Je ne sais pas si le phénomène de grogne, présenté comme une quasi généralisation, est plus ample que par le passé, sous les gouvernements précédents. Mais une chose est sûre : les relais fonctionnent à pleine capacité et ratissent large, et la concentration géographique finit d’amplifier un malaise qui, s’il est réel pour certains, reste surtout une bataille idéologique d’une classe pas vraiment aux abois. Il faut redresser la France, mais sans rien leur demander.
La manifestation de Quimper du 2 novembre où défilaient ensemble syndicats et MEDEF a tout de même eu une couleur glauque et une allure bigrement contre-nature, les uns défendant leurs emplois au milieu des autres arc-boutés sur leurs profits… Je ne discute jamais des motifs qui amènent les gens dans la rue ou qui se mettent en grève parce que pour l’avoir vécu plus que de raison, je considère ces actes comme matérialisant souvent un fort sentiment d’injustice. Cela demande de l’abnégation et une énergie décuplée par l’état de tension perpétuelle. On ne manifeste jamais par amusement : c’est un acte politique ereintant à l’issue très incertaine.
Mais, parmi la multitude de raisons qui ont provoqué ce rassemblement, pour tous les bords en présence, il y a dans cette Bretagne irritée une constante immuable qui est d’oublier les véritables responsables de la situation pour reporter toute la rancoeur sur le gouvernement. C’est un peu facile : les patrons-routiers ont omis qu’ils doivent l’écotaxe au gouvernement précédent qui roulait bien à droite, comme eux, avec à la clef, une gestion très particulière de l’argent public. On dirait qu’on a trouvé bien plus opaque que le brouillard breton. Et cerise sur le gâteau comme un bonnet rouge sur le chef de futur chômeur, les ouvriers des industries du saumon, poulets et autres barbaques vocifèrent et s’en prennent violemment au ministre de l’agriculture alors que leurs malheurs sont surtout dus aux manœuvres douteuses de leurs employeurs respectifs qui ont sciemment dégradé leur outil de production en bâtissant leurs modèles économiques sur des subventions européennes, donc de l’argent public, pour casser des marchés à l’export. C’est économiquement discutable et moralement méprisable. Du gagnant-gagnant fortement lucratif à court terme et sans risque, aux frais du contribuable. Du bon capitalisme en somme. Devinez qui va payer.
Pour les dégradations répétées du domaine public, pour cette écotaxe pourtant nécessaire en vertu du principe «pollueur-payeur», pour le marché avec Ecomouv, ce groupement de sociétés chargé par la bande à Fillon de la mise en œuvre et la collecte de la taxe qui illustre à merveille le triomphe du capitalisme mafieux, le contribuable y pourvoira.
Et encore, quand je dis «le contribuable», il s’agit de ceux qui n’ont aucun moyen de défiscaliser…