06 novembre 2013
Pourquoi parler de résurgence ?
Le vieux fond de racisme, en particulier en ces temps de crise économique, le sentiment de "peur du Noir, de l'autre, de l'étranger" qui étreint bien des gens simples, existe dans notre pays depuis longtemps. C'est la parole qui a, hélas, aujourd'hui tendance à se libérer, une expression encouragée par les dérapages plus ou moins "pilotés" par certain parti politique. Et, sans doute aussi un peu, l'éloignement des principes religieux qui inculquait autrefois que nous sommes tous frères.
Harry Roselmack a pris hier soir le mors aux dents, dans Le Monde, pour dénoncer le "hiatus congénital entre la promesse rébublicaine (Liberté, Egalité, Fraternité) et la réalité de la société française".
Souvenons nous cependant, et pas pour porter en bandoulière une responsabilité collective qui n'a rien à faire avec le recul de l'histoire, que ce sont les négriers européens qui ont réduit à l'état de "chose" les captifs qu'ils transportaient au-delà des mers, et sur lesquels ils réalisaient de substantiels bénéfices. Et tout ça, à l'époque des "Lumières".
Il est bon de relire les ouvrages d'Olivier Pétré-Grenouilleau, aujourd'hui professeur à Sciences Pô et membre de l'Inspection Générale de l'Education Nationale, et dont les thèses pourtant bien documentées ont été combattues par nombre d'intellectuels, en particulier parce qu'elles démontrent que l'esclavage n'a pas disparu de notre planète. Ecoutons-le :
" Il faut d'abord dire que le caractère abominable de la traite n'est pas corrélé aux chiffres. Le fait que la traite orientale - en direction de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient - ait affecté plus de gens ne doit nullement conduire à minimiser celle de l'Europe et des Amériques. En revanche, je suis surpris que certains soient scandalisés que l'on ose parler des traites non occidentales. Toutes les victimes sont honorables et je ne vois pas pourquoi il faudrait en oublier certaines. La traite transatlantique est quantitativement la moins importante : 11 millions d'esclaves sont partis d'Afrique vers les Amériques ou les îles de l'Atlantique entre 1450 et 1869 et 9,6 millions y sont arrivés. Les traites que je préfère appeler « orientales » plutôt que musulmanes - parce que le Coran n'exprime aucun préjugé de race ou de couleur - ont concerné environ 17 millions d'Africains noirs entre 650 et 1920. Quant à la traite intrafricaine, un historien américain, Patrick Manning, estime qu'elle représente l'équivalent de 50 % de tous les déportés hors d'Afrique noire, donc la moitié de 28 millions. C'est probablement plus. Ainsi un des meilleurs spécialistes de l'histoire de l'Afrique précoloniale, Martin Klein, explique-t-il que, vers 1900, rien que dans l'Afrique Occidentale Française, on comptait plus de 7 millions d'esclaves. Aussi n'est-il sans doute pas exagéré de dire qu'il y en eut peut-être plus de 14 millions, pour le continent, sur une durée de treize siècles. "
Je ne partage pas les options politiques de Madame Taubira, mais je ne supporte pas les injures racistes dont elle a été abreuvée. Les mêmes, tout aussi insupportables, qui faisaient pleurer à la tribune de l'Assemblée Nationale Simone Veil défendant la loi dépénalisant l'IVG.
Harry Roselmack dénonce "l'étrange carburant qui alimente la xénophobie : la jalousie envers plus mal loti que soi". Ce qui s'appelle aussi une réaction de "petit blanc".
Et moi, républicaine viscérale, j'ai honte ....