Le manifeste des « 343 salauds » déchaîne les prohibitionnistes
Publié Par Alain Cohen-Dumouchel, le 7 novembre 2013 dans Sujets de sociétéUn incroyable déchaînement de violence verbale s’est produit contre le manifeste des « 343 salauds ».
Par Alain Cohen-Dumouchel.
La gauche dirigiste face à ses contradictions
La gauche au pouvoir, veut depuis plusieurs années pénaliser la prostitution. Elle a essuyé à ce sujet de nombreuses critiques venant de son propre camp comme de celui des prostituées qu’elle prétend défendre contre leur volonté.
En effet, si l’on considère que le sexe-plaisir n’est pas une activité dégradante ou perverse – position que l’on serait en droit d’attendre d’une vraie gauche progressiste – alors l’argumentaire des prohibitionnistes est totalement inconsistant et incohérent.
Si, en revanche on considère que le sexe est réservé à la procréation, que les jeux sexuels et la multiplicité des partenaires sont en soi moralement condamnables, alors la position de la « gauche » (qu’il faut désormais mettre entre guillemets) devient intelligible et rejoint celle de la droite cléricale et paternaliste. La position des prohibitionnistes « de gauche » n’était donc pas très confortable.
Le manifeste des 343 salauds, une aubaine pour les prohibitionnistes
Coup de chance pour cette « gauche » devenue réactionnaire, le magasine Causeur publie un « manifeste des 343 salauds » qui prend fait et cause pour la prostitution librement consentie en affirmant :
chacun a le droit de vendre librement ses charmes – et même d’aimer ça.
Les rédacteurs prennent soin de préciser :
Nous n’aimons ni la violence, ni l’exploitation, ni le trafic des êtres humains. Et nous attendons de la puissance publique qu’elle mette tout en œuvre pour lutter contre les réseaux et sanctionner les maquereaux.
Le texte du manifeste est donc difficilement critiquable si l’on s’en tient strictement à son contenu mais (quelle aubaine !) il est ratifié par une liste de personnalités « nauséabondes » (dixit Nicolas Bedos, primo-signataire repenti).
Ouf ! plus besoin d’argumenter sur le texte lui-même puisqu’il a été signé par Éric Zemmour, Yvan Rioufol et Basile de Koch. La présence de ces quelques figures de la « droite décomplexée » suffit à prouver que la cause est mauvaise en vertu de ce principe subtil : « quand quelqu’un de détestable dit qu’il pleut, c’est sûrement qu’il fait beau ».
Un déchainement de violence et de médiocrité
C’est donc à un incroyable déchaînement de violence verbale qu’on assiste sur la toile. Un site aux méthodes vomitoires permet ainsi de traiter les signataires de « connards » sur twitter. Pas une explication, pas un mot, juste une plateforme d’insultes.
Laurent Joffrin de son côté signe un article intitulé « Le manifeste des 343 crétins« . Comme le laissait présager l’usage des insultes, l’article est d’une grande médiocrité. Il utilise tour à tour le procès d’intention et la récitation sans intelligence des grands poncifs prohibitionnistes.
En quelques mots tout est dit : les prostituées sont volontaires et les clients, dès lors qu’ils paient, ont le droit de consommer en paix.
écrit Laurent Joffrin. Où donc est-il mentionné dans ce manifeste de vingt lignes que les prostituées sont toutes volontaires ? Pure invention !
S’ensuit l’inévitable couplet sur la nécessaire pénalisation de la prostitution au prétexte qu’elle est majoritairement aux mains de réseaux mafieux. Si on suit ce brillant raisonnement, l’immigration, qui est majoritairement aux mains de réseaux mafieux, doit être interdite.
Dans la même veine, Chantal Jouanno affirme que « les « 343 salauds » sont complices des réseaux de traite ».
Outre son caractère diffamatoire, ce slogan se réfère à un autre vieil argument, aussi stupide que le précédent. En quoi le fait que des esclavagistes obligent leurs victimes à effectuer un travail donné condamne-t-il ce travail ? Parce que les esclavagistes obligeaient les noirs à cultiver la canne à sucre, il faudrait interdire la culture de la canne à sucre et pénaliser les consommateurs ?
L’anti-esclavagisme consiste à reconnaitre la propriété des individus sur leur corps
Mme Najat Vallaud-Belkacem, chef de file des prohibitionnistes, détient la palme du cynisme et de la mauvaise foi quand elle reprend pompeusement l’un des slogans que l’on retrouve un peu partout sur les réseaux sociaux :
Les 343 salopes réclamaient en leur temps de pouvoir disposer librement de leur corps. Les 343 salauds réclament le droit de disposer du corps des autres.
Désolé pour votre ego Mme Belkacem mais c’est justement le droit de disposer de leur corps que vous voulez retirer aux prostituées. L’anti-esclavagisme consiste à reconnaitre la propriété des individus sur leur corps et sur les fruits de leur travail. C’est bien parce qu’ils/elles possèdent cette propriété pleine et entière que les prostitué(e)s peuvent vendre un service et non « leur corps » comme on l’entend souvent.
Les « 343 salauds » n’ont jamais réclamé le « droit de disposer du corps des autres », ils réclament celui d’acheter un service à des personnes libres, respectables et pleinement propriétaires de leur corps. Ils sont (cette fois-ci) dans le camp de la liberté et vous êtes (trop souvent) dans celui, immémorial, des esclavagistes.
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