Trucks et tracks 2013 Ivan Messac
Au moment où Ivan Messac présente à la Villa Tamaris à La Seyne sur mer sa nouvelle exposition "From me to you", c'est une mise en perspective sur quarante ans qu'il est possible de réaliser.
Son passage inattendu par la sculpture n'a pas fait perdre au peintre ses marques. Car, dés la fin des années soixante, le benjamin de la Figuration narrative a posé les termes d'une réflexion qui garde aujourd'hui toute sa pertinence.
Peinture, photographie, couleur forment un triangle de forces au sein duquel Ivan Messac a développé une pensée à travers l'image. Les toiles des années soixante dix n'ont pas vieilli, ont gardé une fraîcheur et une actualité que pourraient envier beaucoup d'autres peintres.
Chromatisme et politique
Déjà en 1977, Ivan Messac proposait dans Opus international une analyse : "Chromatisme et politique". Voilà une question pouvant faire l'objet de bien des études, de nombreuses thèses . " La couleur n' a pas que des effets propres, elle peut être le siège de fonctions culturellement acquises. Elle n'agit pas seulement sur le comportement de notre organisme, elle tend aussi à nous maintenir dans un certain type de rapport au monde" écrit-il.
Le peintre, tout au long de son itinéraire et de ses recherches, s'est employé à libérer l'artiste des formatages, des simplifications manichéistes auxquels les pesanteurs sociologiques et politiques réduisent les couleurs.
"L'enlèvement d'une Sabine" série La couleur découpée 1974/1976 Ivan Messac
Avec ce qui doit être, j'imagine, une certaine jubilation, Ivan Messac a joué, d'une série à l'autre, sur ce rapport entre photographie, peinture et couleur. De la série "La couleur découpée", (1974-1976) à la série "Trucks et tracks" (2013), c'est un aller-retour permanent entre réel et peinture qu'effectue un artiste toujours prêt à s'interroger sur ce mystère de la représentation.
Au sujet de son aîné et frère d'armes Gérard Fromanger, Michel Onfray écrivait: «(Il) résout les contradictions et pulvérise les vieilles apories : la peinture impossible depuis la photographie ? Sûrement pas… La peinture à nouveau possible avec la photographie. Pas en ennemie, mais en amie. Pas en adversaire, mais en complice asservie pour sa peinture. Pour la peinture. » Ce texte s'appliquerait avec la même justesse à Ivan Messac.
Juste une image
Certains, amateurs exclusifs de peinture-peinture, ont parfois fait le reproche à la Figuration narrative d'un manque d'épaisseur, de charnel, bref d'un manque de plexus au seul profit du cortex. Assurément, c'est bien d'image qu'il est question et non pas d'une gestuelle propre à un Tapiès ou à un Pollock. Mais c'est à l'intérieur de l'image elle-même que se situe le champ dans lequel s'affrontent les valeurs de notre époque, les forces contradictoires des références culturelles antagonistes. Au temps de l'image dominatrice, la responsabilité du peintre dépasse l'expression de son univers intime pour se confronter à cette clef de voûte idéologique qu'est l'image.
L'oeuvre d'Ivan Messac trouve, me semble-t-il, son importance dans ce positionnement permanent, dans cette attitude opiniâtre: nous donner à voir non pas le réel mais une image du réel en interrogeant sa charge historique, culturelle, idéologique.
« Ce n’est pas une image juste, c’est juste une image » disait Jean-Luc Godard.
Ivan Messac reprend au vol la sentence de Godard et poursuit d'une toile à l'autre, ce jeu subtil et jubilatoire.
Photos: Ivan Messac
Ivan Messac
"From me to you"
Du 15 novembre 2013 au 9 mars2014
Villa Tamaris centre d'art
Avenue de la Grande Maison
83500 La Seyne-sur-mer