager, qui sait, sur d’autres chemins que celui qui conduit, si l’on ne fait rien, à des défaites à venir.
Monsieur le Député, Madame la Députée, votre vote sera à bien des égards décisif. Il est temps de dire non. Nous espérons vous avoir convaincu.
Eric Coquerel (PG), Annick Coupé (Solidaires), Isabelle de Almeida (PCF), Guillaume Floris (GA), Pierre Khalfa (Copernic), Alain Lipietz (EE-LV), Christiane Marty (Attac) sont membres du Collectif unitaire Retraites 2013.
A l’heure où les idées rétrogrades (sous couvert d’une apparente modernité) et récessives pour nos droits de Mrs Gattaz fils et Geoffroy Roux de Bézieux triomphent sans partage, largement soutenues par ce gouvernement plus centriste que gauchiste, il me semble plus qu’urgent de marquer un coup d’arrêt à une logique libérale qui ne nous grandit pas, et dont bien des travers, par delà cette réforme, sont rappelés et sérieusement argumentés dans cette lettre, hautement utile et nécessaire. A vous de la porter également. Pour notre intérêt collectif plutôt que celui d’une oligarchie qui est en train de confisquer nos pouvoirs populaires.
Ensemble, agissons.
(à ce propos, vous pouvez interpeller votre député conformément à l’esprit de cette lettre, en utilisant l’outil (pratique et simple) suivant, sur le site d’Attac : formulaire d’envoi. (merci à Politis et à son article qui nous ont mis sur la bonne voie).
¹ d’autant plus inégalitaire qu’elle provient d’un gouvernement qu’on qualifie dans les rangs non informés de gauche, alors qu’il apparait de plus en plus de droite, tendance centre libéral. Rappelons que le volet pénibilité a en outre été expurgé du texte… Un cache-sexe et un alibi social qui disparaissent eux aussi, laissant le roi bien nu….
² Bien que je les partage en partie, cela va de soi. Mais.