Je vous le disais cet été lors de la rédaction de mon billet compte rendu sur le spectacle de l'humoriste Thierry Marquet, faute de regarder la Télévision régulièrement (en même temps, vous l'admettrez vous même, je pense, je ne peux pas tout faire non plus) , je n'ai pas vraiment assisté à l'éclosion de tout un tas d'humoriste grâce à l'émission "On ne demande qu'à en rire", (ONDAR pour les habitués), cette fameuse émission produite -et présentée au départ en tout cas- par Laurent Ruquier et difusée à 18 H sur France Television.
Cette émission, qui a connu une bien belle audience, du moins les deux premières raisons, a vu le triomphe de plein de comiques auparavant méconnus du grand public, dont le plus illustre et celui qui a le plus profité de l'impact de cette émission est , sans doute avec son comparse Arnaud Tsamère, avec qui il est très proche, l'humoriste Jérémy Ferrari. Il s'est fait fortement remarqué dès ses premiers passages, et reconnu pour son humour noir très provocateur, et devient vite un habitué du programme, qui le sacre même humoriste de l’année 2012.
Si j'ai beaucoup, depuis qu'il est passé de nombreuses fois à ONDAR, entendu parler de lui, et très souvent en des termes élogieux, je n'avais encore jusqu'à présent jamais eu l'occasion de voir ce qu'il faisait. Et comme je préfère largement voir les comiques sur scène qu'à la TV, où ils donnent généralement qu'un infime aperçu de leurs talents, j'ai attendu que sorte le DVD de son dernier spectacle pour juger sur pièces. J'avais plutôt des a prioris positifs (ah, ces fameux a priori), vu qu'il excelle dans une veine d'humour (l'humour noir) que j'affectionne tout particulièrement, et la vision de son spectacle n'a fait que confirmer cette bonne impression de départ.
Ce DVD, qui sort dans le commerce, hier mercredi 6 novembre ( édité par France Télévision Distribution), est en fait la retransmission de son spectacle que Jérémy Ferrari joue sur scène depuis maintenant 3 ans et qui s'appelle « Hallelujah Bordel ! », un spectacle dont il est l’auteur et le metteur en scène ( une multitude de talents réunis dans une seule et même personne, c'est déjà très rare pour être souligné).
Contrairement à pas mal de spectacles comiques actuels qui se contentent à être un stand up sur le quotidien des humoristes ( en même temps j'aime plutot ca quand c'est bien fait), Hallelujah Bordel part d'une vraie ambition et développe un projet autour d'une idée singulière et très périlleuse sur le papier. En effet, dans ce spectacle de près de 2 heures, Jérémy Ferrari, athé convaincu, se propose de décrypter, toujours de manière sarcastique et originale les textes sacrés des trois grandes religions monothéistes (le Coran, des Evangiles et de la Torah), ainsi que l’actualité insolite des religions.Il met ainsi en lumière les absurdités et les contradictions des textes sacrés. Ferrari va notamment nous convier à une lecture de la Bible très particulière et en même temps assez formidable d'humour et d'intelligence ( sa vision du sacrifice d'Abraham est ainsi à la fois tordant et terrifiant en même temps) .
L'humoriste va également nous démontrer que les premiers temps de l'humanité ne furent pas vraiment une partie de déconne, surtout pour les femmes. Et évidemment, de façon maligne et sans manichéisme aucun (ou très peu), il nous ramène aux questions actuelles des communautarismes. Mais s'il arrive à aller sur ce chemin là sans faire preuve de raccourci et de clichés, c'est qu'il a vachement bossé son sujet, le bougre... visiblement, il s'est plongé dans la lecture des 3 livres sacrés, et a rencontré également prêtres, rabbins et imams pour avoir toutes les réponses qu'il était venu chercher.
Jérémy Ferrari, devant l'incrédulité du public devant certains passages (celui notamment sur l'interdiction aux messes des personnes aux testicules broyées), il se plait alors à brandir les ouvrages et se propose de les soumettre au public, pour qui veut vérifier les passages qu’il a soigneusement surlignés.
Le résultat est une réussite indéniable, et dans l'écriture et dans la façon de jouer de Ferrari, qui affiche une aisance scénique et un capital sympathie assez ahurissant. Remarquable comédien, Ferrari possède un métier consommé pour jouer avec les ruptures, et il sait utiliser habilement des silences et des disgressions toujours bienvenues. Et cette captation démontre la réelle complicité qu'il existe entre Ferrari et son public, un public qui jubile visiblement de ce coté politiquement incorrect qui, reconnaissons le, fait du bien dans cette société de plus en plus consensuelle et policée. La fin de ce spectacle impertinent, hilarant et évidemment éminenement provocateur, est excellente, avec l'arrivée de l'Abbé Pierre au paradis devant Jérémy Ferrari en Dieu le Père.
Et en complément de cette excellent spectacle Hallelujah Bordel, Jérémy Ferrari publie aux éditions le Passeur ( sorti le 17 octobre dernier), un ouvrage du même nom que j'ai pu découvrir ( j'ai même reçu une édition dédicacée de sa part, la grande classe), dans lequel il continue de s’attaquer aux extrémismes religieux et qu'il faut lire comme un complément idéal aux !
Le livre regroupe les articles de presse les plus scandaleux, les déclarations de représentants religieux les plus incroyables, et les textes sacrés les plus absurdes. L’ensemble est scénarisé par Jérémy Ferrari, et illustré par le magnifique coup de crayon de Ludovic Févin, qui fait pas mal penser à l'univers de Tim Burton
On est donc donc projetés dans un univers sombre et onirique de par les dessins, et en même temps car c'est Jérémy Ferrari aux textes, toujours aussi, acide et hilarant, un univers dans lequel l’humour noir se mêle à la plus étonnante des réalités religieuses, dans des histoires inattendues mais uniquement tirées de faits réels.
Jérémy Ferrari ne se contente pas de recopier les textes de son spectacle (à un ou deux élements prets), puisqu'on y trouve des histoires inédites tirées des articles de presses illustrées. Un peu plus dispensable et un peu moins percutant que le spectacle, certainement, mais tout de même un bon (et court) moment de lecture.
En tout cas, avec ce livre et surtout ce DVD, la preuve que l 'étiquette de successeur de Pierre Desproges qu'on a très vite collé à Jérémy Ferrari (appellation qu'on a tendance à plaquer à presque tout les comiques un tout petit peu irréverencieux depuis 30 ans) n'est est peut - être pas pour le coup totalement usurpée!