Hacène Haddad, président du FNI entre Mohamed Loukal (BEA et Jean-Laurent Granier (AXA)
La décision la moins attendue de la dernière tripartite a été la constitution d’un groupe de travail chargé de « proposer les modalités de contribution du Fonds National d’Investissement (FNI) au financement de l’investissement national public et privé ». Le FNI, actif mais discret, est appelé à passer à la vitesse supérieure.
Le FNI revient sur le devant de la scène économique où son action, loin d’être négligeable ces dernières années, est restée entourée d’une grande discrétion. Salué lors de sa création en février 2009 comme le « Fonds souverain algérien », que beaucoup de professionnels appelaient de leurs vœux, le FNI a été doté, dès son origine, d’un capital conséquent de 150 milliards de dinars (1,5 milliard d’euros), auxquels sont venus s’ajouter 75 milliards de dinars supplémentaires attribués par la loi de Finances 2010. Ce fonds d’investissement d’Etat est vu par les responsables algériens de l’économie comme un instrument privilégié de la « politique de l’offre » mise en œuvre par les pouvoirs publics à travers l’encouragement des secteurs identifiés comme stratégiques et porteurs de croissance. Une vocation qui l’éloigne a priori de la définition usuelle des fonds souverains et le rapproche davantage des modèles de la Caisse de dépôts française ou de la CDG marocaine.
Le secteur public d’abord
Sur plus de trois années, les premières activités du FNI ont déjà mobilisé près de 2 milliards d’euros. L’institution a pris, dès 2009, une part importante dans le financement de plusieurs projets pétrochimiques avant de contribuer, surtout depuis le début 2011, aux programmes d’investissements de nombreuses entreprises publiques. Sur ce registre, les interventions les plus importantes du FNI ont porté notamment sur le renouvellement de la flotte d’Air Algérie, la contribution au plan de croissance de Cosider, première entreprise de travaux publics du pays ; ou encore, plus récemment, à l’ambitieux programme de développement du champion national de l’industrie pharmaceutique, Saidal, qui doit se traduire par des prêts à long terme estimés à plus de 100 millions d’euros. La liste est loin d’être exhaustive.
Après Tonic et AXA, au tour de Michelin….
En marge de ces nombreuses actions de financements de grandes entreprises publiques réalisées avec une certaine discrétion, le FNI a été projeté sur le devant de la scène économique nationale en raison de prises de participation spectaculaires dans des entreprises privées. Le FNI est ainsi intervenu, aux côtés de la BEA et du groupe AXA, dans l’accord de partenariat qui a permis au numéro un mondial de l’assurance de s’installer en Algérie. C’était la première prise de participation du FNI dans le capital d’un projet d’investissement réalisé en partenariat avec une entreprise étrangère. Le fonds public y dispose d’une minorité de blocage de 30%. Le FNI a été, quelque mois plus tard, l’instrument majeur d’un plan de sauvetage du papetier privé Tonic emballage, en situation de faillite depuis 2009. Un dossier empoisonné qui avait conduit à l’incarcération des anciens propriétaires de l’entreprise ainsi que de plusieurs banquiers. L’intervention du FNI a permis tout d’abord de faire tourner à nouveau les machines d’un complexe de création récente qui employait plus de 4000 personnes. Elle avait en outre l’avantage de soulager la BADR, une des six banques publiques du pays, qui y avait injecté, au mépris des dispositions prudentielles légales, le montant colossal de 65 milliards de dinars (650 millions d’euros). Cette « belle série » d’interventions en tant que bras financier de l’Etat pourrait se poursuivre dans les mois à venir via la reprise des actifs du groupe Michelin en Algérie sur lesquels le gouvernement a manifesté l’intention d’exercer son droit de préemption.
Un bilan insignifiant dans le privé
La contribution du FNI au développement du secteur privé national reste le principal sujet de controverse. Au vu des informations disponibles, l’essentiel des ressources du fonds est allé au financement des entreprises publiques en conformité avec la priorité franche réservée à ces dernières par les orientations de l’exécutif. Les statuts du FNI prévoient pourtant clairement qu’il finance « le développement de l’investissement productif » sans distinction de statut. Bien avant la dernière tripartite, des voix se sont élevées au sein d’associations patronales et dans le secteur bancaire privé pour demander une contribution plus active du FNI à la dotation des entreprises privées nationales en fonds propres ou sous forme de prêts à long terme. Cette intervention du fonds public serait, selon de nombreux opérateurs, de nature à stimuler le développement de nombreuses entreprises privées en leur permettant de grandir en proposant des projets « bancables » aux institutions financières classiques. C’était en principe l’objectif de l’instruction donnée par un célèbre Conseil des ministres réuni en février 2011.Il enjoignait pour la première fois au Fonds national d’investissement d’intervenir sous forme de prise de participation dans le capital d’entreprises privées jusqu’à hauteur de 34%. Pour l’heure aucun bilan n’est disponible. Mais l’on sait déjà que le nombre de dossiers traités est insignifiant.
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