Je suis à la maison. Je suis une maman qui cherche du travail. de chez moi. Donc je suis à la maison. Je suis une femme au foyer? non. je cherche du travail. Le matin, je me lève, je m’habille comme pour aller travailler, pas juste pour aller déposer mes filles à l’école. Je mets du rouge à lèvres, tous les jours. Le regard des autres? Je vois toutes ces mamans qui arrivent en tenue décontractée, parce qu’elles iront faire leurs courses, voir leurs copines, s’occuper de leur foyer, puis revenir chercher leur tendre progéniture. Non je ne suis pas de celles-là. Je vois celles qui arrivent en working outfit, pressées et impatientes d’y aller, mais à qui leurs kids manquent déjà. Ces enfants-là iront directement à la garderie, leur goûter est précieusement rangé dans leur cartable. Je ne suis pas de celles-là non plus. Je vois celles qui sont déjà en running outfit, sans complexes, sans craintes du qu’en dira-t-on, "t’as la belle vie poulette, et tes cuisses aussi". Je ne suis pas de celles-là non plus. J’aimerais aller faire mon sport sans culpabiliser de ne pas chercher du boulot à temps plein. J’aimerais aussi cuisiner, faire les courses, faire les boutiques, luncher, sans culpabiliser de ne pas envoyer de CV. J’aimerais aussi partir pleine d’entrain avec un objectif identifié, précis, m’épanouir professionnellement, avec l’idée de retrouver mes tigresses chéries à la fin de la journée. "Pour une bonne raison". Mais ça ne vient pas. ça viendra qu’on me dit. Je sais, que je dis,…mais c’est long, 4 mois,…
Mais je ne suis ni l’une ni l’autre (décidement Stromae tu me suis partout…). Ni travailleuse, ni mère au foyer, ni runneuse, ni glandeuse, ni casual.
Je cherche du boulot intensément chez moi, mais je commence tous les jours par ranger, nettoyer. Le temps du café avec les collègues, je me rassure moi-même. Je pense à me faire greffer un balai à mon bras et pouvoir le téléscoper comme l’inspecteur gadget. Gogo-Balai, je suis l’inspectrice Ménage de ces lieux. Je suis le phénix du haut de ces boi(te)s, je me régénère sans cesse. Si mon bagage pro se rapportait à mon plumage, je serais Manager, Responsable, Directeur. Mais je ne le suis pas, je suis là, derrière mon Mac, à harceler les décideurs. "La force d’une femme n’est pas dans ce qu’elle dit, mais le nombre de fois…." comme j’aime à le répéter. Parfois, si l’envie m’a pris de changer de tenue, je me cache pour que les maîtresses et les parents ne remarquent pas que je suis repassée par chez moi et me désapprouvent du regard de laisser mes enfants à la garderie. Mes filles y vont maintenant. Sans se poser de questions. Sauf moi. Parfois oui, parfois plus, parfois moins, parfois pas du tout, parfois trop.
Je prends des babysitters pour aller à des évènements, je déjeune en culpabilisant de payer la note au lieu de manger chez moi gratuitement. Je ne fais plus de shopping car une femme au chômage ne devrait pas en faire. Je ne glande pas en ville, je ne prends pas de café sur les terrasses avec les copines. J’ouvre mon courrier, épluche les factures, me demande quand je vais pouvoir toutes les payer, classe ou supprime les lettres de refus. Je réponds à des mails pendant que mes filles regardent Princesse Sofia. A mes enfants, je dis que Maman a du travail. Ni vrai ni faux.
J’hésite à mentir sur mon degré d’expérience, ma séniorité. Je penche pour cacher que j’ai été indépendante pendant 3 ans, même si c’est louable. J’ai fini par enlever "2 enfants" de mes infos personnelles sur mon CV. C’est ma vie, pas celle de l’employeur. Je ne veux plus me justifier sur mes horaires éventuels, sur mes projets de maternité, sur mon mode de garde. Je suis fatiguée de faire peur, de voir dans les yeux du recruteur "mais dans quelle case vais-je la mettre?". Je prépare mes tenues working-friendly, et d’autres fois j’alterne avec une tenue fashion-casual-friendly. J’oscille, j’hésite, je décide, j’avance, je balance, je réfléchis puis j’arrête, j’assume et j’avance encore.
Portrait d’une maman au chômage.